Le congé en matière de bail d’habitation

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 En matière de bail d’habitation, les règles relatives à la délivrance des congés sont définies à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.

La loi ALUR du 24 mars 2014 puis la loi MACRON du 6 août 2015 ont apporté plusieurs modifications dans ce domaine.

En vue d’assurer une parfaite information de nos clients, le présent article a pour objectif de faire un rappel sur les règles applicables aux congés délivrés par le bailleur.

Enfin, certaines actualités sont indiqués concernant les incidences de la période d’état d’urgence sanitaire – Covid-19 sur les congés délivrés.

« Quelles sont les modalités de délivrance du congé ? »

La délivrance du congé par le bailleur est soumise à plusieurs obligations qui doivent être rigoureusement respectées sous peine d’encourir la nullité.

  • Préavis de six mois

Lorsque le bailleur est à l’initiative du congé, un délai de préavis de six mois doit être respecté, application faite des délais de computation de l’article 641 du code de procédure civile.

Ce délai de préavis est réduit à trois mois dans le cadre d’une location meublée.

Contrairement au locataire qui peut donner congé à tout moment en cours de bail, le bailleur ne peut donner congé que pour le terme du bail.

  • Notification par LRAR, par acte d’huissier ou par remise en propre contre récépissé

Outre le respect du préavis de six mois, le congé doit satisfaire à certaines conditions de forme.

Il doit ainsi être, soit notifié par lettre recommandé avec accusé réception, soit signifié par acte d’huissier.

Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, une nouvelle forme de congé est désormais admise, la remise en main propre contre récépissé.

En tout état de cause, c’est la réception de la lettre recommandée, de l’acte d’huissier ou de la remise en propre qui fait courir le délai de préavis mentionné plus haut.

Par ailleurs, la loi ALUR a également introduit l’obligation pour le bailleur de joindre au congé délivré au locataire « une notice d’information sur les obligations  du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire ».

En l’absence de délivrance de cette notice d’information, le bailleur pourra toutefois tenter d’échapper à la sanction en démontrant l’absence de grief pour le locataire dès lors que le congé reprend toutes les informations nécessaires à ce dernier pour exercer ses droits.

« Quels sont les motifs valables au non-renouvellement du bail ? »

Selon l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, la reprise du logement par le bailleur peut avoir trois fondements : pour y habiter, pour le vendre, pour motifs légitime et sérieux.

  • Le congé pour habiter

La reprise du logement pour y habiter ne peut être exercée que par une personne physique ou un bailleur assimilé à une personne physique selon l’article 13 de la loi du 6 juillet 1989, à savoir une indivision ou une société civile familiale.

Par ailleurs, ce droit ne peut être exercé que pour y fixer sa résidence principale ou celle de l’un de ses proches et non comme résidence secondaire.

Le congé doit en outre préciser le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être, selon la liste limitative fixée par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, que « le  conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacs enregistré à la date du congé, son concubin notoire vivant avec lui depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. »

Les nom et adresse du bénéficiaire doivent être précisés dans le congé ainsi que le lien de parenté existant entre le bailleur et le bénéficiaire.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité, à charge pour le locataire de démontrer que leur absence lui a causé grief.

  • Le congé pour vendre

Le congé pour vendre délivré par le bailleur ouvre un droit de préemption au profit du  locataire, sauf en cas de vente entre parents jusqu’au 3ème degré ou lorsque la vente porte sur un logement frappé d’une interdiction d’habiter ou d’un arrêté de péril.

Le congé délivré au locataire vaut offre de vente.

A ce titre, il doit indiquer précisément le prix et les conditions de la vente projetée.

L’offre de vente doit nécessairement porter sur le logement donné à bail. La vente ne peut porter que sur une partie du logement loué, ni sur des locaux non compris dans  le contrat de bail.

Le prix indiqué dans le congé doit être celui du logement en tant que tel et ne peut inclure une quelconque commission, notamment de l’agent immobilier qui ne fournit aucune prestation. (Civ 3, 3 juillet 2013, n°12-19.442)

Une fois le congé délivré, le locataire dispose d’un délai de deux mois pour accepter l’offre de vente.

A l’expiration de ce délai, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.

Si le locataire accepte l’offre, il dispose d’un délai de deux mois, à compter de l’envoi de sa réponse au bailleur, pour réaliser la vente définitive ou quatre mois en cas de recours à un prêt.

Si la vente n’est pas réalisée dans ce délai, l’acception de l’offre est nulle de plein droit et le locataire est de la même façon déchu de tout droit d’occupation.

Il s’agit toutefois d’une nullité relative de sorte que seul le bailleur peut se prévaloir de la nullité de cette acceptation.

Par ailleurs, le locataire bénéficie d’un droit de préemption subsidiaire lorsque, suite à son refus d’accepter l’offre au prix annoncé, le bailleur décide de vendre le bien à un tiers à des conditions ou à un prix plus avantageux.

Dans ces circonstances,  la nouvelle offre doit être notifiée au locataire qui dispose d’un délai d’un mois pour l’accepter.

En cas d’acceptation de cette nouvelle offre, le locataire dispose de nouveau d’un délai de deux mois ou de quatre mois, en cas de recours à un prêt, pour réaliser la vente.

  • Le congé pour motif légitime et sérieux

L’ultime motif prévu par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 pour s’opposer au renouvellement du bail est le congé pour « motif légitime et sérieux » qui peut être caractérisé par un manquement du locataire à ses obligations mais également par un motif extérieur au locataire.

