Covid-19 : poursuite des chantiers et conséquences contractuelles

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Thoughtful Construction Worker

L’épidémie de Covid-19 bouleverse l’économie de notre pays et impacte fortement le secteur de la construction.

En effet, les entreprises du bâtiment doivent s’adapter aux enjeux sanitaires tout en assurant la poursuite des chantiers comme l’a demandé le Gouvernement, et ce afin de sauvegarder la vie économique du pays.

L’arrêt des chantiers en cours n’est naturellement pas sans conséquence. BJA vous accompagne et vous informe sur les conséquences juridiques de l’épidémie de Covid 19 sur l’exécution de vos contrats.

  • Comment les entreprises du BTP peuvent-elles à la fois s’adapter aux contraintes du confinement et assurer la continuité de leur activité ?

Dès la mise en place du confinement, les Syndicats des professionnels du bâtiment ont demandé la suspension des chantiers afin d’assurer la protection des travailleurs face à l’épidémie. Or, le gouvernement a souhaité que les entreprises du BTP assurent la continuité de l’activité des chantiers.

Le 21 mars, un accord a été signé entre le gouvernement et les organisations professionnelles du BTP dans le but de poursuivre les chantiers, si les conditions sanitaires le permettent. Monsieur le Ministre, Bruno Le Maire, a annoncé que la poursuite des chantiers s’accompagnera de l’adoption d’un protocole prévoyant des « règles strictes ».

L’accord trouvé entre les partenaires sociaux, l’OPPBTP et l’Etat est enfin paru sous forme de guide.

On devrait connaître sur les chantiers un nouveau personnage, le « référent Covid » garant des mesures préventives et des communications obligatoires. (Ce dernier viendrait compléter l’équipe du chantier : RUS, SPS, homme trafic, l’agent de proximité etc.).

« Ces mesures préventives urgentes à mettre en œuvre pour protéger les salariés et leur entourage de la contamination » permettraient la reprise de tous les chantiers : Sous réserve que les entreprises de construction adhèrent ainsi que les architectes, maîtres d’œuvre d’exécution, coordinateurs et autres maillons de la chaîne.

Le caractère irrésistible invoqué pour solliciter l’application du cas de force majeure serait plus difficile à invoquer, alors que des mesures permettent la reprise. Ce guide sonne-t-il vraiment le glas du gel des chantiers ?

  • Quelles sont les conséquences de la qualification juridique de la force majeure pour l’épidémie du Covid 19 ?

La qualification de la force majeure a pour effet de permettre de :

  • Solliciter une prolongation de délai d’exécution auprès de son cocontractant,
  • S’exonérer des pénalités de retard qui pourraient être dues pour la fraction du retard imputable à la force majeure,
  • Solliciter la résiliation ou la suspension de ses obligations auprès de son cocontractant.

L’épidémie de Covid 19 présente-t-elle les caractéristiques de la force majeure ?

La force majeure est définie à l’article 1218 du Code civil qui dispose :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. 

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Les caractéristiques de la force majeure sont les suivantes :

  • Imprévisibilité,
  • Irrésistibilité.

Ainsi, la force majeure est l’événement imprévisible et insurmontable empêchant le débiteur d’exécuter son obligation.

A notre sens, la pandémie peut être considérée comme un cas de force majeure dès lors qu’elle en présente les caractéristiques :

  • Il était impossible de prévoir, lors de la formation du contrat, la survenue d’un tel évènement,
  • Les mesures sanitaires mises en place afin d’empêcher la propagation du virus impliquent la cessation des activités d’un certain nombre d’entreprises, et notamment les entreprises du BTP, les contacts et déplacements devant être réduits au strict minimum sur l’ensemble du territoire.

Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des finances, a par ailleurs annoncé vendredi 28 février 2020 que le coronavirus COVID-19 sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises en particulier au regard des marchés publics de l’État, justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles.

