Loi Elan et ses décrets : une réforme de la copropriété d’application immédiate

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ordonnance copropriété

La loi « ELAN », définitivement publiée le 24 novembre 2018, contient trois grandes réformes de la copropriété : Loi ELAN ordonnance

  • une réforme de la copropriété d’application immédiate contenue dans ladite loi (I) ;
  • une habilitation donnée au gouvernement de prendre deux ordonnances venant réformer le statut de la copropriété (II)

Parmi les modifications d’application directe les plus significatives : la réduction à 5 ans du régime de prescription prévu à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, la création d’une super procédure de recouvrement de charges, le vote par correspondance avant l’assemblée générale par voie de formulaire (différent du pouvoir), une nouvelle sanction possible à l’encontre du syndic en l’absence de communication de pièce, la modification obligatoire des règlements de copropriété pour faire mentions des parties communes spéciales et à droit de jouissance privatif.

Vous pouvez prendre connaissance de l’intégralité des nouvelles dispositions modifiant la loi du 10 juillet 1965 en cliquant ici.

En outre, le gouvernement a reçu une habilitation pour prendre par ordonnance deux grandes réformes.

La première ordonnance, qui prendra effet le 1 juin 2020, viendra créer des régimes de la copropriété en fonction notamment du nombre de lots d’habitation.

La seconde ordonnance, qui interviendra dans un délai de deux ans, soit d’ici le mois de novembre 2020, adoptera un Code de la copropriété.

Le Cabinet BJA vous tiendra informé des bouleversements à venir dont certains sont imminents, et répondra à vos interrogations afin de vous adapter à ces nouvelles modifications.

I) La réforme immédiatement applicable

Sans exhaustivité, cette loi ELAN contient des dispositions qui modifient de manière significative plusieurs règles essentielles de la loi du 10 juillet 1965 et qui sont applicables depuis sa promulgation le 24 novembre 2018.

Comment sont modifiées les règles en matière de prescription ? 

L’article 42 (ancien) de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que :

  • en matière de copropriété le délai de prescription est de 10 ans ;
  • une action en contestation d’une décision d’assemblée générale ne peut intervenir que dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès verbal d’assemblée générale ;
  • le procès-verbal d’assemblée générale doit être notifié dans un délai de deux mois à compter de la réunion de l’assemblée générale.

La loi ELAN est venu modifier cet article 42.

Tout d’abord, le délai de prescription de 10 ans est réduit à 5 ans (comme en matière de prescription de droit commun).

De plus, la notification du procès-verbal d’assemblée générale devra désormais intervenir dans un délai d’un mois.

En conséquence, et à titre d’exemple, il ne sera plus possible de recouvrer les charges de copropriété impayées datant de plus de cinq années au jour de l’assignation. (sous réserve de l’application de la loi dans le temps, pour plus de détails cliquez ici)

Pour rappel, la mise en demeure ne suspend pas la prescription, seule la signification de l’assignation détient cet effet. 

Qu’est-ce que la nouvelle super procédure de recouvrement de charges ?

En matière de recouvrement de charges, il est indispensable de diligenter une procédure devant le juge du fond pour obtenir la condamnation du copropriétaire défaillant au règlement de l’arriéré des charges.

Lorsque le même copropriétaire ne règle jamais ou que très rarement ses charges (les habitués !), le syndic est contraint de multiplier les procédures à son encontre pour chaque nouvel impayé.

L’article 19-2 a été créé par la loi du 14 décembre 200 pour remédier à cette situation.

Cet article prévoit qu’en l’absence de réponse à une mise en demeure adressée au copropriétaire dans un délai de 30 jours, l’intégralité des sommes dues au titre du budget prévisionnel deviennent exigibles : déchéance du terme.

Toutefois, cette procédure ne permet ni d’obtenir le règlement des sommes dues au titre de l’arriéré des charges dues, ni de rendre exigible l’intégralités des sommes dues au titre de la cotisation au fonds travaux. Elle a pour seul effet de permettre cette déchéance du terme.

En effet, il est jugé que ce fondement spécifique ne peut être utilisé que pour le recouvrement des charges de l’année en cours, à l’exclusion des arriérés restant dus au titre des exercices précédents, dont le recouvrement doit être poursuivi selon les règles de droit commun. (Cass. 3ème Civ,. 20 juin 2012, n°11-16.307).