Les manquements du locataires peuvent être de divers ordre : défaut ou retard de paiement des loyers, défaut d’assurance, sous-location non autorisée, troubles du voisinage etc.

Le congé s’apparente alors à une sanction du comportement du locataire, quand bien même le comportement aurait cessé avant la délivrance du congé.

Le congé pour motif sérieux et légitime peut également être fondé sur un motif extérieur au locataire tel que le projet de rénovation des locaux, sa réhabilitation ou encore sa reconstruction après démolition.

Quelque soit le motif du congé, une procédure devra être engagée par le bailleur pour faire constater la validité du congé et obtenir un titre exécutoire à son encontre, notamment en vue de son expulsion.

Par ailleurs, en l’absence d’occupation effective des lieux par le bénéficiaire de la reprise, de vente fictive, ou de motif non légitime et sérieux, le congé revêt un caractère frauduleux et peut donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts.

Depuis la loi ALUR, le congé frauduleux donne lieu à une amende pénale qui ne peut être supérieure à 6.000 euros pour une personne physique et 30.000 euros pour une personne morale.

« Quelles sont les restrictions à la délivrance des congés ? »

Indépendamment de la validité des motifs du congé ou du respect des formalités, la loi apporte plusieurs restrictions dans la délivrance des congés pour protéger les locataires considérés en position de faiblesse vis-à-vis du bailleur.

  • Acquéreur d’un bien donné en location

La loi MACRON du 6 août 2015 est venue restreindre la possibilité pour l’acquéreur d’un bien en location de donner congé au terme du bail en cours.

Ainsi, si le terme du bail intervient plus de trois ans après la date d’acquisition du bail, le nouveau bailleur peut donner congé à son locataire  pour vendre le bien au terme fixé par le contrat de bail.

En revanche, lorsque le terme intervient moins de trois après la date d’acquisition du bail, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le bien qu’au terme du premier renouvellement du contrat de bail en cours.

S’agissant de la reprise pour habiter, si le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l’acquisition, le congé donné par le bailleur ne prend effet qu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la date d’acquisition.

Les dispositions de l’article 15-I modifiées par la loi MACRON assurent une protection au locataire dont le logement a été cédé en cours de bail en lui  permettant de se maintenir dans les locaux pendant un minimum de temps.

Ces dispositions pénalisent néanmoins les bailleurs qui, selon les cas, seront tenus d’attendre un délai de trois ans, voire six ans avant de pouvoir vendre leur propre bien.

  • Protection des personnes âgées

Selon les dispositions de l’article 15-III de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur ne peut donner congé à un locataire de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources minimum, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans un secteur géographique déterminé.

Cette protection vaut également lorsque le locataire héberge une personne de plus de soixante-cinq et que le montant de leurs ressources annuelles cumulées est inférieur au plafond minimum mentionné plus haut.

Toutefois, les locataires ne pourront se prévaloir de ces dispositions lorsque le bailleur est lui-même une personne physique âgée de plus de soixante-cinq ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources minimum.

L’âge du locataire, de la personne à sa charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat, tandis que le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.

« Quelles sont les conséquences du Covid-19 sur la délivrance des congés ? »

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement a adopté l’ordonnance 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Cette ordonnance a notamment toute son importance en matière de délivrance de congé.

L’article 5 de ladite Ordonnance dispose que :

« Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période. »

La période mentionnée à l’article 1er est celle allant du 12 mars 2020 à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, à savoir le 24 mai 2020 (Article 4 loi du 23 mars 2020).

Sont donc concernés par l’article 5 de l’Ordonnance les congés dont le délai expire entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.

En application de cet article 5, les congés devant être délivrés entre cette période du 12 mars au 24 juin 2020 pourront être délivrés dans un délai de deux mois après la fin de cette période.

Exemple : Un bail qui expire le 15 octobre 2020. Le bailleur a l’obligation de donner congé à son locataire six mois avant la fin du bail, soit le 15 avril 2020.

Cette date étant incluse dans la période visée à l’article 1er, la prorogation des délais visée à l’article 5 de l’Ordonnance tend à s’appliquer.

Le congé pourra donc être délivré par le bailleur dans un délai de deux mois à compter du 24 juin 2020, soit au plus tard jusqu’au 24 août 2020.

Des incertitudes persistent néanmoins pour les locations meublées, dont le délai de préavis est réduit à 3 mois et qui créerait des situations dans lesquelles le locataire pourrait valablement donner congé à son locataire après le terme du contrat de bail.Exemple : Un bail meublé qui vient à échéance le 1er août 2020. Le congé devrait en principe être délivré trois mois avant, soit le 1er mai 2020. En application de l’article 5 de l’Ordonnance, le bailleur dispose néanmoins jusqu’au 24 août pour délivrer son congé, soit postérieurement au terme du contrat de bail.

La loi de ratification prévue avant le 25 mai 2020 devrait permettre de déterminer dans quels cas les dispositions de l’ordonnance ont matière à s’appliquer.

Recommandations BJA :

– Veiller à bien respecter les modalités d’envoi afin d’éviter toute nullité  du congé (Délais,  Notice d’information, Mode d’envoi du congé) et privilégier dans la mesure du possible, la délivrance de congés par acte d’huissier qui demeure la voie la plus sûre ;

– Détailler suffisamment les motifs du congé qui pourront être soumis à l’approbation du juge et mentionner toutes les informations utiles ;

– Ne pas attendre la prorogation du délai pour délivrer le congé.

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