Avec plus d’un mois de retard, le 2 juillet 2020 a été publié le décret d’application de l’ordonnance du 30 octobre 2019 réformant la copropriété applicable depuis le 1 juin 2020 sauf pour les dispositions qui nécessitaient l’adoption de ce décret d’application.
Pour rappel, l’ordonnance réformant le statut de la copropriété fait notamment évoluer les règles de gouvernance entre les trois organes (Conseil syndical, syndic et syndicat des copropriétaires), permet de nouveaux modes de participations en assemblée générale et prévoit des règles spécifiques pour les petites et micros copropriétés.
Ce décret comportant 13 chapitres et 54 articles vient modifier les dispositions du décret du 17 mars 1967.
Tant le décret que l’ordonnance pourraient subir des modifications à la suite de l’adoption d’une loi de ratification de la dite ordonnance ou en raison de l’adoption de la prochaine ordonnance prévue pour novembre 2020 instituant le code de la copropriété.
Dans cette attente, il convient de s’intéresser aux principales nouveautés du décret complétant notre étude sur la réforme de la copropriété : modification des pouvoirs du conseil syndical, vote par correspondance via un formulaire, convocation d’une assemblée par un ou plusieurs copropriétaires concernant leurs seuls droits, digitalisation des communications etc.
i) Le vote par correspondance via un formulaire
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a prévu que 4 modalités de vote seraient possibles en ajoutant l’article 17-1A à la loi du 10 juillet 1965 : présence physique, remise d’un mandat à un copropriétaire, vote par visioconférence, vote par correspondance via la remise d’un formulaire au syndic.
Ces deux dernières nouvelles modalités nécessitent un décret d’application et un arrêté.
Celui pour le vote par visioconférence est possible depuis le décret du 27 juin 2019 sous réserve que le syndicat des copropriétaires approuve ce procédé, ses garanties d’authentification et en supporte son coût (article 13-1 nouveau du décret du 17 mars 1967).
Celui pour le vote par correspondance est possible à compter du 4 juillet 2020 : le décret et l’arrêté fixant le contenu du formulaire de vote par correspondance devront rapidement intégrer par les éditeurs de logiciels
En effet, le décret du 2 juillet prévoit que le formulaire de vote par correspondance mentionné au deuxième alinéa de l’article 17-1 A doit être joint par le syndic à la convocation de se rendre à l’assemblée générale (article 9 modifié du décret du 17 mars 1967)
Le copropriétaire ne participant pas aux débats en votant avant la tenue de l’assemblée générale sur ce formulaire ne sera pas éclairé et n’aura pas pu entendre les arguments de ceux qui plaident pour l’adoption de telle résolution ou de tels travaux. Certains copropriétaires bailleurs – non-occupants – qui refusent systématiquement les travaux risquent de prendre le pouvoir au détriment des personnes présentes dans l’immeuble et en assemblée générale.
En l’absence de débat, l’opinion du copropriétaire se cristallise à la lecture des projets de résolution et lorsqu’il indique le sens de son vote sur le formulaire.
Toutefois, si le copropriétaire ou son mandataire change d’avis et se rend finalement à l’assemblée générale son formulaire ne sera pas pris en compte (article 14-1 nouveau du décret du 17 mars 1967) : la présence prime le formulaire
Pour être pris en compte le formulaire doit être adressé par courrier à l’adresse indiqué par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion. Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique à l’adresse indiquée par le syndic, il est présumé réceptionné à la date de l’envoi. (article 9 bis nouveau du décret).
La feuille de présence doit désormais indiquer si le copropriétaire a voté par correspondance avec mention de la date de réception du formulaire par le syndic. (article 14 modifié du décret)
On rappelle que si au cours des débats la résolution est amendée le copropriétaire votant favorablement à la résolution par correspondance sera assimilé à un défaillant afin de lui permettre de pouvoir contester la résolution en justice (article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965).
