Le dispositif expérimental d’encadrement des loyers instauré par la loi ELAN et ses possibilités de contournement

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Pour contrer la « flambée des loyers » dans les hautes agglomérations, la loi ELAN du 23 novembre 2018 a réintroduit, en son article 140, un dispositif expérimental d’encadrement des loyers.

Ce dispositif s’applique aux contrats de baux soumis à la loi du 6 juillet 1989, à usage de résidence principale ou mixte, et portant sur la location de logements nus ou meublés.

En tant que dispositif expérimental, il n’a vocation à durer que jusqu’au 23 novembre 2023 et ne s’applique qu’aux contrats de baux conclus après sa mise en œuvre ; les contrat conclus avant la mise en place du dispositif ne sont donc pas soumis à ce dispositif sauf renouvellements de contrats.

A Paris, ledit dispositif est entré en vigueur depuis le 19 juillet 2019.

Les autres villes qui se sont portées candidates pour ce dispositif expérimental demeurent quant à elles dans l’attente de la délibération de la collectivité.

Le présent article, qui fait suite à celui de Maître Alice ZIADE sur la présentation de ce dispositif expérimental d’encadrement des loyers[1], a vocation à exposer les diverses possibilités de le contourner.

  • La signature d’un contrat de bail de résidence secondaire

Tel qu’indiqué précédemment, le dispositif d’encadrement des loyers s’applique aux résidences principales de logement nus ou meublés.

A contrario, le dispositif de l’encadrement des loyers ne s’applique pas aux contrats de baux conclus pour la location de logement constitutif d’une résidence secondaire.

Plusieurs professionnels de l’immobilier préconisent aujourd’hui cette solution consistant à conclure avec leurs locataires des contrats de résidence secondaire pour contourner l’application de cet article 140 de la loi ELAN.

Par application stricte des conditions sur l’encadrement des loyers, cette solution alléchante pourrait effectivement permettre d’atteindre cet objectif puisque les résidences secondaires n’entrent pas dans le champ de la loi du 6 juillet 1989.

En effet, l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que :

« Le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation. »

La loi de 89 définit donc la résidence principale comme le logement occupé au moins 8 mois par an.

A contrario, la résidence secondaire doit donc s’entendre comme la résidence occupée moins de huit mois par an.

Dès lors, il est permis de se demander si la conclusion de contrats de baux et avenants d’une durée maximale de 8 mois permettrait d’échapper à la qualification de résidence principale.

En limitant la durée du contrat de bail à 8 mois, le bailleur pourrait ainsi justifier d’une occupation temporaire du logement par le locataire, lequel ne constituerait pas sa résidence principale.

Le logement constituerait alors une résidence secondaire pour le locataire

Cette solution présente néanmoins un risque dans la mesure où, bien que le locataire ne s’installe pas pour une durée supérieure à 8 mois, le logement sera lui bien occupé tout au long de l’année par les locataires qui vont se succéder.

Selon la définition posée par l’article 2 de la loi de 89, le logement devrait alors être considéré comme une résidence principale puisque occupé plus de 8 mois de l’année, indépendamment de l’occupation effective par chaque locataire.

Il existe donc un risque de requalification par le juge du contrat de bail et de ses avenants en résidence principale soumis à la règlementation protectrice de la loi du 6 juillet 1989.

En effet, lors d’une contestation relative à un contrat de bail d’habitation, les juges du fond analysent le contrat à travers un faisceau d’indices qui pourrait notamment provenir de l‘occupation du logement tout au long de l’année.

D’autant plus que les juges, avertis sur cette pratique permettant de contourner le plafonnement des loyers, risquent d’être sévères à l’égard des bailleurs agissant en ce sens.

Par ailleurs, en cas de non-respect du loyer de référence majoré, le bailleur peut, à la demande du Préfet de département, être obligé de mettre le contrat en conformité et de rembourser au locataire les trop-perçus éventuels.

Une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale, pourra également être prononcée par le Préfet de département.

  • La location en Airbnb

Dans le cadre de la location en Airbnb, il est nécessaire de distinguer le cas où la location porte sur une résidence principale ou sur une résidence secondaire.

  • Dans le cas d’une résidence principale, (occupée plus de 8 mois par an), la location est, en vertu de l’article L631-7-1 alinéa 5 du code de la construction et de l’habitation, limitée à 120 jours par an. Cette limite ne s’applique pas, si la location porte sur une chambre privée de la résidence principale (Article L324-1-1 du code de tourisme).
  • Dans le cas d’une résidence secondaire, aucune limitation de durée n’est imposée par la législation en vigueur.

La location en Airbnb permet de déroger à l’application du dispositif de l’encadrement des loyers, puisque ce n’est pas un contrat soumis à la loi du 6 juillet 1989.

Dans le cadre d’une telle location ou une location saisonnière, il est nécessaire de vérifier les stipulations du règlement de copropriété. En effet, l’utilisation du logement, ne doit pas être contraire à la destination générale de l’immeuble fixée par le règlement de copropriété.

