Le principe de la rochelle et l’arrêt du 29 juin 2022

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Il est d’usage depuis très longtemps de faire appel à un géomètre expert pour toutes les questions relatives aux limites séparatives de propriété et la réalisation de plans ou dans le cadre de la création des copropriétés ou de toute modification des règlements de copropriété. Il va définir les parties communes et privatives et calculer les quotes-parts afférentes à chaque partie commune conformément à l’article 10 de la Loi du 10 juillet 1965.

De ce fait, et eu égard au droit de propriété considéré dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 comme l’un des quatre droits naturels et imprescriptibles de l’homme, que la délimitation des droits fonciers de chacun soit réalisée par un homme de l’art.

Après avoir suivi une formation spécifique le candidat géomètre doit accomplir un stage de 2 ans en Cabinet et suivre en parallèle des formations plus poussées.

Une fois la formation terminée, ce dernier doit être inscrit à l’Ordre. C’est la Loi 46-942 du 7 mai 1946 qui institue l’ordre des géomètres experts. L’article 1er de cette loi dispose, dans sa version modifiée par la Loi 87-998 du 16 décembre 1987 :

« Le géomètre-expert est un technicien exerçant une profession libérale qui, en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle :

1° Réalise les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d’échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ;

2° Réalise les études, les documents topographiques, techniques et d’information géographique dans le cadre des missions publiques ou privées d’aménagement du territoire, procède à toutes opérations techniques ou études sur l’évaluation, la gestion ou l’aménagement des biens fonciers ».

Et elle précise dans son article 2 :

« Peuvent seuls effectuer les travaux prévus au 1° de l’article 1er les géomètres-experts inscrits à l’ordre conformément aux articles 3 et 26.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas opposables aux services publics pour l’exécution des travaux qui leur incombent ».

A ce jour, il existe 1.800 géomètres inscrits à l’ordre.

La détermination légale des activités du géomètre expert semble justifiée par un souci de sécurité juridique, la propriété étant inviolable et sacrée.

Ainsi, par son impartialité, son indépendance et sa qualification juridique et technique, le géomètre expert, soumis un l’ordre, parait être le gardien de la propriété.

Cependant, rien ne permet d’affirmer qu’il existe une compétence exclusive des géomètres experts pour la réalisation de plans.

Lors du 41ème congrès de la profession de géomètre expert en 2012, Daniel LABETOULLE, alors commissaire du gouvernement avait annoncé « l’établissement, et a fortiori la modification, d’un état descriptif de division d’une copropriété, dès lors que celui-ci est accompagné d’un plan dressé au vu de mesures précises, relève de la compétence exclusive du géomètre-expert ».

Cette affirmation est devenue ce que l’on appelle le principe de la Rochelle. Il ne s’agit que d’une affirmation sans valeur normative.

Dans un arrêt du 29 juin 2022[1], la Cour de cassation a jugé qu’un plan annexé aux actes de copropriété délimitant les droits fonciers des copropriétaires doit être réalisé par un géomètre-expert, de sorte que le principe de la Rochelle semble être désormais acté par la Haute juridiction.

La Cour d’appel, qui pour dire qu’un plan annexé aux actes d’une copropriété est régulier et s’impose aux copropriétaires successifs, retient qu’il n’importe pas qu’il ait été réalisé par un géomètre-expert, alors que ce plan délimite les droits fonciers des copropriétaires. La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que la Cour d’appel a violé les articles 1er et 2 de la Loi du 7 mai 1946 précitée.

Si une telle décision semble consacrer une compétence exclusive aux géomètres-experts, une intervention législative semblerait opportune, afin d’encadrer légalement ce principe et de répondre aux interrogations suscitées par cette décision notamment celle de savoir si les plans n’ayant pas été établis par les géomètres-experts seront considérés comme irréguliers ou non.

Dans son communiqué de presse du 19 juillet 2022, la Chambre Syndicale Nationale des Géomètres Topographes considère en se fondant sur  l‘avis de l’autorité de la concurrence du 28 février 2018 (n°18-A-02) que le Gouvernement et le Parlement doivent se saisir de la question au regard du coût que cela va représenter pour les 10 millions de lots de copropriété en France et à l’aune de la mise en conformité des règlements de copropriété voulue par la Loi ELAN[2] et la Loi 3 DS[3].

Néanmoins, les praticiens considèrent que l’élaboration des plans par les professionnels que sont les géomètres-experts permet de prévenir les litiges sur les contentieux qui portent sur la nature des droits. Avec l’arrêt du 29 juin 2022, le rôle du géomètre expert est renforcé. Toutefois une intervention législative serait bienvenue pour donner une reconnaissance aux plans annexés par les géomètres-experts.

[1] Cass. 1ère civ. 29 juin 2022, pourvoi n° 20-18.136

[2] Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018

[3] Loi n° 2022-217 du 21 février 2022

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