Les différentes hypothèses justifiant la mise en conformité d’un RCP

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Les différentes hypothèses justifiant la mise en conformité d’un RCP

Le règlement de copropriété, considéré comme la « charte de l’immeuble », est l’acte qui régit la vie en copropriété.

A ce titre, il doit retranscrire fidèlement les droits des copropriétaires en distinguant la propriété des parties privatives et celles des parties communes.

Cette distinction cardinale a des conséquences nombreuses au regard notamment des règles d’entretien, du régime de responsabilité en cas de sinistre et du règlement des charges de copropriété.

L’ancienneté des règlements de copropriété a justifié la consécration jurisprudentielle de l’existence de parties communes particulières à savoir :

  • Les parties communes spéciales (parties et charges liées à un bâtiment ou une partie de bâtiment) ;
  • Les parties communes à droit de jouissance exclusif (jardin, loggia, balcon, terrasse…) ;
  • Les lots transitoires (lors de la construction d’un immeuble, ces lots transitoires sont parfois conservés. Ensuite, le promoteur vote et participe aux charges jusqu’à la construction et leur remplacement par de vrais lots privatifs).

La loi ELAN, adoptée le 23 novembre 2018 et l’ordonnance du 30 octobre 2019 modifiant la loi du 10 juillet 1965, impose aux syndicats des copropriétaires de mettre, le cas échéant, les règlements de copropriété en conformité avec les dispositions de ladite loi dans un délai de 3 ans, à compter de son entrée en vigueur.

A cette fin, le syndic doit inscrire la question de la mise en conformité à l’ordre du jour de l’assemblée générale, à défaut de voir sa responsabilité civile professionnelle engagée, avec un risque de contestation des décisions votées, de contestations de la répartition des charges, et des difficultés d’application du règlement de copropriété.

La loi accepte que la mise en conformité soit votée à la majorité de l’article 24 de la loi de 1965 qui prévoit que « les décisions de l’assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, s’il n’en est autrement ordonné par la loi ».

L’entrée en vigueur de cette loi datant du 23 novembre 2018, cette mise en conformité doit donc intervenir avant le 24 novembre 2021. Ce délai selon le projet dit « 3DS » comme différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification devrait être prolongé et le risque de sanction pourrait varier en fonction de la date de la mise en conformité. Cet amendement, obscurcit davantage la lecture de ce texte et des conséquences de la mauvaise corrélation entre parties communes spéciales ou à jouissance privative : PV d’AG, RCP, EDD, Grille de charges appliquée par le syndic etc.

Quelles hypothèses justifient la mise en conformité d’un règlement de copropriété ?
  • L’existence de parties communes spéciales sans charges spéciales afférentes

Les parties communes spéciales mentionnées dans un règlement de copropriété doivent nécessairement être assorties d’une définition des charges spéciales afférentes ainsi que de la grille de répartition de charges spéciales correspondante.

En effet, l’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que :

« Les parties communes spéciales sont celles affectées à l’usage et à l’utilité de plusieurs copropriétaires. Elles sont la propriété indivise de ces derniers. 

La création de parties communes spéciales est indissociable de l’établissement de charges spéciales à chacune d’entre elles.

Les décisions afférentes aux seules parties communes spéciales peuvent être prises soit au cours d’une assemblée spéciale, soit au cours de l’assemblée générale de tous les copropriétaires. Seuls prennent part au vote les copropriétaires à l’usage et à l’utilité desquels sont affectées ces parties communes. »

Par conséquent, il ne peut y avoir de partie commune spéciale sans charges spéciales afférentes.

Par exemple, lorsque le règlement de copropriété prévoit des parties communes spéciales « bâtiment A », « bâtiment B », « escaliers » ou encore « water-closets », cet acte doit nécessairement faire apparaître la définition et la répartition des charges afférentes à ces parties communes spéciales pour tous les copropriétaires concernés.

Par ailleurs, l’article 6-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ajoute que « l’existence des parties communes spéciales […] est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété ».

Cette « mention expresse » suppose l’identification de ces parties communes spéciales dans le règlement de copropriété. Ainsi, la mise en conformité au titre des charges spéciales sera nécessaire si les parties communes spéciales concernées sont expressément identifiées.

Cette identification peut figurer au règlement de copropriété mais également dans tout autre document, tel que l’état descriptif de division.

Pour de nombreux cas, les parties communes spéciales sont identifiées au règlement de copropriété sans que ne soient appliquées des charges spéciales afférentes.

Dans ce cas, ne peut être occultée l’opportunité de créer une grille de répartition de charges spéciales afférente à ces parties communes spéciales.

Il y aura alors lieu de faire intervenir un géomètre expert pour le calcul de ces charges spéciales et de faire voter une seconde résolution pour faire adopter la grille de répartition de charges communes spéciales.

Comme on l’étudiera ci-après, en cas d’absence de mention des charges spéciales au règlement de copropriété, les copropriétaires bénéficiant des parties communes spéciales se retrouveraient.

  • Conséquence de l’absence de mise en conformité

Les copropriétaires qui bénéficient d’une partie commune spéciale mentionnée dans le règlement de copropriété disposent du droit de voter aux décisions d’assemblée générale la concernant tandis que les autres copropriétaires sont exclus de ce vote.

Toutefois, lorsque les charges spéciales ne sont pas intégrées au règlement de copropriété, les parties communes spéciales perdent leur existence.

La première conséquence de cette perte est que l’ensemble de la copropriété supportera les charges de ces parties communes spéciales, alors même que certains copropriétaires n’en bénéficient pas toujours.

