Projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration dit projet de loi 4D est examiné dans un premier temps par le Sénat en juillet 2021 (première lecture)
Ce projet intervient dans le prolongement du Grand débat national organisé de janvier à mars 2019 suivant la crise des gilets jaunes.
Sur le titre « L’urbanisme et le logement », nous vous proposons d’évoquer certaines dispositions (pour lesquelles on peut s’interroger sur la corrélation avec les préoccupations dites « jaunes »).
- En droit de la copropriété : on a trouvé ce véhicule pour ajouter un délai nécessaire pour la mise en conformité des règlements de copropriété. Le délai prévu jusqu’au 23 novembre 2021 se trouve prolongé de trois ans soit jusqu’au 23 novembre 2024 ; transfert automatique des canalisations de gaz en amont des dispositifs de comptage, obligation du syndicat des copropriétaires de procéder à un contrôle du raccordement au réseau public d’assainissement (articles 24, 63 et 64)
- En gestion locative : afin de poursuivre le dispositif expérimental d’encadrement des loyers en allongeant à une durée de 3 ans supplémentaire soit jusqu’au 23 novembre 2026 afin de permettre son évaluation. De plus, en cas de colocation, ce dispositif serait également applicable. (article 23)
- Logement social : la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000. Son article 55 impose à environ 2 000 communes urbaines de doter, d’ici à 2025, leur parc de résidences principales de 20 % ou 25 % de logements sociaux. Or 1 035 d’entre elles sont, en 2020, en déficit, dont 550 très en retard et 280 sont « carencées » et sanctionnées en conséquence. Afin de faire preuve de réalisme, il est prévu un système de rythme de rattrapage pour les retardataires. En revanche, ce dispositif transitoire devient pérenne. (article 17)
Ce projet de loi sera débattu devant le Sénat lors de la prochaine séance publique le 7 juillet 2021.
- Projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » dite loi Climat et résilience.
L’assemblée nationale a voté le 3 mai 2021 pour ce projet de loi, puis ce mardi 29 juin, le Sénat a voté le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » dite loi Climat et résilience.
Les députés et sénateurs devront parvenir à un texte commun en commission mixte paritaire le 12 juillet.
Ce projet de loi regroupe les dispositions législatives proposées par le Gouvernement au vu du résultat des travaux menés pendant neuf mois par les cent cinquante personnes tirées au sort constituant la Convention citoyenne pour le climat, sur la question suivante : « Comment réduire d’au moins 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans le respect de la justice sociale ? ».
Il est organisé en six titres reprenant les thématiques auxquelles le rapport approuvé en juin 2020 par la Convention citoyenne rattache ses différentes propositions subdivisées en chapitres.
Le titre « se loger » nous intéressant concerne au chapitre I la rénovation des bâtiments (la performance énergétique des bâtiments, les logements mis en location, la copropriété, au chapitre II, la diminution de la consommation d’énergie et notamment la restriction des terrasses chauffées ou climatisées et enfin, au chapitre III la lutte contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles d’urbanisme :
- L’adoption d’un meilleur classement de la performance énergétique des bâtiments et l’obligation de procéder à un DPE « collectif » et le cas échéant d’un audit énergétique (articles 39 à 40).
- Le gel des loyers pour les passoires thermiques en 2023 (article 41).
- L’interdiction progressive de la mise en location des passoires énergétiques et des bâtiments très peu performants énergiquement entre 2025 et 2040 (article 42).
- La mise en place d’un carnet d’informations du logement afin de faciliter et d’accompagner les travaux d’amélioration de la performance énergétique (article 43 bis).
- L’obligation de procéder à un plan pluriannuel de travaux en copropriété et fixation d’une cotisation annuelle d’au moins 2,5% du montant prévu dans le plan au sein du fonds de travaux (article 44).
- Sur l’artificialisation des sols : un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions écologiques, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. Les surfaces de pleine terre ne sont pas considérées comme artificialisées (article 48) précision de l’objectif de réduction du rythme.
- Contrôle de l’implantation d’entrepôts d’e-commerce en les soumettant à une autorisation d’exploitation commerciale dans certaines conditions (article 24).
Pourquoi un délai supplémentaire serait accordé pour permettre la mise en conformité des règlements de copropriété ?
Le délai permettant la mise en conformité des règlements de copropriété doit intervenir avant le 23 novembre 2021.
