Les clauses réputées non écrites dans le règlement de copropriété

Dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019, l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 énonce que : « toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 de cette loi et de celles du règlement d’administration publique prises pour leur application sont réputées non écrites ».

De prime abord, il convient d’opérer une distinction entre les clauses illégales et les clauses illicites.

D’une part, les clauses illégales se définissent comme celles qui sont contraires à la loi ou aux règlements en vigueur.
D’autre part, les clauses illicites sont celles réputées nulles par les tribunaux.

Les dispositions de l’article 24f de la loi du 10 juillet 1965, prises à la lettre, ne visent que les clauses illégales, et non les clauses illicites. Sur un plan pratique, cependant, il est souvent difficile d’opérer une distinction très nette entre les clauses illégales et les clauses illicites. En effet, la jurisprudence, pour déclarer illicite une clause, s’appuie sur les dispositions légales en vigueur.

Concernant les clauses illégales, il convient, purement et simplement, de les éradiquer, pour les remplacer par des clauses légales.

Concernant les clauses illicites, il apparaît important d’opérer une distinction entre les clauses favorables aux intérêts du syndicat des copropriétaires (exemples : interdiction de sous-location, interdiction de certaines activités de musique) des clauses qui sont favorables, uniquement, aux intérêts des copropriétaires pris individuellement (possibilité d’effectuer des branchements sur les parties communes sans accord de l’assemblée générale…).

Il est proposé que les clauses susceptibles d’être jugées illicites, mais qui sont favorables à l’intérêt de la collectivité soient maintenues. Quant aux autres, il est suggéré leur suppression.

Bien que la loi reconnaisse que les clauses contraires à la loi ou aux règlements doivent être réputées non écrites, elle reste silencieuse concernant les modalités et les effets.

Toutefois, la jurisprudence est venue pallier cette insuffisance en précisant les modalités et la portée d’une telle décision.

I. Les clauses réputées non écrites sous le prisme de la jurisprudence

La Cour de cassation semble avoir pérennisé sa position en retenant à plusieurs reprises le principe de l’application d’une clause litigieuse tant qu’elle n’a pas été déclarée illégale par une juridiction (Cass. 3e civ. 21-6-2006 n° 05-13.607 ; Cass. 3e civ. 28-4-2011 n° 10-14.298).

De ce fait, un copropriétaire ne pourra être dispensé du paiement de charges dues tant que la clause n’a pas été réputée non écrite par une juridiction, bien qu’elle revête un caractère contraire aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965.

A contrario, dans un arrêt du 28 avril 2011, la Cour de cassation a rejeté l’application d’une clause litigeuse en raison du constat par la Cour d’appel de son illicéité.

La jurisprudence a dégagé, à côté de l’action en révision de l’article 12 de la loi de 1965 (qui prévoit un délai de 5 ans à compter de la publication du règlement de copropriété, pour qu’un copropriétaire puisse poursuivre en justice la révision de la répartition des charges selon certains critères), une action autonome, consacrée par la loi de 1965, qui n’est pas soumise au délai de l’article 42, alinéa 2, de la loi de 1965 (les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée…) et qui prévoit que lorsque le juge répute une clause relative à la répartition des charges non écrite, il procède à leur nouvelle répartition qui prendra effet lorsque la décision aura autorité de chose jugée (Cass. 3e civ. 10-7-2013 n° 12-14.569).

Il est désormais prévue que cette nouvelle répartition prend effet au premier jour de l’exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive. ( l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2019)

II. Les personnes pouvant invoquer le caractère contraire de la clause

La jurisprudence a admis que tout copropriétaire, le syndic, ou encore le syndicat des copropriétaires pouvaient agir à cette fin.

Cependant, cette même solution parait devoir être appliquée en faveur de tout tiers qui aurait un intérêt à invoquer le caractère non écrit d’une clause.

Tel est le cas d’un locataire à qui cette clause est opposée par exemple.

Il suffit qu’il puisse justifier d’un intérêt légitime, d’un intérêt direct et personnel et enfin d’un intérêt né et actuel.

A. Les copropriétaires

Concernant une répartition illégale de charges, la Cour de cassation a jugé que tout copropriétaire, peut à tout moment faire constater l’absence de conformité aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 de la clause de répartition de charges, qu’elle résulte du règlement de copropriété, d’un acte modificatif ultérieur ou d’une décision d’assemblée générale, et faire voter une nouvelle répartition conforme à ces dispositions (Cass. 3e civ. 28-1-2016 no 14-26.921 FS-PB).

Dans un arrêt du 9 octobre 2020, la Cour de cassation a reconnu à l’Assemblée Générale le pouvoir de déclarer non écrite une clause du règlement de copropriété sous réserve d’obtenir une certaine majorité.

Cette décision permettra d’éviter des procédures longues et coûteuse (Cass. 3e civ. 10-9-2020 no 19-17.045).

Cette action, imprescriptible, peut être introduite par tout copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires, sans qu’il ait à justifier d’un intérêt personnel.

