Covid-19 les ordonnances et le droit de la construction

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Stop sign on a street of New York City.

La crise sanitaire qui touche actuellement la France a conduit à l’adoption de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, loi adoptée en urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

L’article 11 de la loi a autorisé le gouvernement à prendre, par la voie d’ordonnances, des mesures afin de contrer les conséquences économiques de la crise et soutenir l’activité du pays

Une première série d’ordonnances a été prise le 25 mars 2020 dont certaines des dispositions concernent directement le secteur de la construction mais également reportent l’entrée en vigueur de l’ordonnance visant à faciliter la réalisation de projets de construction prise sur le fondement du I de l’article 49 de la loi ESSOC.

Quelles mesures d’urgence concernent la  prorogation des délais judiciaires ou contractuels échus et les conséquences sur le délai décennal ?

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 répond aux questions relatives à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période et s’applique notamment aux délais de prescription.

Le champ d’application de l’ordonnance concerne les délais relatifs à l’accomplissement de «  tout acte, recours, actions en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelque » qui aurait dû être accomplis au cours de la période allant du 12 mars au 24 juin, ainsi que ceux relatifs à tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition d’un droit.

Ces formalités seront réputées avoir été respectées si les diligences correspondantes ont été effectuées dans un délai qui ne peut excéder à la fin de la période, le délai légalement imparti pour agir, et ce dans la limite de deux mois, soit jusqu’au 24 août.

Ainsi, par exemple, le délai de prescription d’une action en responsabilité décennale dont le délai expirerait le 20 mars 2020 sera interrompu et recommencera à courir dès le lendemain du 24 juin, non pas pour une durée de 10 ans, mais pour une durée de 2 mois.

En ce qui concerne l’exécution, à proprement parler, des obligations contractuelles, le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-306 est clair : « la précision selon laquelle sont concernés par les dispositions de cet article les actes « prescrits par la loi ou le règlement » exclut les actes prévus par des stipulations contractuelles ».

Le Gouvernement a rappelé que le paiement des obligations contractuelles doit toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat, sauf application éventuelle des dispositions de droit commun relatives notamment à la force majeure ou à l’imprévision.

Toutefois, en dépit de l’absence de suspension des obligations contractuelles, l’article 4 de l’ordonnance prévoit que les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance qui ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont suspendues et leurs effets sont paralysés si le délai dont bénéficiait le débiteur pour s’exécuter a expiré pendant la période.

Le cours de ces astreintes et les effets de ces clauses produiront de nouveau leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de la période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.

Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période et reprendront effet dès le lendemain.

Tous les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 ne sont pas reportés et les délais dont le terme est fixé au-delà de la période ne sont ni suspendus ni prorogés.

Par ailleurs, l’article 5 de l’ordonnance prévoit que « lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après cette période » soit pour l’heure jusqu’au 24 août 2020.

Quelles conséquences ces mesures d’urgence engendrent-elles au regard des actes et procédures administratives relatives à la construction et l’urbanisme 

L’activité des constructeurs est soumise au respect de certains délais administratifs (délais relatifs à la commande publique, aux autorisations d’urbanisme ou encore au contrôle des travaux) qui pour certains, compte tenu du contexte actuel de crise sanitaire, ne pourront être tenus.

Il est possible, en analysant les dispositions de l’ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, de répondre aux inquiétudes des professionnels du secteur.

Dans un premier temps, il convient de préciser que l’ordonnance précitée s’applique aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars et le mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour une durée de 2 mois à compter du 24 mars 2020.

Ainsi, les délais concernés sont ceux expirant entre le 12 mars et le 24 juin 2020, sauf en cas de modification de la durée de l’état d’urgence sanitaire.

  • Les autorisations d’urbanisme

En application de l’article 2 de l’ordonnance précitée, le recours gracieux ou contentieux formé contre une autorisation d’urbanisme, au même titre que la notification de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme (dénonciation à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation) qui aurait dû être formé entre le 12 mars et le 24 juin, sera réputé avoir été formé à temps s’il l’a été dès le 24 juin dans le délai légalement imparti, dans la limite de deux mois supplémentaires soit jusqu’au 24 août 2020. .