Ce dispositif qui ressemble au pouvoir remis à un copropriétaire présente des limites : par exemple il sera difficile de prédéterminer les candidats pour le bureau ou pour la désignation du conseil syndical.
ii) Le conseil syndical vers une cogestion voire un organe d’opposition
Fonction traditionnelle : les conseillers syndicaux, désignés par l’assemblée générale des copropriétaires assistent et contrôlent le syndic. Le conseil syndical est le relais entre les copropriétaire et le syndic, sans être un organe d’opposition, puisqu’il n’a pas de personnalité morale (ni patrimoine, ni compte bancaire, ni droit d’agir en justice).
Afin de permettre une gestion saine, en cas d’opposition les copropriétaires peuvent demander au conseil syndical de solliciter la réunion d’une assemblée générale afin de solliciter la révocation du syndic.
Évolutions liées à l’ordonnance et au décret du 2 juillet :
Le conseil syndical n’a toujours pas de personnalité morale mais il s’en rapproche, il peut bénéficier de délégation de pouvoirs élargis avec une enveloppe financière pour une durée de deux ans dans les conditions prévues à l’article 21-1 et suivants de la loi du 10 juillet 1965[1] :
Le décret du 2 juillet 2020 vient justement encadrer les modalités de cette délégation.
Les décisions prises par le conseil syndical, lorsqu’il bénéficie d’une délégation de pouvoirs en application des articles 21-1 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, sont consignées dans un procès-verbal, signé par deux de ses membres.
Le procès-verbal mentionne le nom des membres du conseil syndical ayant participé à la délibération et le sens de leur vote.
Le procès-verbal des décisions du conseil syndical est transmis au syndic qui l’inscrit au registre des procès-verbaux des assemblées générales. (article 21-1 du décret du 17 mars 1967 modifié)
De plus, concernant les appels de fonds auprès des copropriétaires, il est prévu qu’ils se font en tantièmes généraux ou spéciaux en fonction des cas en application de l’article 26-1 nouveau du décret du 17 mars 1967 :
«Pour l’application des dispositions de l’article 21-2 de la loi du 10 juillet 1965, un montant spécifique est alloué au conseil syndical au sein du budget prévisionnel voté chaque année pour l’exercice de sa délégation de pouvoirs.
« Par dérogation à l’alinéa précédent, lorsque la délégation de pouvoirs porte sur des dépenses pour travaux non comprises dans le budget prévisionnel, l’assemblée générale précise le montant maximum alloué pour chacune d’elles. Les sommes afférentes à ces dépenses sont appelées selon les mêmes modalités que celles prévues au second alinéa du I de l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965. »
En matière juridictionnelle, le président du conseil syndical se voit conférer des pouvoirs qui confinent à la représentation en justice du syndicat des copropriétaires.
Pour rappel, l’ordonnance a prévu que le président du conseil syndical peut agir à l’encontre du syndic dans plusieurs hypothèses[2] :
Dans ces hypothèses, il est précisé à l’article 57 nouveau du décret 17 mars 1967 que
« le président du conseil syndical exerce aux frais avancés du syndicat des copropriétaires les procédures judiciaires prévues à l’article 18-2 [en cas de défaut de transmission de pièces ou de fonds par l’ancien syndic], au septième alinéa de l’article 21 [en cas défaut de communication de pièce par le syndic après mise en demeure infructueuse dans le délai d’un moins] ainsi qu’à l’article 29-1 A (pour la désignation d’un mandataire ad hoc en cas d’impayé) de la loi du 10 juillet 1965.
Un état des frais de justice prévisionnels accompagné de devis est présenté au syndic afin qu’il procède aux avances nécessaires à la conduite de ces procédure »
Enfin, on rappelle que le conseil syndical est chargé de veiller à la mise en concurrence systématique du contrat de syndic par l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965.
A ce titre, le décret prévoit que le conseil syndical est chargé de communiquer au syndic des projets de contrats de syndic afin de permettre la mise en concurrence lors de l’assemblée générale appelée à renouveler le mandat du syndic en place. (article 26 modifié du décret du 17 mars 1967)
Le renforcement des pouvoirs et des devoirs du conseil syndical laisse apparaître un glissement de son rôle d’assistance à la gestion du syndic à une forme de cogestion, d’un rôle de contrôle du syndic à celui d’opposition à ce dernier dans le cadre de procédure judiciaire et demande d’application de pénalités.
iii) La convocation d’une assemblée générale à l’initiative d’un seul copropriétaire
Le copropriétaire peut convoquer seul et à ses frais une assemblée générale concernant ses seuls droits et obligations à partir du 31 décembre 2020 (article 53 du décret du 2 juillet 2020).
