COVID 19 et la protection des locataires

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Protection against outbreak

La loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 autorise la prorogation de l’état d’urgence sanitaire prévoit de nombreuses mesures à destination des locataires commerciaux en cas d’impayés de loyers, de charges ou encore des factures d’eau, d’électricité et de gaz.

  • Quelles sont les personnes concernées ?

L’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 prévoit que les mesures sont applicables aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

Un décret d’application devant fixer les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative devrait être publié prochainement.

  • Quelles sont les mesures relatives aux impayés de loyers et charges locatives ?

Ces mesures ressemblent en grande partie à celles qui avaient été mises en place lors du premier confinement par l’ordonnance du 15 mars 2020.

Le bailleur commercial se retrouve une nouvelle fois les mains liées pour recouvrer les sommes dues par le preneur au titre des loyers et charges.

En effet, toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à l’encontre du preneur pour retard ou non-paiement des loyers et charges est interdite.

Lors de la première période d’état d’urgence sanitaire les bailleurs continuaient à disposer de la possibilité d’initier des mesures conservatoires, arme considérable dans la mesure où elles peuvent être enclenchées sans accord du juge. Le Gouvernement a donc renforcé les dispositions protectrices en interdisant de telles mesures, qui permettaient pourtant au bailleur de se prémunir face au risque d’insolvabilité de son preneur.

Le jeu de la clause résolutoire incluse dans le bail ne pourra être actionnée par le bailleur sur le fondement des loyers impayés. A contrario, le bailleur peut toujours engager une action en acquisition de clause résolutoire sur un autre fondement comme la violation d’une clause du bail.

Par ailleurs, toute procédure d’exécution engagée par le bailleur avant la promulgation de cette loi se trouve suspendue.

Enfin tout intérêt ou pénalité financière qui serait due par le preneur, ne pourront être dus et calculés qu’à compter de l’expiration des délais.

  • Quelles sont les mesures relatives aux factures d’eau, d’électricité et de gaz ?

Comme prévu par la première loi d’état d’urgence sanitaire, les fournisseurs d’eau, d’électricité ou de gaz ne peuvent procéder à la suspension, interruption ou réduction notamment par la résiliation du contrat de la fourniture de ces services essentiels.

Par ailleurs les fournisseurs peuvent octroyer un report des échéances qui ne peuvent donner lieu à des pénalités financières, frais ou indemnités à la charge du preneur.

  • Pendant combien de temps ?

En principe, les mesures courent pendant toute la durée de la fermeture administrative et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle cette activité cesse d’être affectée par une telle fermeture.

Lors de l’allocution du 24 novembre 2020, le Président Emmanuel Macron a annoncé la réouverture de certains commerces le 28 novembre 2020. Ainsi à partir de cette date, un délai supplémentaire de deux mois s’ouvre, ce qui veut dire que le bailleur ne pourra engager une procédure en recouvrement de loyers impayés ou en acquisition de clause résolutoire sur ce fondement qu’à partir du 28 janvier 2021.

Pour les restaurants et bars qui sont fermés au minima jusqu’au 20 janvier 2021, une telle action ne sera donc possible qu’à partir du 20 mars 2021.

  • Une protection supplémentaire dans un contexte d’incertitude

Depuis plusieurs semaines, les premières décisions sur l’exigibilité des loyers commerciaux durant la première période de confinement fleurissent.

C’est d’abord le 10 juillet 2020 que le débat s’est soulevé, par une décision du Tribunal Judiciaire de Paris aux termes de laquelle celui-ci condamne le preneur au paiement des loyers impayés pour les mois de mars à mai 2020.[1]

Le Tribunal a estimé que la première ordonnance du 25 mars 2020 n’emportait ni une annulation des loyers, ni une suspension de leur règlement.

A la suite de cette décision, le Tribunal Judiciaire a toutefois déclaré dans un communiqué que les contrats devant être exécutés de bonne foi, les parties sont tenues en cas de circonstances exceptionnelles de vérifier si une adaptation n’est pas nécessaire concernant les modalités d’exécution de leurs obligations respectives.[2]

Là encore on peut voir que la protection des preneurs par les juges est forte : en effet, le juge des référés s’est résolu à ne pas prononcer de condamnations contre le preneur au paiement des loyers, jugeant que cela se heurtait à des contestations sérieuses.[3]

Pour autant, cela ne veut pas dire que le preneur fait face à une certaine impunité : la Cour d’Appel de Grenoble a récemment condamné un locataire exploitant une résidence de tourisme à régler les loyers dus au titre du deuxième trimestre 2020 au motif que ce dernier ne pouvait ni invoquer l’exception d’inexécution, ni invoquer un cas de force majeur pour échapper à leur paiement.[4]

  • Quelles sont les mesures prises pour le bailleur ?

Lors d’une conférence de presse tenue le 29 octobre 2020, le ministre de l’Economie, de Finances et de la Relance, Bruno le Maire a annoncé la mise en place de certaines mesures d’urgences économiques.

Ainsi, il est prévu que le projet de loi de finances pour 2021 inclus un crédit d’impôt, incitant les bailleurs à annuler une partie de leurs loyers.

Cette mesure bénéficiera à toute entreprise de moins de 250 salariés fermés administrativement ou appartenant à certains secteurs très touchés par la crise comme celui du tourisme, de la restauration ou encore de l’hôtellerie.

Un bailleur qui accepterait de renoncer à un mois de loyer ou plus, se verra bénéficier d’un crédit d’impôt de 50% du montant des loyers abandonnés.

Ce crédit d’impôt permet à l’entreprise d’économiser un mois de loyers tout en permettant au bailleur d’en récupérer la moitié et assure donc une protection des deux acteurs économiques qui possèdent des intérêts divergents.

Article rédigé par Madame Sarah Verhelst

[1] Tribunal Judiciaire de Paris, 10 novembre 2020, n°20/04516

[2] Communiqué de presse du Tribunal Judiciaire de Paris du 15 juillet 2020

[3] Tribunal Judiciaire de Paris, 26 octobre 2020, n°20/53713 & Tribunal Judiciaire de Paris, 26 octobre 2020, n°22/55901

[4] Cour d’Appel de Grenoble, Chambre commerciale, 5 novembre 2020, n°16/04533

Recommandations du cabinet BJA :

Les dispositions de la loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire ne dispensent pas le preneur de s’acquitter de ses loyers et charges. Elles permettent seulement de lui assurer une certaine protection pendant cette période où l’activité économique se trouvent fortement affectée. A ce titre il est recommandé au preneur de se tourner le plus rapidement possible vers son bailleur afin de trouver un accord amiable permettant le paiement des loyers.

Il est par exemple possible au preneur de demander un échelonnement de ses loyers impayés ce qui éviterait l’enveniment d’une situation d’ores et déjà complexe.

Pour le bailleur, le règlement amiable reste aussi à privilégier dans la mesure où la condamnation du preneur aux loyers impayés reste incertaine.

La bonne foi, principe souverain du droit des contrats est là encore nécessaire dans cette période qui touche tous les secteurs.

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