Ainsi, le délai de dénonciation de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme est de 15 jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. Si le recours a été formé le 10 mars 2020, le délai expirait donc le 25 mars, soit pendant la période considérée. Le requérant pourra alors bénéficier d’un délai supplémentaire de 15 jours à compter du 24 juin 2020 pour effectuer ladite dénonciation et ainsi régulariser sa situation.

La durée de validité des autorisations d’urbanisme est, par ailleurs, prorogée de plein de droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant l’expiration d’un délai à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (article 3 de l’ordonnance n°2020-306).

Ainsi, les autorisations d’urbanisme dont la validité cesserait entre le 12 mars et le 24 juin 2020, seront automatiquement prorogées jusqu’au 24 août 2020.

En outre, aux termes de l’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, les délais d’instructions relatifs à ces autorisations en cours au 12 mars 2020 sont suspendus. Ils reprendront à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit pour l’heure au 24 juin 2020.

En revanche, les délais d’instruction qui auraient dû débuter postérieurement au 12 mars, en ce compris les délais pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires, sont reportés.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit également que les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance qui peuvent notamment être contenues dans une promesse de vente, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré entre le 12 mars et 24 juin 2020.

Ces clauses produisent leurs effets à compter du 24 juillet si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. L’on pense notamment à l’obligation de déposer une demande de permis de construire ou d’obtenir une telle autorisation dans un délai déterminé. Le promettant pourra ainsi bénéficier d’un délai jusqu’au 24 juillet 2020 pour faire une demande ou obtenir une autorisation pour échapper aux effets d’une telle clause.

  • Les contrôles de travaux

Aux termes de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-306, les délais imposés par l’administration, en cours au 12 mars 2020, pour effectuer les contrôles de travaux ou exiger la mise en conformité de ces délais avec l’autorisation administrative préalable ou la réglementation d’urbanisme sont suspendus.

Ils reprendront à compter du 24 juin 2020.

  • La commande publique

L’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 est venue apporter diverses mesures d’adaptation des règles régissant les contrats soumis aux dispositions du Code de la commande publique ainsi qu’aux contrats publics qui n’en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’une durée de deux mois, c’est-à-dire tous les contrats publics en cours ou conclus entre le 12 mars et le 24 juillet 2020.

Sauf lorsque les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard, les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours sont prolongés d’une durée suffisante, fixée par l’autorité contractante, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner.

Les contrats arrivés à terme pendant la période susvisée peuvent être prolongés par avenant au-delà de la durée prévue par le contrat lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre.

Par ailleurs, l’article 6 de l’ordonnance met en place des dispositifs pour protéger les entreprises des sanctions contractuelles qui pourraient intervenir : dans l’hypothèse où le titulaire du marché serait dans l’impossibilité de tenir les délais fixés contractuellement ou si l’exécution devient trop onéreuse, le délai d’exécution pourra être allongé pour une durée de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Lorsque l’exécution d’une commande ou d’un contrat est rendue impossible du fait de l’épidémie et des mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement, notamment dans le cas où le titulaire du marché démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants pour mettre en œuvre ces mesures ou que ces dernières entraînent pour lui une charge manifestement excessive, aucune sanction ne pourra être prononcée à son encontre.

Il ne pourra notamment se voir infliger des pénalités de retard ou toute autre pénalité contractuelle et le contrat ne pourra être résilié pour faute. De même, sa responsabilité contractuelle ne pourra se trouver engagée par l’autorité contractante pour ce motif (art. 6, 2° a).

Les mesures d’urgence adoptées pour lutter contre la propagation du Covis-19 vont-elle retarder le calendrier législatif relatif au droit de la construction ?

L’article 49 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC) a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi visant à faciliter la réalisation de projets de construction.

Prise sur le fondement du I de l’article 49 de la loi ESSOC, une première ordonnance, publiée le 31 octobre 2018, permet la mise en œuvre de solutions techniques présentant des résultats équivalents aux règles de construction prévues par le code de la construction de l’habitation (CCH) dans certains domaines.

