Le congé en matière de bail commercial (1/2)

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En matière de baux commerciaux, les règles relatives à la délivrance de congés sont régies par les articles L.145-4 et suivants du code de commerce.

Tout comme en matière de baux d’habitation, la loi Macron du 6 août 2015 a apporté plusieurs modifications à la délivrance de congés dans les baux commerciaux.

Cet article propose un rappel sur les règles applicables aux congés en matière de baux commerciaux et les incidences de l’état d’urgence sanitaire Covid-19.

Le congé valant renouvellement faisant l’objet de notre prochain article, seul le congé mettant un terme au bail sera aujourd’hui abordé.

« Pourquoi donner congé? »

Le congé est un acte unilatéral par lequel une des parties manifeste sa volonté de mettre fin au bail commercial.

Le congé délivré par le bailleur peut être assorti d’une offre de renouvellement. Les parties doivent alors conclure un nouveau contrat de bail dont les parties pourront convenir des nouvelles conditions, notamment une éventuelle augmentation du loyer.

Le bailleur est toutefois libre de donner congé à son locataire sans renouvellement du bail. Dans ce cas là, il doit soit régler une indemnité d’éviction au preneur (ou lui proposer un local équivalent), soit justifier d’un motif grave et légitime.

Le preneur peut lui librement donner congé sans avoir à justifier de motif soit lors d’une des échéances triennales, soit à la fin du bail.

En l’absence de congé donné par le bailleur ou le preneur, le bail se prolonge au delà du terme prévu par le contrat de bail pour une durée indéterminée et aux mêmes conditions.

En tout état de cause, les parties peuvent convenir à tout moment d’une résiliation amiable anticipée du bail commercial qui ne sera alors pas soumise aux conditions et délais du Code de commerce. Elle sera librement négociée par les parties.

« A qui et par qui le congé doit-il être délivré ? »

Des observations spécifiques doivent être apportées selon que le congé est délivré à l’initiative du bailleur ou à l’initiative du preneur.

  • A l’initiative du bailleur

Le congé doit être délivré par le bailleur ou son représentant.

Le bailleur peut en effet avoir confié la gestion du local commercial à un mandataire qui, dans le cadre de son mandat de gestion, peut valablement délivrer le congé au nom de son bailleur (Civ 3, 29 janvier 2002).

En revanche, le congé délivré par le bailleur qui a cédé son bail est nul (Civ 3, 29 septembre 1999). A moins qu’il n’ait été délivré avant la vente, il est alors valable et profite au nouvel acquéreur. (Civ 3, 15 mars 1989).

Par ailleurs, le congé doit être délivré au titulaire du bail.

Aussi, en cas de pluralité de preneurs, le congé doit être délivré à chacun d’entre eux, en même temps et pour la même date (CA Paris, 23 septembre 1987).

Toutefois, en cas de clause de solidarité, le congé délivré à l’un des preneurs est opposable aux autres (Civ 3, 21 octobre 1992)

  • A l’initiative du preneur

En cas de pluralité de preneurs, le congé doit être délivré au nom de chacun d’eux, le congé d’un seul ne mettant pas fin au bail pour les autres preneurs (Civ 3, 27 septembre 2005).

Par ailleurs, le congé délivré à une personne autre que le bailleur équivaut à une absence de congé (Civ 3, 11 juillet 2006).

En cas de pluralité de bailleurs, le congé qui ne leur a pas été à tous signifié est nul (Civ 3, 17 octobre 2006, n° 05-17.393).

« Quels sont les délais à respecter ? »

  • Congé triennal

Conformément aux dispositions de l’article L.145-4 du code de commerce, le preneur peut donner congé à l’expiration de chaque période triennale, à condition de respecter un délai de préavis de six mois.

Selon l’alinéa 2 du même article modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018, cette faculté de congé triennal est accordée au bailleur uniquement s’il a décidé :

« de construire, de reconstruire ou de surélever l’immeuble existant, de réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage, de transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ou d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain ».

En ouvrant la possibilité de donner congé à l’issue de la période triennale aux fins « de transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation », la loi ELAN a ainsi ouvert un nouveau droit de reprise au bailleur.