B. Le syndicat des copropriétaires

La Cour de cassation dans un arrêt du 10 septembre 2020 a jugé que le syndicat des copropriétaires a qualité pour demander qu’une clause du règlement de copropriété soit déclarée non écrite (Cass. 3e civ., 10 sept. 2020, n° 19-17.045).

C. Le syndic

Le syndic ne peut, de son propre chef, décider de ne pas appliquer une clause du règlement aux motifs qu’elle serait « réputée non écrite ».

Par ailleurs, le syndic ne doit pas se cantonner dans un rôle purement passif.

En effet, dans le cadre de son devoir de conseil, il doit signaler à l’assemblée le caractère « non écrit » de telle ou telle clause et peut (et même doit, selon nous) prendre l’initiative de porter la question à l’ordre du jour de l’assemblée, à qui il sera demandé de constater l’illicéité de la clause et de dire qu’elle sera retranchée du règlement.

III. La portée de la clause réputée non écrite

La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 septembre 2011, a jugé qu’une clause réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé.

Par conséquent, elle a un caractère rétroactif permettant aux copropriétaires concernés de demander le remboursement des charges trop versées.

Par exception, la clause stipulant la répartition des charges réputée non écrite n’a pas de caractère rétroactif.

En effet, l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que  :

« Lorsque le juge, en application de l’alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition. Cette nouvelle répartition prend effet au premier jour de l’exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive. »

En conséquence la nouvelle réparation prend effet, au jour de l’exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive. Nous recommandons de transposer ce mécanisme à la nouvelle répartition votée par l’assemblée générale si la précédente répartition a été réputée non écrite par décision de l’assemblée et non du juge.

Se pose la question du délai de prescription.

Si ce dernier est de dix ans dans le cadre des relations copropriétaire-syndicat, la Cour de cassation avait estimé qu’une demande en remboursement est soumise à la prescription de droit commun concernant les actions personnelles ou mobilières, à savoir cinq ans.

Mais dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 13 mars 2019, la Cour a jugé que la sanction de la clause réputée non écrite n’est pas soumise à la prescription quinquennale.

Cette jurisprudence a fait l’objet d’une consécration législative à l’article 2224 du Code civil.

« Mais attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s’analysait pas en une demande en nullité, de sorte qu’elle n’était pas soumise à la prescription quinquennale (…) ».

Reste à savoir si cette décision sera pérennisée et sa portée en droit de la copropriété.

IV. Les exemples de clauses pouvant être réputées non écrites

  • Les copropriétaires qui peuvent consentir sur leurs lots des actes de disposition, peuvent, a fortiori, les donner en location.

Toute clause du règlement de copropriété qui aurait pour résultat d’apporter des restrictions à ce droit doit, en principe, être réputée non écrite.

Tel est le cas de la clause subordonnant la conclusion du bail à l’autorisation du conseil syndical, imposant de confier au syndic le soin d’assurer la gérance des lots en location, la clause imposant le paiement par le copropriétaire d’un supplément de charges en cas de location, imposant la location du lot au syndicat pour être affecté au logement du gardien de l’immeuble.

Cependant, il est admis parfois que la destination de l’immeuble peut justifier des clauses restrictives du règlement de copropriété.

Ainsi, le caractère d’immeuble de luxe peut légitimer la clause interdisant la location des chambres de service à des personnes étrangères à la copropriété.

Ces clauses, qui doivent être interprétées restrictivement, sont l’application de l’article 8, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 duquel il résulte que la destination de l’immeuble peut justifier des restrictions aux droits des copropriétaires sans toutefois conduire à une discrimination.

  • Exemples de clauses illégales :
  • Clauses qui pour l’adoption des décisions des assemblées générales, fixeraient des majorités différentes de celles prévues par la loi.
  • Clauses qui permettraient à un mandataire de détenir un nombre de procurations supérieures à celles fixées par l’article 22 de la loi.
  • Clauses qui imposeraient un délai inférieur à vingt et un jours pour convoquer une assemblée générale.
  • Clauses relatives à la désignation des membres du bureau de l’assemblée, en dehors d’un vote de l’assemblée générale.
  • Clauses qui limiteraient le choix par les copropriétaires de leur représentant aux assemblées générales.
  • Clauses qui confèreraient au syndic des attributions non conformes à sa mission, et en contradiction avec les dispositions de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965…
  • Exemples de clauses illicites :
  • Clauses imposant l’exercice d’un commerce déterminé dans un local commercial.
  • Clauses de non-concurrence entre commerçants.
  • Clauses soumettant l’exercice de certaines professions libérales à l’autorisation préalable du conseil syndical ou de l’assemblée générale alors que d’autres professions, présentant les mêmes caractéristiques, en sont dispensées.
  • Clauses interdisant la cession d’un lot à une personne extérieure à l’immeuble sauf cas particulier
  • Clauses stipulant que, en cas de location, le syndic sera désigné comme gérant de l’appartement.
  • Clauses imposant de recourir à un notaire déterminé en cas de vente d’un lot…
  • Clauses tendant à proscrire totalement l’usage d’instruments ou d’appareils de musique…

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