Le point de départ de la prescription en matière de régularisation des charges dans les baux commerciaux

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La question du point de départ de la prescription en matière de régularisation soulève des enjeux importants pour les bailleurs comme pour les preneurs.

En effet, le remboursement des frais réels engagés par le bailleur au titre des charges et taxes implique qu’il fasse l’avance des frais correspondants, sans pour autant avoir la garantie que ces frais avancés lui seront remboursés par le preneur.

En pratique, le bailleur exige que le locataire règle une provision sur charges à chaque échéance en prévoyant une régularisation dont les modalités doivent être définies.

Théoriquement, la régularisation intervient une fois que les dépenses réelles sont effectivement connues par le bailleur.

Les provisions versées par le locataire constituent donc des simples garanties qui n’appartiennent pas définitivement au bailleur.

La régularisation permet potentiellement au bailleur de percevoir le complément de charges dû par le preneur et au locataire de se faire rembourser le trop versé de charges et taxes le cas échéant.

Les parties ont dont intérêt à s’assurer que la régularisation de charges soit effectuée et ce d’autant que la régularisation n’est pas illimitée dans le temps et que la prescription court..

Quel est le délai de prescription en matière de régularisation des charges, impôts, taxes et redevances ?

L’article L. 145-60 du Code de Commerce dispose que toute action fondée sur les dispositions relatives au statut des baux commerciaux se prescrit par 2 ans.

Toutefois, la régularisation des charges n’est pas soumise à ce délai mais à celui prévu par l’article 2224 du Code Civil qui prévoit une prescription de cinq ans (CA Paris, 14 déc. 2017, n° 16/21416 : ; Loyers et copr. 2018, comm. 152 , Ph.-H. Brault).

Ce délai a été confirmé par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 5 septembre 2024 dans lequel elle a jugé que les demandes en paiement ne relèvent pas, de par leur nature, du statut des baux commerciaux, mais de l’application pure et simple du droit des contrats et notamment de l’obligation de tout preneur de payer les loyers et charges contractuellement mis à sa charge.

Comment déterminer le point de départ de la prescription en pratique ?

Le bailleur dispose d’un délai de cinq ans pour réclamer au preneur un complément de charges impayé, conformément à l’article 2224 du Code civil qui dispose :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

La jurisprudence a précisé que le point de départ de ce délai de prescription est constitué par la date de régularisation prévue par le bail ou à la date à laquelle le preneur a eu connaissance de la régularisation des charges (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 7 avr. 2021, n° 18/14694 : JurisData n° 2021-005045 ; Loyers et copr. 2021, comm. 97 , E. Marcet. – CA Paris, pôle 5, ch. 3, 20 nov. 2019, n° 18/01647 : JurisData n° 2019-022403 ; Loyers et copr. 2020, comm. 11 , Ph.-H. Brault).

Ce n’est donc pas le paiement des charges locatives par provisions qui constitue le point de départ de l’action en remboursement des charges indues.

Une solution similaire a d’ailleurs retenue en matière de bail d’habitation (Cass., 3ème civ., 9 novembre 2017, n° 16-22445 ; Cass., 3ème civ., 6 mai 2021, n° 20-11707).

Quels sont les risques si le bailleur ne régularise pas les charges dans les délais ?

Si le bailleur laisse passer le délai de cinq ans, il perd définitivement son droit de réclamer les sommes correspondantes au preneur.

Si le preneur forme une demande en remboursement des provisions sur charges à défaut de régularisation,  la cour d’appel de Paris a admis que le bailleur pouvait régulariser sa situation en produisant des justificatifs en cours d’instance ( CA Paris, 14 déc. 2017, n° 16/21416 : JurisData n° 2017-029129 ; Loyers et copr. 2018, comm. 152 , Ph.-H. Brault).

Quels sont les moyens permettant d’éviter des litiges liées à la prescription ? 

Du point de vue du bailleur, il convient :

  • de procéder à la régularisation des charges chaque année dans les délais prévus par l’article R. 145-36 du Code de commerce et de vérifier les clauses du bail applicables ;
  • d’envoyer le décompte détaillé au locataire sans tarder.

 

Du point de vue du preneur, il convient :

  • de s’assurer que la demande du bailleur est conforme aux stipulations du bail ;
  • d’exiger un décompte précis et détaillé ;
  • de contester toute demande portant sur des charges et taxes prescrites.

 

Quels ont été les apports de la Loi Pinel en matière régularisation de charges ?

La loi Pinel du 18 juin 2014 a apporté des modifications significatives en matière de gestion des charges locatives dans les baux commerciaux, notamment sur la transparence et les obligations du bailleur.

La loi Pinel du 18 juin 2014 n’a pas modifié directement le point de départ de la prescription des charges locatives. Toutefois, elle a encadré leur régularisation en imposant des règles strictes qui ont un impact sur la gestion et la notification des charges dues.

L’article R. 145-36 du Code de commerce impose au bailleur le respect de plusieurs délais puisque l’état récapitulatif annuel visé par l’article L. 145-40-2 du Code de commerce – qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges – doit être communiqué au locataire :

  • au plus tard le 30 septembre de l’année qui suit son établissement si l’immeuble est en monopropriété ou,
  • dans les 3 mois qui suivent la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel, si l’immeuble est en copropriété,

 

Toute clause contraire est réputée non écrite.

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