La question de l’imputation des frais de contentieux dans le cadre du recouvrement des charges de copropriété

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Le recouvrement des charges de copropriété impose l’engagement de nombreux frais de contentieux : frais de mise en demeure, de relance, d’huissiers, d’avocats et honoraires de syndic.

Dès lors, la question est de savoir à qui doivent s’imputer ces frais de recouvrement selon les circonstances et l’état de la procédure : au copropriétaire défaillant, au syndicat des copropriétaires ou même au syndic ?

L’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 nous donne les principaux éléments de réponse puisque celui vient poser une exception à l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 disposant que les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire doivent être mis à la charge du créancier poursuivant.

Un arrêt récent de la cour de cassation[1] est venue apporter d’autres réponses en précisant le contenu de l’article 10-1 de la loi de 1965.

  1. La base légale posée par la loi du 10 juillet 1965 et son article 10-1

Concernant les frais de recouvrement des charges de copropriété, l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 dispose, en son premier alinéa, que :

« Sont imputables au seul copropriétaire concerné :

Les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d’hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d’une créance justifiée à l’encontre d’un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d’encaissement à la charge du débiteur. »

Le même article précise toutefois que :

« Le copropriétaire qui, à l’issue d’une instance judiciaire l’opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l’absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l’équité ou de la situation économique des parties au litige. »

  1. L’imputation des frais sur le compte du copropriétaire défaillant

La loi du 10 juillet 1965 précise donc que l’ensemble des frais nécessaires au recouvrement des charges exposées par le syndicat des copropriétaires devra être mis à la charge du copropriétaire défaillant.

Toutefois, ces frais ne pourront être imputés qu’à compter de la mise en demeure et incluent notamment les frais de relance, de mise en demeure, de prise d’hypothèque ainsi que les frais d’huissiers de justice.

Le syndicat des copropriétaires, en sa qualité de créancier poursuivant, se voit donc exonérer du paiement de ces frais.

  1. Les possibilités de contestation du copropriétaire défaillant et la mise à la charge des frais sur les comptes du syndicat des copropriétaires

L’article 10-1 ajoute que le copropriétaire défaillant peut contester l’imputation de ces frais, notamment lors de la procédure de recouvrement des charges.

Dans l’hypothèse où le tribunal juge la demande du copropriétaire bien fondée, il sera alors dispensé de ces frais de recouvrement qui devront être répartis entre les autres copropriétaires, c’est-à-dire mis à la charge du syndicat des copropriétaires.

Le tribunal peut également accorder cette dispense de son propre chef. En effet, les tribunaux font une application généralement restrictive de l’article 10-1 et du caractère « nécessaire » des frais de recouvrement.

Ainsi, les tribunaux déboutent généralement les syndicats des copropriétaires de leur demande au titre de l’article 10-1 pour les frais d’avocat car prévus au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais d’huissiers car prévus au titre des dépens ainsi que pour les honoraires de suivi du contentieux facturés par le syndic.

Sur ce dernier point, les tribunaux considèrent que le suivi d’un contentieux de recouvrement charge de copropriété fait partie intégrante des missions du syndic car le recouvrement des charges est un acte élémentaire de l’administration d’une copropriété.

Le contrat de syndic prévoit une rémunération spécifique pour ces diligences mais cela ne caractérise pas la nécessité de ces frais qui devront rester à la charge du syndicat des copropriétaires.

En conséquence, si l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 est une exception en ce qu’il prévoit de mettre les frais de recouvrement à la charge du débiteur avant toute décision de justice, le juge vient régulièrement apporter des limites à ce principe.

  1. L’apport jurisprudentiel de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 9 juillet 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue apporter des précisions concernant l’imputation des frais de recouvrement dans le cadre d’un recouvrement de charge de copropriété.

Dans les faits, un syndicat des copropriétaires s’était vu débouter d’une partie des frais de recouvrement mis à la charge d’un copropriétaire défaillant.

Le syndic avait donc imputé ces frais sur les comptes de la copropriété.

Après un changement de syndic, le syndicat des copropriétaires s’était retourné contre son ancien syndic afin de contester l’imputation de ces frais sur ses comptes et afin que l’ancien syndic prenne ces frais à sa charge en invoquant une faute de gestion.

En première instance, le Tribunal avait jugé bien fondé la demande du syndicat des copropriétaires qui considérait que le syndic avait commis une faute de gestion en exposant inutilement les copropriétaires à des frais de recouvrement.

L’ancien syndic devait donc supporter la charge de ces frais de recouvrement s’élevant à la somme de 1.913,90 euros en le remboursant au syndicat des copropriétaires.

La cour de cassation est venue contredire cette décision en indiquant que le tribunal n’avait pas donné de base légale à sa décision en ne caractérisant pas la faute de gestion.

Cet arrêt vient confirmer que les frais de recouvrement ne pouvant être mis à la charge du copropriétaire défaillant devront être supportés par l’ensemble sauf faute caractérisée du syndic dans sa gestion du recouvrement des charges.

Comme nous l’avons rappelé précédemment, le recouvrement des charges est un acte élémentaire dans la gestion d’une copropriété.

Il sera donc difficile pour un syndicat de copropriétaire de prouver une faute de gestion du syndic parce qu’il l’a exposé à des frais dans le cadre d’une procédure.

Nous pouvons légitimement penser que cette faute de gestion soit caractérisée lorsque le recouvrement des charges ne nécessitait pas de frais supplémentaires, par exemple dans le cas où un protocole d’accord venait d’être signé avec le débiteur et que celui-ci était respecté.

Cela peut également être le cas lors d’une erreur dans le compte de copropriété du débiteur (règlement en attente d’être imputé sur le compte ou oubli d’imputation).

En définitive, l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et cette jurisprudence confirment que les frais de recouvrement devront être mis à la charge du syndicat des copropriétaires qui en sera débouté dans le cadre d’une procédure.

[1] Cass. 3e civ., 9 juill. 2020, n° 19-17.465

Recommandations du cabinet BJA :

Afin de se prévenir d’être débouté du paiement des frais de recouvrement, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic doit démontrer toutes les diligences entreprises dans le cadre du recouvrement des charges afin de justifier les frais engagés. En somme, l’ensemble des courriers de relances et de mises en demeure doivent être versés aux débats ainsi que les factures de suivi du contentieux. Afin de préserver les rapports avec le syndicat des copropriétaires, il conviendrait également de prévenir le syndicat des copropriétaires des procédures judiciaires engagées à l’encontre des copropriétaires de l’immeuble.

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