La seconde conséquence est que chaque copropriétaire de l’immeuble pourra voter les décisions intéressant ces parties qui relèveront des charges communes générales.

En ce sens, les copropriétaires bénéficiant des parties communes spéciales ne pourront voter seuls aux décisions d’assemblée générale les concernant puisque toute la copropriété en supportera les charges.

  • Les droits de jouissance privative non mentionnés dans le règlement de copropriété

La mise en conformité concerne tous les droits de jouissance privative qui ne seraient pas expressément mentionnés dans le règlement de copropriété, et qui n’auraient fait que l’objet d’un vote en assemblée générale ou d’une mention dans l’état descriptif de division.

Bien que le règlement de copropriété soit presque toujours accompagné d’un état descriptif de division, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de deux actes distincts.

Seul le règlement de copropriété a valeur contractuelle.

Les parties communes à jouissance privative se définissent comme des parties communes qui sont affectées à l’usage et l’utilité d’un seul lot.

L’article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 précise que ce droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché et ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot.

Il s’agit, par exemple, d’une partie de cour extérieure qui n’est accessible que depuis un seul lot de la copropriété ou d’un palier qui ne dessert qu’un seul appartement.

Le droit de jouissance privative qui sera affecté au dit lot reste, cependant, une partie commune et ne confère aucun droit de propriété au copropriétaire concerné.

Conformément aux dispositions de l’article 209-2 de la loi ELAN, le copropriétaire qui a obtenu ce droit de jouissance doit le faire répertorier dans le règlement de copropriété.

  • Conséquences de l’absence de mise en conformité

A défaut de mention expresse dans le règlement de copropriété, le droit de jouissance privative serait fortement fragilisé.

En effet, le copropriétaire bénéficiant d’un droit de jouissance privative qui n’est pas inscrit dans le règlement de copropriété, s’en trouverait privé et ne pourrait le transmettre lors d’une future vente.

En outre, l’absence d’une telle mention engendrerait une situation d’illégalité pour ledit copropriétaire qui utiliserait des parties communes sans un usage régulier.

  • Un lot transitoire dépourvu de définition ou mal défini

Le lot transitoire, parfois qualifié de « lot d’attente » ou « lot par anticipation », permet d’intégrer des tranches non construites de la copropriété dans son fonctionnement.

La loi ELAN est venue apporter une base légale à la définition jurisprudentielle du lot transitoire.

En effet, dans un arrêt du 14 novembre 1991 (n°89-21.167), la Cour de cassation a rappelé les traits spécifiques du lot transitoire, à savoir un terrain non bâti, correspondant à la partie privative, et réservé à l’exercice du droit exclusif du titulaire d’y édifier une construction avec affectation d’une quote-part des parties communes.

L’absence de mention des lots transitoires dans le règlement de copropriété

L’article 1 alinéa 3 nouveau de la loi du 10 juillet 1965 précise que « […] la création et la consistance du lot transitoire sont stipulées dans le règlement de copropriété ».

Par ailleurs, c’est l’état descriptif de division qui décrit les lots de copropriété et non pas le règlement de copropriété (sachant que ce sont deux actes de nature distincte).

La mention incomplète des lots transitoires dans l’état descriptif de division

L’article précité prévoit que « le lot transitoire est formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondantes ».

Théoriquement, la mise en conformité concerne la mention expresse des lots transitoires dans le règlement de copropriété.

Cependant, même mentionné dans le règlement de copropriété, un lot transitoire n’est pas toujours décrit ou suffisamment défini au regard de l’article 1er alinéa 3 de la loi de 1965.

A titre d’exemple, la seule mention du lot transitoire sans détermination des constructions futures ou de la superficie est insuffisante et rendrait ce lot inconstructible.

Ainsi, la mise en conformité permet de palier à ces insuffisances en définissant précisément le lot transitoire et son assiette dans le but d’informer les futurs copropriétaires.

  • Conséquences de l’absence de mise en conformité

La loi ELAN n’a pas prévu de sanctions en cas de défaut de mise en conformité. Par ailleurs, la doctrine s’est efforcée à développer les conséquences.

Dans le cadre du lot transitoire, le défaut de sollicitation de la mise à jour du règlement de copropriété par le titulaire de ce lot, avant le 23 novembre 2021, l’expose au risque de disparition de son lot.

En effet, le propriétaire de ce lot risque de devoir solliciter du syndicat des copropriétaires une autorisation de construire à la double majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 :

En cas de refus de la part du syndicat, la responsabilité de ce dernier pourrait être recherchée.

Pour conclure, la mise en conformité du règlement de copropriété permet de ne pas priver le ou les copropriétaires des droits qui leur ont été reconnus.

Elle permet une plus juste répartition des charges en fonction de l’usage ou de l’utilité des parties communes.

Le refus de la mise en conformité du règlement de copropriété expose le syndicat à une action contentieuse d’un ou plusieurs copropriétaires lésés sachant que les dispositions de la loi ELAN ont un caractère impératif.

Article rédigé par Rahmouna Abdelhadi, Nassam Diab et Jade Huertas

Recommandations du cabinet BJA :

Faire voter l’étude de la mise en conformité du règlement de copropriété, notamment par le biais d’une consultation juridique. Le cas échéant, mettre en conformité le règlement de copropriété ; Respecter la date buttoir du 23 novembre 2021 pour mettre en conformité. A ce titre, le GRECCO préconise un report à 2023 de cette obligation adressée au législateur compte tenu du COVID-19.

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