Cette situation est préoccupante car les parties communes spéciales ou à jouissance privative ainsi que les lots transitoires non expressément mentionnés encourent un risque :
« Messieurs les Professeurs H. Périnet-Marquet (Les clauses non écrites en droit de la copropriété, JCP N 2021. 1124) et D. Tomasin (in [Parole d’expert] « Mise en conformité des règlements de copropriété », édition du 12 avr. 2021), la sanction naturelle de la violation d’une disposition impérative de la loi du 10 juillet 1965, conformément à l’article 43 de celle-ci, est le réputé non écrit. Cette sanction ne paraît ainsi faire guère de doute pour les stipulations du règlement qui seraient non conformes aux dispositions des articles 4, 6-2, 6-3 et 6-4 de la loi du 10 juillet 1965, dès lors que celles-ci sont dites « impératives » par son article 43. Il s’agit d’une simple application d’un mécanisme parfaitement connu. » (Pierre-Édouard Lagraulet – 9 Mai 2021 ; DALLOZ – Variation sur les parties communes spéciales : beaucoup de bruit pour rien ?)
Dès lors, la Cour de cassation le 17 juin 2021 et, au visa de l’article 206 de la loi ELAN, a cassé l’arrêt d’appel statuant sur l’inexistence du lot transitoire dont le volume ne peut être déterminé dans le règlement de copropriété n’est pas inexistant car « le délai laissé aux syndicats des copropriétaires pour mettre en conformité leur règlement de copropriété » était toujours en cours.
Cet arrêt peut se lire comme invitation pour les syndics de copropriété à mettre en conformité les règlements de copropriété dans le délai imparti, étant donné que plusieurs étapes paraissent nécessaires de l’audit au vote de la mise en conformité, jusqu’à la publication.
En application de la loi ELAN du 23 novembre 2018, la mise en conformité du règlement de copropriété devait intervenir avant le 23 novembre 2021. Ce délai est allongé de trois ans en application de l’article 24 du projet de loi dit « 4D », soit jusqu’au 23 novembre 2024.
L’exposé des motifs indique que :
« Ce délai est porté à six ans, compte tenu de la complexité des opérations de mise en conformité de ces règlements de copropriété et des difficultés qui ont résulté de la crise sanitaire liée au covid-19. »
Cette prorogation est très attendue des praticiens ayant pris du retard entre les efforts de réorganisation dus à la pandémie et d’adaptations aux réformes liées à la loi ELAN. En conséquence, peu de syndicats de copropriétaires sont peu nombreux à avoir procéder à la mise en conformité des règlements de copropriété.
Le cabinet BJA a également sollicité ce report dans l’intérêt supérieur de ses clients.
Dans quels délais les passoires thermiques seront-elles interdites ?
Les articles 41et 42 prévoient d’empêcher l’augmentation des loyers puis d’interdire la mise en location de ces passoires en les requalifiant en logement indécent.
Cette mesure vise à la fois à protéger les locataires qui paient des factures d’énergie trop élevées et à lutter contre le dérèglement climatique. Cette mesure pourrait aussi paraître attentatoire à la propriété privée, dont le fructus est un attribut.
Pour rappel, les passoires thermiques sont les logements dont la consommation d’énergie est supérieure à 330 kWh par mètre carré et par an. Ils sont très mal isolés et cela est diagnostiqué puisqu’une étiquette énergie F ou G leur sera attribuée lors du diagnostic de performance énergétique obligatoire lors d’une mise en location ou vente (DPE).
L’article 41 du projet prévoit d’interdire l’augmentation de loyer ou d’appliquer une clause de révision à la hausse du loyers des logements classés F et G lors du renouvellement d’un bail ou de la remise en location, un an après la promulgation de la loi.
Dès 2023, les propriétaires pourraient être frappés là où le bât blesse, c’est-à-dire au portefeuille. Les gestionnaires auront l’obligation d’avertir ces derniers sur les travaux à réaliser.
L’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 modifié prévoirait que :
«II (…) lorsqu’un logement de la classe F ou de la classe G, au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation, fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire.
III. – La révision et la majoration de loyer prévues aux I et II du présent article ne peuvent pas être appliquées dans les logements de la classe F ou de la classe G, au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation »
On rappelle que 600 000 logements ayant une étiquette G sont visés ainsi que 1,2 million de logements de classe F.
Pire, l’article 42 du projet prévoit les logements classés G en termes de performance énergétique seront interdits à la location en 2025, et ceux classés F le seront en 2028.
Ces passoires thermiques, soit 1,8 million selon le gouvernement, ne feront plus partie des « logements décents ».
Le locataire pourra exiger de son propriétaire qu’il effectue des travaux et plusieurs mécanismes d’information, d’incitation et de contrôle viendront renforcer ce droit pour le locataire.
Enfin, ce sont les logements classés E qui seront interdits à la location en 2040.
En raison des interventions des syndicats (FNAIM, UNIS, FFB), le délai qui était prévu pour 2034 a été reporté à 2040.