Une seconde ordonnance publiée le 31 janvier 2020 a permis de généraliser, en l’intégrant au droit commun, la démarche d’innovation, qui n’était qu’expérimentale dans le cadre de l’ordonnance du 30 octobre 2018 et de réécrire plus de 200 articles législatifs.

La date d’entrée en vigueur de l’ordonnance était prévue au 1er juillet 2020.

Il était, par ailleurs, prévu qu’un projet de loi de ratification soit déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance, ce qui n’a, pour l’heure, pas pu être réalisé.

Il est ainsi heureux que l’article 14 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 prolonge de 4 mois les délais fixés pour le dépôt de projets de loi de ratification d’ordonnances publiées avant le 24 mars 2020.

Ainsi, le gouvernement bénéficie désormais d’un délai jusqu’au 31 août 2020 pour déposer un projet de loi de ratification.

En conséquence, il est vraisemblable que le gouvernement reporte par décret l’entrée en vigueur de cette seconde ordonnance à une date ultérieure.

Quelles mesures de soutien économique le gouvernement a-t-il mis en place afin de soutenir les entreprises ?

  • L’instauration d’un fonds de solidarité

Il est institué, pour une durée de trois mois, un fonds de solidarité (ordonnance n°2020-317 du 5 mars 25 mars 2020) ayant pour objet le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation.

Un projet de loi de ratification doit être déposé avant le 26 mai 2020 et un décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 a été publié le 31 mars pour préciser les nombreuses conditions d’éligibilité à ce dispositif :

être une personne physique ou une personne morale de droit privé, résidente fiscale française exerçant une activité économique (entreprise) ;

–  avoir débuté son activité avant le 1er février 2020 ;

ne pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;

– avoir un effectif inférieur ou égal à 10 salariés ;

– avoir réalisé un chiffre d’affaire de moins d’1 million d’euros HT sur le dernier exercice clos ou un chiffre d’affaire mensuel moyen de moins de 83 333 euros HT depuis la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 ;

– ne pas avoir un bénéfice imposable (augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant) de plus de 60 000 euros au titre du dernier exercice clos ou lorsque l’entreprise n’a pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable (augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant) est établi à la date du 29 février 2020, sur leur durée d’exploitation et ramené sur douze mois ;

– le dirigeant majoritaire ne doit pas être titulaire, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et ne doit pas avoir bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros ;

ne pas être contrôlé par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce et lorsque l’entreprise contrôle une ou plusieurs sociétés, la somme des salariés, des chiffres d’affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5° ;

ne pas être au 31 décembre 2019, en difficulté au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 ;

Par ailleurs l’entreprise :

-doit avoir faire l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;

-Ou elle doit avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 (pour avril, le ministre de l’économie et des finances a annoncé un  assouplissement des règles d’indemnisation et le décret n°2020-394 prévoit que le pourcentage de perte est à 50% pour le mois d’avril) ou pour une entreprise créée après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020.

 

Ce dispositif de solidarité permet de recevoir une prime jusqu’à 1.500 euros (ou moins si la perte de chiffre d’affaire est inférieure à 1.500 euros) et une prime complémentaire de 2.000 euros sous certaines conditions (article 4 du décret).

Dès le 1er avril et jusqu’au 30 avril, toutes les entreprises concernées pourront faire une déclaration sur le site des impôts (impots.gouv.fr) pour recevoir l’aide.

On notera également la possibilité de recourir à d’autres mécanismes, dont certains préexistaient, afin de :

  • Bénéficier des mesures du chômage partiel (depuis le 16 mars, le ministère du Travail a indiqué que les entreprises avaient désormais 30 jours pour réaliser leur demande de chômage partiel, avec effet rétroactif)
  • Bénéficier de délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales (Urssaf, impôts directs)
  • Solliciter auprès du comptable public un plan de règlement afin d’étaler ou reporter le paiement de votre dette fiscale ou d’obtenir une remise gracieuse;
  • Bénéficier d’un prêt garanti par l’État(prêt de 25% du chiffre d’affaire garantie à 90% par l’État) ;
  • Bénéficier de la Médiation du Crédit pour le rééchelonnement des crédits bancaires.

 

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