En conséquence, cette procédure est très peu utilisée car elle implique d’entreprendre deux procédures, une pour les charges antérieures (au fond, sur le fondement de l’article 10), une pour les charges postérieures (en référé sur le fondement de l’article 19-2).

L’article 210 de la loi ELAN vient remédier à cette situation en modifiant l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 :

« Après réception d’une mise en demeure restée infructueuse pendant 30 jours pour le règlement de charges de copropriété prévue au budget prévisionnel ou au fonds travaux : l’intégralité des sommes dues et restant dues au titre du budget prévisionnel et du fonds travaux, ainsi que les sommes restant dues au titre des exercices précédents après approbation des comptes seront immédiatement exigibles. » 

Autrement dit, si le copropriétaire ne règle pas un seul appel de fonds dans le mois suivant la réception d’une mise en demeure, il sera possible de diligenter une seule procédure pour recouvrer à la fois les charges antérieures et les appels provisionnels à intervenir.

Désormais, ce nouveau fondement permettra d’éviter de recourir à des procédures à répétition à l’encontre d’un même copropriétaire récalcitrant et d’obtenir des titres exécutoires sur des créances plus importantes. 

Cette procédure pourra être intentée par devant le Président du Tribunal de Grande Instance statuant comme en matière de référé, synonyme d’une plus grande célérité dans le traitement des dossiers. Notre cabinet a obtenu plusieurs décisions de condamnation sur la base de ce fondement, avec des condamnations exemplaires.

==> Les services contentieux des syndics pourraient modifier leurs modèles de relance afin d’intégrer la mention de l’article 19-2 et l’indication que depuis la loi ELAN à défaut de règlement des charges dans les 30 jours l’intégralité des charges futures pourrons être réclamées.

Pour plus d’information et pour trouver ce modèle, cliquez ici

Le cabinet BJA vous assure le pilotage efficace des procédures de recouvrement de charges, dans la phase amiable et/ou contentieuse, et de vous adapter aux dernières évolutions.

Quels sont les nouveaux modes de participation à l’assemblée générale ?

  • Participation par visioconférence ou autre moyen de communication électronique permettant leur identification : ces nouveaux moyens devraient favoriser la percée des syndics en ligne, du vote à domicile au moyen d’un ordinateur d’un clavier et d’une connexion, ou de l’utilisation de la blockchain pour voter …

Le décret du 27 juin 2019 modifie l’article 13-1  et suivants du décret de 1967 : cet article prévoit que  le syndicat des copropriétaires décide s’il souhaite mettre en place ces dispositifs en proposant au vote 

1- Les moyens et supports techniques permettant aux copropriétaires de participer

2- les garanties permettant de s’assurer de l’identité de chacun des participants doivent être clairement indiqués

3 -le devis élaboré à l’initiative du syndic ou de conseil syndical indiquant le coût du dispositif qui sera supporté par le syndicat des copropriétaires.

Le copropriétaire qui souhaite user de ce moyen de participation informe par tout moyen le syndic trois jours avant la réunion de l’assemblée générale afin de prévenir le prestataire (article 13-2 du décret de 1967). A défaut, le syndic pourrait refuser la participation du copropriétaire concerné.

Les incidents techniques empêchant le copropriétaire de faire connaître son vote doivent être mentionnés dans le procès verbal (article 17 du décret de 1967). Ce vote non exprimé permet au copropriétaire votant à distance d’être considéré comme un absent et donc de préserver son droit à recours.

  • Possibilité pour le copropriétaire de voter par correspondance avant la tenue de l’assemblée générales par voie de formulaire : le copropriétaire ne participant aux débats en votant avant la tenue de l’assemblée générale ne sera pas éclairé et n’aura pas pu entendre les arguments de ceux qui plaident pour l’adoption de telle résolution ou de tels travaux. Les copropriétaires bailleurs – non-occupants – qui refusent systématiquement les travaux risquent de prendre le pouvoir au détriment des personnes présentes dans l’immeuble et en assemblée générale.
  • Le formulaire n’indiquant pas précisément le sens de leur vote ou exprimant une abstention est considéré comme un vote défavorable : cette disposition risque d’empêcher la prise de décision en assemblée générale si les copropriétaires remplissent de manière incomplète les formulaires.
  • Est également considéré comme défavorable le vote par correspondance portant sur des résolutions, qui à l’issue des débats en assemblée générale, ont évolué de manière substantielle : Cette disposition risque de générer de nouveaux contentieux. Qui pourra décider du caractère substantiel de l’évolution ?