De plus une exception a été ajoutée : « cette mesure ne s’applique pas aux bâtiments qui, en raison de leurs contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien, ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation énergétique permettant d’atteindre une consommation inférieure au niveau de performance défini au présent article, dès lors qu’est apportée la preuve que les six postes de travaux mentionnés à l’article L. 111‑1 du code de la construction et de l’habitation ont été étudiés et, le cas échéant, traités selon le meilleur état de la technique disponible. »
Un décret devra intervenir pour indiquer les critères relatifs aux contraintes et aux coûts justifiant cette exception.
Le transfert des canalisations de gaz prévu d’ici 2026 est-il complémentaire avec le transfert des colonnes montantes électriques prévu par la loi ELAN ?
Pour le transfert des canalisations de gaz situées entre le réseau public de distribution et l’amont du compteur, le dispositif suivant est prévu à l’article 63 du projet de loi 4D :
À compter de la publication de la loi, toute nouvelle canalisation située en amont des dispositifs de comptage appartiendra au réseau public de distribution de gaz.
Pour les canalisations existantes situées en amont des dispositifs de comptage, qui ne seraient pas déjà intégrées à la concession, jusqu’au 30 juin 2023, leurs propriétaires pourront revendiquer la propriété de ces canalisations. A défaut, les parties de ces canalisations extérieures au logement seront transférées sans contrepartie au réseau public de distribution de gaz à cette date.
Pour les parties de canalisation se situant à l’intérieur du logement jusqu’au dispositif de comptage, le transfert ne prendra effet qu’après une visite de l’installation, effectuée sous la responsabilité du gestionnaire de réseau. Si le gestionnaire du réseau n’a pas procédé à cette visite avant le 1er juillet 2026, les parties de canalisations sont réputées transférées au réseau public de distribution à cette date.
Il est enfin prévu pour les propriétaires ayant revendiqué la propriété des ouvrages, la possibilité de les transférer ultérieurement, mais dès lors qu’elles sont dans un bon état de fonctionnement (la remise en état étant, le cas échéant, à leur charge) et non plus de plein droit.
Les coûts associés aux contrôles liés à ces transferts de canalisations seront couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux de distribution. Ces dispositions limitent l’impact économique du transfert des colonnes montantes pour les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz.
Cet article 63 propose un transfert de ces canalisations à la concession, sauf opposition du propriétaire, de manière à pouvoir assurer, par le gestionnaire de réseau de distribution de gaz, la surveillance et l’entretien de ces ouvrages afin d’en garantir la sécurité. En effet, les gestionnaires de réseau de distribution disposent d’une expertise certaine et de méthodes de contrôle et d’entretien éprouvées.
L’étude d’impact rappelle qu’il existe actuellement des situations disparates sur le statut des canalisations de gaz situées à l’amont du compteur (aussi appelées Conduites d’Immeubles / Conduites Montantes – CICM-).
En effet, la majorité d’entre elles appartient à la concession et de ce fait leur surveillance et leur entretien sont à la charge du gestionnaire du réseau public de distribution de gaz, mais certaines d’entre elles peuvent appartenir à la copropriété ou au propriétaire du logement, notamment dans le cas des « bouts parisiens » (à l’intérieur du logement avant compteur).
A Paris, pour des raisons historiques, ce sont 12 000 des 70 000 CICM, parties situées entre le robinet de coupure générale en pied d’immeuble et les installations intérieures au sein des immeubles d’habitats collectifs qui demeurent sous la responsabilité des copropriétés.
En matière de transfert de propriété d’ouvrages à l’intérieur des bâtiments, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a clarifié le statut des installations électriques.
Ainsi, elle précise que les colonnes montantes électriques font désormais partie du réseau public de distribution électrique et a instauré le transfert de propriété de ces installations durant une période donnée.
Dans le cadre des dix propositions pour améliorer l’avenir en liaison avec son rapport annuel 2019, le médiateur national de l’énergie propose dans sa recommandation n°10 qu’une disposition législative procède au transfert de propriété et à l’intégration au réseau de distribution de gaz de l’ensemble de l’installation située en amont du compteur, comme cela a été fait pour les colonnes montantes en électricité, afin de lever les incertitudes sur les responsabilités potentielles en cas d’accident.
Pour les parties de canalisation se situant à l’intérieur du logement jusqu’au dispositif de comptage, le transfert ne prendra effet qu’après une visite de l’installation, effectuée sous la responsabilité du gestionnaire de réseau. Si le gestionnaire du réseau n’a pas procédé à cette visite avant le 1er juillet 2026, les parties de canalisations sont réputées transférées au réseau public de distribution à cette date.