Exemple : On prend un bail commercial conclu le 1er avril 2009 avec des échéances triennales à venir le 1er avril 2012, 2015 et 2018. Le congé devra être délivré avant le 1er octobre de chaque échéance triennale.

Attention, si le congé est délivré tardivement, son effet est repoussé à l’expiration de la période triennale suivante (Cour d’appel Paris, Pôle 5, chambre 3, 7 décembre 2011 – n°09/17692)

  • Congé en fin de bail

Selon l’article L.145-9 du code de commerce, le congé peut être délivré par l’une ou l’autre des parties à l’expiration du terme prévu dans le contrat de bail, en respectant un délai de préavis de six mois.

Ce délai de préavis de six mois est un minimum légal de sorte qu’il ne peut être réduit.

En revanche, les parties peuvent conventionnellement prévoir un délai de préavis supérieur à six mois (Civ 3, 9 mars 2004).

Par ailleurs, la jurisprudence a affirmé qu’un congé délivré à l’avance était valable mais que ses effets étaient reportés à la date d’expiration du bail.

A l’inverse, si le congé est délivré tardivement, celui-ci demeure valable mais il ne produit ses effets que le dernier jour du trimestre suivant, en respectant encore un délai de six mois.

Exemple : On prend cette fois un bail commercial venant à échéance le 1er janvier 2020.  Le congé est à délivrer au plus tard le 1er juillet 2019. En cas de congé tardif (délivré le 1er Août), il sera valable mais produira ses effets le 31 mars 2020. En cas de congé délivré à l’avance, pour le 1er novembre 2019,  il produira ses effets pour le 1er janvier 2020.

  • Tacite prolongation

L’article L.145-9 du code de commerce prévoit qu’en cas de tacite prolongation, c’est-à-dire à défaut de congé ou de demande de renouvellement à l’expiration du terme,  le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.

Exemple : On a un contrat tacitement prolongé depuis le 1er janvier.  Le bailleur décide de donner congé le 1er mars. Le congé doit être donné pour le 30 septembre.

« Quelles sont les formalités à respecter ? »

Que le congé émane du bailleur ou du preneur, il doit respecter un certain nombre de formalités, à peine de nullité. Le strict contrôle de ces formalités vise notamment à s’assurer de la volonté certaine de son auteur de mettre fin au bail.

  • Congé émanant du bailleur

Le congé émanant du bailleur, qu’il soit triennal ou en fin de bail, doit nécessairement être délivré par acte extrajudiciaire, selon l’article L.145-9 dans sa rédaction issue de la loi Macron du 6 août 2015.

La loi Pinel du 18 juin 2014 avait permis au bailleur comme au preneur de choisir entre la lettre recommandée ou l’acte extrajudiciaire pour donner congé.

La loi Macron est venue rétablir le formalisme antérieur à la loi Pinel en imposant au bailleur de délivrer congé par acte extrajudiciaire.

Les parties ne peuvent déroger conventionnellement à ce formalisme en autorisant la délivrance du congé par lettre recommandée. (Civ 3, 13 janvier 1999)

Ce formalisme est exigé à peine de nullité.

Par ailleurs, le congé délivré par le bailleur doit être motivé et doit, à peine de nullité, mentionner que le locataire qui souhaite contester le congé doit saisir le tribunal dans un délai de deux ans à compter de la date de la notification.

Aussi, le locataire qui n’agit pas dans ce délai de deux ans alors qu’il en a été informé devient occupant sans droit ni titre et sera en principe prescrit quel que soit le motif de contestation du congé.

  • Congé émanant du preneur

Lorsqu’il s’agit d’un congé triennal, celui-ci peut être délivré soit par lettre recommandée avec accusé réception soit par acte extrajudiciaire, conformément aux dispositions de l’article L.145-4 du code de commerce selon sa rédaction issue de la loi Macron issue du 6 août 2015.

En revanche, lorsque le congé est donné à l’expiration du contrat ou en cours de tacite prolongation, il doit être délivré uniquement par exploit d’huissier.

Pour des raisons de sécurité juridique, il est cependant fortement conseillé au preneur de faire délivrer son congé par acte d’huissier même lorsque la loi l’autorise à le délivrer par lettre recommandée avec accusé de réception.