* les dispositions concernant le vote par voie de formulaire seront applicables uniquement à compter de l’adoption du décret d’application, dont la date de parution n’est pas encore connue. Ce décret précisera notamment les mentions du formulaire de vote et ses modalités de remise par le syndic. 

Quelle est la nouvelle sanction prévue à l’encontre du syndic pour le défaut de communication de pièces ?

Le syndic est tenu de communiquer les pièces demandées par le Conseil Syndical intéressant le syndicat (article 21 de la loi du 10 juillet 1965).

La loi ELAN prévoit qu’un décret devra préciser la liste minimale des documents devant être accessible en ligne dans un espace sécurisé. Le décret paru le 23 mai 2019 indique les documents devant figurer sur cet « espace » avec un accès différencié selon la consultation : par un copropriétaire de son compte, par le conseil syndical des informations sur la gestion du syndicat ou de tout copropriétaires. Pour plus d’information cliquez ici.

La loi ELAN prévoit à l’article 203 que le syndic qui ne communique pas dans le délai les pièces sollicitées par le Conseil Syndical encoure une nouvelle sanction.

La sanction correspond au paiement de pénalités par jour de retard dans le délai d’un mois à compter de la demande de communication de pièces du Conseil Syndical.

Le montant minimal des pénalités est de 15 euros par jour de retard.

Le montant maximum de la pénalité est plafonné au montant des honoraires de base du Syndic.

Critique : la mise en oeuvre de cette sanction apparaît peu probable pour les raisons indiquées ici !

Quelles sont les modifications des règles concernant le vote en assemblée générales ?

sur le vote des travaux d’économie d’énergie

Les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique à l’occasion de travaux affectant les parties communes sont votés à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 alors que ceux qui si travaux d’économie d’énergie ne sont pas pris à l’occasion de travaux affectant les parties commune alors ils sont votées à la majorité de l’article 25.

L’article 212 de la loi ELAN est venu modifier les articles 24 et 25 afin de supprimer cette distinction.

Désormais tous les travaux d’économie d’énergie seront votée à la majorité de l’article 25. 

On remarque que cette modification ne facilitera pas l’adoption de ces travaux d’économie puisque la majorité est plus rigoureuse (majorité absolue à la place de la majorité simple).

sur les pouvoirs en blanc donnés au syndic

Si syndic reçoit de la part de copropriétaires des mandats dont la désignation du mandataire aurait été laissée vierge (souvent appelés « pouvoir envoyé en blanc »), il est jugé que le syndic ne peut ni les conserver pour voter en son nom, ni les distribuer lui-même aux mandataires qu’il choisit.

Cette jurisprudence a été intégré dans l’article 211 de loi ELAN venant modifier l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965.

Cette disposition a pour effet d’empêcher le Syndic de remettre par des pouvoirs reçus en blancs aux  copropriétaires « fidèles » ou aux membres du Conseil Syndical.

La question restait ouverte de savoir que devait donc faire le syndic de ces pouvoirs.

Le décret du 27 juin 2019 pris en application de la loi ELAN tranche : le syndic les remet en début de réunion au président du conseil syndical afin qu’il désigne un mandataire pour exercer cette délégation de vote. En l’absence de président du conseil syndical ou à défaut de conseil syndical, le syndic remet aux mêmes fins ce mandat au président de séance désigné par l’assemblée générale.

La remise de ces pouvoirs doit être mentionnée dans le procès verbal de l’assemblée générale peut-être afin d’informer les copropriétaires des « jeux de pouvoir ».

sur la délégation par un copropriétaire de son droit de voter auprès d’un mandataire.