Néanmoins, il convient de faire preuve de vigilance. En effet, la force majeure n’est pas systématiquement retenue par les juridictions en cas d’épidémie.

Ainsi, la force majeure ne peut être invoquée lorsque l’épidémie préexistait au contrat. Dans ces conditions, la question de la date à laquelle l’on considérera que l’épidémie de Covid 19 pouvait être anticipée peut faire débat, notamment pour les contrats conclus récemment. Il est aussi probable que la force majeure ne puisse être retenue depuis la publication du guide des bonnes pratiques de l’OPPBTP.

Aussi, si certaines entreprises ne peuvent poursuivre leur activité en raison des mesures sanitaires mises en place afin d’empêcher la propagation du virus, il n’en est pas de même pour tous les acteurs économiques et notamment pour l’exécution de certaines prestations intellectuelles telles que, dans le domaine du bâtiment, les études d’exécution.

Dans ces conditions, la société invoquant la force majeure devra établir que tous les critères caractérisant la force majeure sont réunis, et notamment l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures appropriées permettant l’exécution de ses obligations et le lien de causalité entre l’épidémie de Covid 19 et l’impossibilité d’exécuter ses obligations.

Ainsi, la caractérisation de la force majeure devra être appréciée au cas par cas.

  • En pratique, comment puis-je invoquer la force majeure afin d’obtenir un délai d’exécution ou l’inapplication des pénalités de retard ?

Tout d’abord, il est recommandé de vous reporter à vos marchés ou contrats afin de vérifier l’existence d’une clause de force majeure et le cas échéant en identifier les conditions de mise en œuvre.

La norme AFNOR NF P03-001 prévoit ainsi dans son article 10.3.1.2 que le délai d’exécution est prolongé de la durée des empêchements de force majeure.

Dans ces conditions, s’agissant des marchés privés soumis à la norme précitée, le délai d’exécution peut être prolongé de la durée de l’empêchement présentant les caractéristiques de la force majeure.

L’entreprise peut donc adresser un courrier en lettre recommandée avec avis de réception au maître d’ouvrage pour demander la prolongation du délai d’exécution et en adresser une copie pour information au maître d’œuvre.

Si votre marché n’est pas soumis à la norme AFNOR précitée, il vous faudra invoquer soit la clause de force majeure prévue au contrat soit l’article 1218 du Code civil.

Il est conseillé d’acter cette prolongation de délai par un avenant au contrat ou, à tout le moins, par un courrier du maître d’ouvrage déclarant ne pas s’opposer à la prolongation du délai l’exécution liée à l’épidémie du Covid 19.

En cas de refus de prolongation du délai par le maître d’ouvrage, il est conseillé de lui adresser un second courrier recommandé avec avis de réception invoquant l’inapplication des pénalités de retard.

  • Les sociétés peuvent-elles se fonder sur l’imprévision ?

L’article 1195 du Code Civil dispose :

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».

La théorie de l’imprévision prévoit la possibilité pour une partie à un contrat de demander à son cocontractant la renégociation du contrat en cours d’exécution dès lors que trois conditions sont réunies :

  • Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat,
  • Rendant son exécution particulièrement onéreuse,
  • Pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.

A notre sens, l’épidémie du Covid 19 pourrait également rentrer dans le champ d’application de la théorie de l’imprévision et permettre ainsi aux parties de renégocier un contrat.

En effet, une partie à un contrat, qui ne peut invoquer la force majeure, peut en revanche essayer de renégocier les termes de son contrat si les mesures mises en œuvre afin de poursuivre l’activité dans le contexte de la crise sanitaire sont particulièrement onéreuses.

CONCLUSION – l’épidémie de Covid 19 impacte fortement l’exécution des contrats en cours. La force majeure devrait pouvoir être invoquée par une partie à un contrat qui se trouve dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles. Une analyse au cas par cas devra néanmoins être réalisée et à défaut une renégociation pourrait être proposée sur le fondement de l’imprévision.

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