Il s’agira certainement de demande de vote de travaux prévue à l’article 25 b :
« L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci »
Par exemple des demandes concernant le percement d’un mur porteur et la pose d’une poutrelle IPN. Par contre, la cession d’un couloir partie commune ne semble pas être une décision « ne concernant que ses droits ou obligations ».
Les frais qui seront à la charge du copropriétaire dépendront du nombre de copropriétaires et pourront être élevés si l’immeuble à plus de 100 copropriétaires.
Par ailleurs, on peut craindre que si ce dispositif est très utilisé de nombreuses assemblées générales soient convoquées désintéressant ainsi les autres copropriétaires, et que ces décisions soient finalement adoptées par le copropriétaire seul, en seconde lecture grâce à la passerelle, s’il détient plus du tiers des voix.
L’Art. 8-1. nouveau du décret prévoit les modalités pratiques de cette convocation mais aussi que plusieurs copropriétaires peuvent utiliser ensemble ce dispositif :
« – La demande faite par un ou plusieurs copropriétaires de convoquer une assemblée générale à leurs frais, en application de l’article 17-1 AA de la loi du 10 juillet 1965, est notifiée au syndic et précise la ou les questions dont l’inscription à l’ordre du jour est demandée.
Elle est accompagnée d’un projet de résolution pour chaque question et comporte, le cas échéant, les documents requis au deuxième alinéa de l’article 10 et au 3° du I de l’article 11.
Lorsque l’assemblée générale est convoquée à la demande de plusieurs copropriétaires, ils précisent la répartition des frais et honoraires entre eux. A défaut de précision, les frais sont répartis entre ces copropriétaires à parts égales.
Dans les quinze jours qui suivent la notification mentionnée au premier alinéa, le syndic informe le ou les copropriétaires demandeurs des frais prévisionnels et de ses honoraires.
Il convoque l’assemblée générale qui se tient dans le délai de quarante-cinq jours suivant le paiement de ces frais et honoraires. »
Il convient de payer d’abord afin d’être autorisé à convoquer, il s’agit d’éviter les promesses de Gascon.
iv) L’adaptation des règlements de copropriété
L’article 1 du décret du 17 mars 1967 prévoit que le règlement de copropriété doit obligatoirement prévoir l’état de répartition des charges prévu au troisième alinéa de l’article 10 de ladite loi. Afin d’améliorer la lisibilité de la répartition des charges, le décret prévoit que désormais :
« Cet état définit les différentes catégories de charges et distingue celles afférentes à la conservation, à l’entretien et à l’administration de l’immeuble, celles relatives au fonctionnement et à l’entretien de chacun des éléments d’équipement communs et celles entraînées par chaque service collectif.
L’état de répartition des charges fixe, conformément aux dispositions du troisième alinéa et, s’il y a lieu, du dernier alinéa de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, la quote-part qui incombe à chaque lot dans chacune des catégories de charges. »
à suivre…
Notes de bas de page
[1] montant maximum fixé par l’assemblée générale pour une durée qui ne peut dépasser deux ans, interdiction d’une délégation portant sur les comptes et budget du syndicat ou sur les adaptations du règlement de copropriété, les décisions prises pour l’exercice de cette délégation le sont à la majorité des membres du conseil et en cas d’égalité la voix du président du conseil syndical devient prépondérante.
[2] en cas d’inaction ou de carence du syndic dans l’exercice de sa mission ou en l’absence de communication de pièces au conseil syndical concernant la gestion de la copropriété après réception d’une mise en demeure infructueuse dans le délai d’un mois à compter de la demande ou encore à l’encontre de l’ancien syndic en à défaut de communication des pièces ou archives ou pour la désignation d’un mandataire ad hoc (articles 15, 21, 18-2 et 29-1A de la loi du 10 juillet 1965 modifiés)