L’article 22 (actuel) de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que le mandataire peut recueillir plus de trois délégations uniquement si le total des voix dont il dispose (les siennes et celles de ses mandants) ne dépasse pas 5% des voix.

La loi ELAN à l’article 211 modifie l’article 22 afin d’augmenter ce seuil à 10% des voix.

Cette résolution permettra au mandataire (copropriétaire ou non) de recevoir plus de délégation de « petits porteurs », dans la limite de la détention de 10% du syndicat.

 sur la subdélégation.

L’article 22 (nouveau) prévoit que tout mandataire désigné pourra subdéléguer son mandat à une autre personne, à condition que cela ne soit pas interdit par ledit mandat.

sur la délégation à un époux

L’article 22 (nouveau) prévoit que chacun des époux, copropriétaires communs ou indivis d’un lot, peut recevoir personnellement des délégations de vote (transposition de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 février 2017, 15-26.268). Quid des personnes Pacsé ?

Quelles sont les autres dispositions d’application immédiate ?

La loi ELAN indique également le régime des parties communes avec droit de jouissance privatif en cliquant ici

la mise en copropriété, du lot transitoire en cliquant ici, des parties communes spéciales, règles d’affectations pour le fonds travaux, l’institution d’un Conseil National de la Gestion Immobilière, nouvelles sanctions pour les locations saisonnières type AIRBNB etc.

II) Les deux ordonnances Copropriété à venir Loi ELAN ordonnance

La loi ELAN à l’article 215 habilite le gouvernement à prendre deux ordonnances venant modifier le statut de la copropriété en profondeur.

Que prévoit la première ordonnance distinguant des régimes de la copropriété ?

Objet de l’ordonnance  :

  • redéfinir les règles de la copropriété des immeubles bâtis notamment en fonction de leurs tailles, de leurs caractéristiques et de leurs destinations
  • modifier les règles de gouvernance de la copropriété et les règles d’ordre public applicables.

On bascule ainsi du droit de la copropriété aux droits des copropriétés.

Selon les préconisations du projet GRECCO, des régimes différents pourraient être adoptés selon que la copropriété est composée de deux lots d’habitation (régime proche de l’indivision), 10 lots d’habitation (formalisme de l’assemblée générale allégé) ou 100 lots d’habitation (délégation à un conseil d’administration de prendre certaines décisions).

Calendrier de l’adoption de cette ordonnance :

L’article 215 III de la loi ELAN prévoit que cette ordonnance sera adoptée par le gouvernement dans les 12 mois suivant la promulgation de la loi ELAN.

Cette ordonnance devrait donc être adoptée en novembre 2019, cependant elle ne sera pas immédiatement applicable.

En effet, dans un souci de sécurité juridique, ce régime ne sera applicable qu’à compter du 1 juin 2020 afin de permettre aux acteurs de la copropriété de se préparer pour cette réforme de grande ampleur.

L’article 215 prévoit aussi qu’une loi de ratification devra être déposée devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.

Que prévoit la seconde ordonnance instituant le code de la copropriété ? Loi ELAN ordonnance

Objet de l’ordonnance :

Cette ordonnance prévoit la création d’un code de la copropriété afin de regrouper et organiser l’ensemble des règles régissant le droit de la copropriété. Il ne s’agit pas d’une réforme à droit constant, car le gouvernement pourra « apporter les modifications qui seraient nécessaires pour (…) harmoniser l’état du droit. »

Calendrier de l’adoption de cette ordonnance :

L’article 215 III de la loi ELAN prévoit que cette ordonnance sera adoptée dans les 24 mois suivant la promulgation de cette loi.

Le Code de la copropriété devrait donc entrer en vigueur au mois de novembre 2020.

Une loi de ratification devra également être déposée devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.

Recommandations du cabinet BJA :

Après la rafale ALUR est venu le temps de l’ouragan ELAN . Il est d’ores et déjà nécessaire de s’adapter à cette réforme d’application immédiate.

Concernant certaines mesures des décrets d’application seront nécessaires. En concertation avec les ordres professionnels FNAIM, UNIS, GALIAN, ANCG des recommandations pratiques sont communiquées à l’attention des gestionnaires de copropriété.

Le Cabinet BJA se tient à votre entière disposition.

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