Ce règlement de copropriété peut notamment comporter une clause d’habitation bourgeoise qui autorise seulement l’habitation et les professions libérales ou encore une clause d’habitation bourgeoise exclusive, laquelle interdit un mode d’occupation autre que l’habitation.

La location Airbnb est une alternative envisageable pour contourner le plafonnement des loyers, que la résidence soit qualifiée de secondaire ou principale (avec la location d’une chambre privée).

Cette solution présente néanmoins plusieurs inconvénients (Gardiennage, Frais de commission Airbnb, Plus grand turn-over) qu’il convient de bien prendre en considération avant de faire son choix.

  • Le contrat de location saisonnière

Un contrat de location saisonnière se caractérise par plusieurs éléments :

  • Par sa courte durée, puisque celui-ci ne peut pas dépasser 3 mois
  • Par la non-possibilité de renouvellement du contrat
  • Par un logement ne constituant pas la résidence principale du locataire
  • Par un paiement anticipé des loyers et des charges

Ce type de contrat n’est pas soumis à la loi du 6 juillet 1989 et par conséquent ne subit pas le dispositif de l’encadrement des loyers.

Toutefois, le contrat de location saisonnière a lui aussi pu être requalifié en location meublée, lorsqu’en dépit de sa dénomination de caractère saisonnier, le logement est en réalité l’habitation principale du locataire (Cour d’appel de Caen, 4 septembre 2008).

  • Le contrat de bail mobilité

Le contrat de bail mobilité est un contrat de location de courte durée d’un logement meublé. Ce type de contrat est régi par la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi ELAN et doit respecter certaines conditions pour être valable :

  • Conformément à l’article 25-12 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire doit justifier à la date de prise d’effet du bail, être en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire dans le cadre d’un service civique, en mutation professionnelle ou en mission temporaire dans le cadre de son activité professionnelle
  • Conformément à l’article 25-14 de la loi du 6 juillet 1989, le contrat est conclu pour une durée minimale d’un mois et maximale de 10 mois, non renouvelable et non reconductible.
  • Conformément à l’article 25-13 de la loi du 6 juillet 1989, une mention dans le contrat de bail doit stipuler qu’aucun dépôt de garanti ne peut être exigé par le bailleur

En principe, le contrat de bail mobilité a été intégré dans la loi du 6 juillet 1989, de sorte qu’il a été soumis automatiquement aux mesures relatives à l’encadrement des loyers, lorsque le logement constitue l’habitation principale du locataire.

Comme rappelé précédemment, afin que le logement soit constitutif d’une résidence secondaire, celui-ci ne doit pas être occupé plus de 8 mois dans l’année par le preneur.

Dans ce cas, le dispositif de l’encadrement des loyers ne s’appliquera pas au contrat de bail mobilité.

La conclusion d’un contrat de bail mobilité ne présente donc pas d’avantage particulier par rapport à un contrat de bail classique en résidence secondaire.

  • La location en logement de fonction

L’hypothèse de la conclusion d’un contrat de location de logement de fonction est celle où un propriétaire loue le logement à l’employeur de celui qui va habiter dans le logement ou si le propriétaire est aussi l’employeur du salarié qui sera logé dans le logement.

Dans ce cas, le contrat de location n’est pas soumis à l’encadrement des loyers, et dès lors le bailleur peut fixer un loyer librement dans les conditions du marché.

  • La prévision d’un complément de loyer dans le contrat de bail

Malgré la mise en place d’un plafonnement des loyers, le bailleur peut toujours appliquer un complément de loyer.

La mise en place de ce complément de loyer répond toutefois à des conditions strictes notamment par la démonstration de caractéristiques de location ou de confort justifiant le montant dudit complément, par comparaison avec des logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.

En outre, et conformément à l’article 3 du décret n°2015-650 du 10 juin 2015, les caractéristiques précitées doivent réunir les conditions suivantes :

« 1° Elles n’ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement ;

Elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ;

Elles ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur au titre des charges, ni à la contribution pour le partage des économies d’énergie pour les travaux réalisés par le bailleur, prévues respectivement par les articles 23 et 23-1 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée. »

A titre d’exemple, une terrasse, un balcon ou une vue dégagée ou l’absence de vis-à-vis sont des éléments qui pourraient justifier l’application d’un complément de loyer par le bailleur.

Le complément de loyers est donc limité à certains cas particuliers réduisant, en pratique, sa mise en œuvre.

Recommandations du cabinet BJA :

Plusieurs possibilités s’offrent au bailleur pour contourner ce dispositif expérimental d’encadrement des loyers.

Selon les situations, certaines solutions présentent un degré de réalisation et un intérêt pratique différent qui orientera le choix du bailleur.

Par ailleurs, des stratégies peuvent être mises en œuvre pour tenter d’échapper à ce dispositif, notamment sur la qualification de principale ou secondaire.

Ces stratégies restent néanmoins soumises au risque de contrôle du Préfet et au pouvoir d’appréciation des juges du fond.

En cas de nécessité, notre cabinet pourra vous apporter son analyse sur la faisabilité et l’opportunité de votre projet.

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