Loi ELAN : le bailleur face au locataire en surendettement

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La situation de surendettement protège le locataire qui est dans l’impossibilité manifeste de faire face à ses dettes vis-à-vis de son bailleur.

La commission de surendettement, organe administratif, est en charge de recevoir ces dossiers et de statuer afin d’accorder ou non des délais, suspendre des règlements ou ordonner un plan, des mesures ou un effacement de total ou partiel de la dette.

Un locataire souffrant d’une dette de loyer peut rechercher cette protection auprès de la commission avant qu’une procédure judiciaire soit initiée à son encontre par son bailleur.

Le locataire peut aussi solliciter l’ouverture d’une procédure de surendettement après qu’une procédure judiciaire en paiement des loyers et expulsion soit initiée à son encontre.

Le juridiction civile, organe judiciaire, a également des pouvoirs afin d’octroyer des délais de paiement et retarder une expulsion d’un locataire en difficultés.

Le bailleur, en sa qualité de créancier, peut faire valoir ses droits à chaque étape afin d’éviter qu’un débiteur de mauvaise foi ne bénéficie injustement de cette protection et se maintienne dans son logement gratuitement. Le bailleur a également souvent les échéances d’un crédit à rembourser.

Chacun sa dette, chacun son chemin… et parfois les chemins se croisent.

Avant la loi Elan, la procédure judiciaire et celle devant la commission de surendettement pouvaient aboutir à des résultats contradictoires.

Une étude d’impact, réalisée en prévision de l’adoption de cette loi ELAN indiqué que :  « le traitement parallèle et non coordonné en droit de la dette locative par les commissions de surendettement et la juridiction civile conduisait fréquemment à l’expulsion du locataire, alors même que chacune des mesures de droit commun proposées par ces deux instances visaient séparément à permettre le rétablissement de sa situation ».

et que : « cette absence de coordination entre les deux procédures se matérialisait à travers plusieurs dysfonctionnements, à la fois avant et après la décision de justice statuant sur la résiliation du bail ».

Les nouvelles dispositions de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite «loi Elan », afin de mieux coordonner les procédures de surendettement et d’expulsion, sont entrées en vigueur le 1er mars 2019.

Qu’est-ce qu’une situation de surendettement ?

La procédure de traitement du surendettement des particuliers est régie par les articles L.330-1 à L.334-12 et R. 331-1 à R. 336-8 du Code de la consommation.

C’est ainsi que la situation de surendettement est définie comme « l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ».

La procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers en droit français est ouverte à la seule initiative des particuliers surendettés, à l’exclusion de tout créancier.

La recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement du débiteur emporte :

  • suspension et interdiction automatique et de plein droit des procédures d’exécution à l’encontre du débiteur (art. L. 722-2 du Code de la consommation) ;
  • L’interdiction faite au débiteur de régler les créances nées antérieurement à la décision de recevabilité

Si le dossier est recevable et la dette remboursable, il sera proposé un plan conventionnel de redressement ou des mesures imposées.

Si le dossier est recevable et la dette non remboursable, il sera proposé un rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire.

Par ailleurs, à chaque étape,  le bailleur, peut contester l’ouverture, les mesures imposées ou la décision de rétablissement en indiquant que :

  • cette situation a déjà causé un préjudice important au bailleur ;
  • le locataire a déjà bénéficié de larges délais ;
  • le locataire n’a pas réglé ses loyers postérieures à l’ouverture de la procédure ;
  • au regard de la situation du débiteur : sa solvabilité, sa situation professionnelle, ses dépenses qui aggraveraient son insolvabilité.

Le locataire bénéficiant de la procédure de surendettement est-il dispensé de régler son loyer ?

Il convient de distinguer :

  • le bailleur ne peut pas introduire une action en exécution de sa créance née antérieurement à la décision de suspension (autrement dit pour les loyers et charges antérieure à cette décision) ;
  • le locataire est dispensé du paiement des loyers correspondant à la période antérieure à cette décision. Pour autant, il demeure tenu de payer les loyers et charges locatives postérieurs à la décision de suspension.

Le bailleur peut-il expulser son locataire en situation de surendettement ?

Lors des débats parlementaires de la loi du 23 novembre 2018, il avait été souligné qu’il n’était pas « logique que des procédures d’expulsion et des procédures de surendettement vivent leur vie en parallèle sans jamais se rejoindre ».

En effet, la suspension et l’interdiction automatique et de plein droit des procédures d’exécution à l’encontre du débiteur ne concernent pas les mesures d’expulsion diligentées par le bailleur contre son locataire.