« Comment motiver le congé ? »

L’article L.145-9 du code de commerce impose au bailleur de motiver son congé néanmoins l’offre de renouvellement ou de paiement d’une indemnité constitue une motivation suffisante.

Le bailleur ne devra réellement motiver son congé qu’en cas de refus de renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction.

Le bailleur devra alors justifier d’un motif grave et légitime, conformément aux dispositions de l’article L.145-17 du code de commerce.

Il peut s’agir d’un manquement grave au statut des baux commerciaux, un manquement aux obligations du bail, ou un acte lié au comportement du locataire en rapport avec le bail.

A titre d’exemple, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt récent que le défaut d’inscription au Registre du commerce et des sociétés constituait un cas de motif grave et légitime (Civ 3, 23 janvier 2020, n°19-11/215).

En tout état de cause,  le locataire ne peut contester la validité du congé que si l’irrégularité dénoncée lui cause un préjudice (Civ 3, 5 mai 1999).

En cas de nullité du congé pour absence ou insuffisance de motif, le congé nul produit tout de même ses effets puisqu’il met fin au bail, à charge pour le bailleur de s’acquitter de l’indemnité d’éviction.

Par ailleurs, le bailleur peut invoquer des motifs qui se sont révélés postérieurement au congé, que les faits se soient produits après la délivrance du congé ou que le bailleur n’ait pas eu connaissance de ces faits au moment du congé (Civ 3, 28 janvier 1973).

Si le preneur souhaite contester ces faits nouveaux, il lui appartient de démontrer que le bailleur en avait connaissance lors de la délivrance du congé.

« Quelles sont les conséquences du Covid-19 sur la délivrance des congés ? »

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement a adopté l’ordonnance 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Cette ordonnance a notamment toute son importance en matière de délivrance de congé.

L’article 5 de ladite Ordonnance dispose que :

« Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période. »

La période mentionnée à l’article 1er est celle allant du 12 mars 2020 à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, à savoir le 24 mai 2020 (Article 4 loi du 23 mars 2020).

Sont donc concernés par l’article 5 de l’Ordonnance, les congés dont le délai expire entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.

 

En application de cet article 5, les congés devant être délivrés entre cette période du 12 mars au 24 juin 2020 pourront être délivrés dans un délai de deux mois après la fin de cette période.

Cet article tend à s’appliquer pour les congés délivrés en fin de bail.

Exemple : Un bail commercial qui expire le 15 octobre 2020. Le bailleur ou le preneur ont l’obligation de donner congé à l’autre partie six mois avant la fin du bail, soit le 15 avril 2020.

Cette date étant incluse dans la période visée à l’article 1er, la prolongation des délais visée à l’article 5  de l’Ordonnance tend à s’appliquer.

Le congé pourra donc être délivré par le bailleur ou le preneur dans un délai de deux mois à compter du 24 juin 2020, soit au plus tard jusqu’au 24 août 2020.

En revanche, il est permis de s’interroger sur l’application de cet article au congé triennal.

En effet, celui-ci permet à un preneur de donner congé, de manière anticipée, à certaines échéances du bail.

Si ce délai est dépassé, le preneur peut-il toujours prétendre à bénéficier de cette prolongation de délai ?

La même logique semble néanmoins s’imposer dans la mesure où le délai pour donner congé expire pendant la période du 12 mars au 24 juin 2020.

Exemple : Un Bail conclu le 1er  octobre 2017 avec une première échéance triennale le 1er  octobre 2020. Pour respecter le délai de préavis de six, le congé aurait dû être délivré au plus tard le 1er avril 2020, soit pendant la période visée à l’article 1er de l’ordonnance.

En application de l’article 5 de l’ordonnance 2020-306, le preneur qui souhaite donner congé à l’issue de la période triennale devrait en principe pouvoir le faire jusqu’au 24 août 2020.

Recommandations BJA :

– Veiller à bien respecter les modalités d’envoi afin d’éviter toute nullité  du congé (Délais, Formalisme, Auteur/Destinataire du congé) ;

– Veiller à assurer une motivation suffisante (Renouvellement, indemnité d’éviction, motif légitime et sérieux) ;

–  Ne pas attendre la prorogation du délai pour délivrer le congé.

Nous aborderons lors de notre prochain article les règles spécifiques  aux congés valant offre de renouvellement en matière de baux commerciaux.

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