La loi n°2010-237 du 1er juillet 2010 a toutefois prévu la possibilité pour la commission de surendettement, lorsqu’elle déclare le dossier du débiteur recevable, de saisir le juge d’instance aux fins de suspension des mesures d’expulsion du logement (art. L. 722-6 du code de la consommation).

Il ne s’agissait toutefois que d’une faculté.

Parallèlement, le juge peut aussi accorder au locataire des délais de paiement, dans la limite de trois ans.

En quoi consistent les dispositions de la loi ELAN ?

Depuis le 1er mars 2019, les dispositions issues de la loi Elan s’appliquent afin d’améliorer la prévention des expulsions locatives et de mieux coordonner le traitement des situations de surendettement et la procédure en résiliation du bail et expulsion.

Ces mesures ont pour objectif de permettre de maintenir dans son logement le locataire de bonne foi lorsqu’il a repris le paiement de son loyer et s’acquitte du remboursement de sa dette locative. Si le locataire se libère de sa dette locative dans les délais et selon les modalités fixées, la clause de résiliation de plein droit du bail sera dénuée d’effet. Dans l’hypothèse inverse, elle reprendra effet.

Comment s’articulent les procédures de surendettement et d’expulsion engagées devant la commission et devant le tribunal d’instance ?

La loi ELAN est venue améliorer la coordination entre les procédures d’expulsion et de surendettement afin de permettre le maintien dans le logement des locataires de bonne foi qui reprennent le paiement de leur loyer courant et s’acquittent du remboursement de leur dette locative. Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er mars 2019.

Il convient de distinguer deux situations selon que la commission de surendettement intervient avant ou après la décision du juge du tribunal d’instance, saisi dans le cadre de la procédure d’expulsion.

La commission intervient avant la décision du juge d’instance La commission intervient après la décision du juge d’instance
 

Le dossier de surendettement est recevable : le juge d’instance accorde des délais de paiement en attendant que la commission se prononce sur la mesure à prendre.

 

Le dossier de surendettement est recevable : en principe la décision de recevabilité interdit au débiteur de régler une dette antérieure. Cette interdiction ne s’applique pas aux dettes locatives lorsque le juge d’instance a accordé des délais de paiement : le but étant d’éviter la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.

 

 

La commission a accordé au locataire un plan conventionnel, un rééchelonnement, une suspension ou un effacement partiel : le juge est tenu par l’échéancier convenu par la commission et le reprend au sein de sa décision.

 

 

La commission a imposé de nouveaux délais et modalités de paiement : ces délais et modalités se substituent à ceux prononcés par le juge d’instance.

 

 

Si un délai de suspension de l’exigibilité de la créance locative est imposé par la commission de surendettement, le juge doit accorder le même délai, prolongé de trois mois.

 

Un redressement avec ou sans liquidation judiciaire est accordé :

 

La clause résolutoire est suspendue pendant 2 ans à condition que le locataire s’acquitte du paiement du loyer et des charges courants.

 

Au terme de ce délai, la clause résolutoire est réputée ne jamais avoir joué si le locataire a bien respecté son obligation. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet et le propriétaire peut poursuivre la procédure d’expulsion.

 

 

Un redressement avec ou sans liquidation est accordé au locataire : le juge suspend la clause résolutoire pendant 2 ans (de sorte que la résiliation du bail ne peut pas avoir lieu) et si pendant ce délai, le locataire s’acquitte bien de ses loyers et charges courants, la clause est réputée ne jamais avoir joué.

 

La déchéance de la procédure de surendettement a été prononcée : elle emporte le rétablissement des délais et modalités de paiement accordés antérieurement par le juge d’instance.

 

Autrement dit, lorsque la commission de surendettement se prononce en premier, les mesures qu’elle prend sont intégrées à la décision du juge d’instance saisi a posteriori. Lorsqu’elle intervient après le juge du bail, les mesures qu’elle prend se substituent à la décision prise antérieurement par le juge d’instance.

Attention : pour bénéficier de ces nouvelles mesures, le locataire doit avoir repris le paiement de ses loyers et charges courants.

Recommandations du cabinet BJA :

La loi ELAN permet d’harmoniser les procédures devant le juge du fond et la commission de surendettement. La procédure de surendettement ne fait pas systématiquement échec au demande de règlement des créances de loyers et aux procédures d’expulsions. En conséquence, le bailleur souhaitant préserver ses droits doit formuler ses observations auprès de ces deux instances. Le cabinet BJA accompagne les bailleurs afin de présenter efficacement leurs demandes et contestations.

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