Le balcon en copropriété : partie privative ou partie commune ?

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Au poker, déclarer « avoir du monde au balcon » signifie dans une partie attirer beaucoup de joueurs avec les cartes en mains. Cette expression peut également évoquer une situation de surcharge.

Dans notre contexte, on s’interrogera donc sur la nature de ces parties, qui sont fragilisées et qui régulièrement s’effondrent.

Afin d’éviter un drame, serait-il nécessaire de procéder à l’inspection de tous les balcons avec vue sur la Seine avant la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques ?

Revenons à sa définition :

Chez Robert : Plateforme en saillie sur la façade d’un bâtiment et qui communique avec une pièce.

Selon la Cour d’appel de Chambéry : un balcon se définit techniquement comme une dalle en saillie sur façade, une dalle étant quant à elle un ouvrage porteur horizontal en béton armé, d’épaisseur faible par rapport à ses autres dimensions, formant en l’occurrence un plancher. Les balcons font partie intégrante de l’ossature en béton armé de l’immeuble, puisque leurs dalles ne sont que le prolongement des planchers des appartements, et qu’elles sont indissociablement liées au gros œuvre par leur ferraillage.

Le balcon correspond donc à la fois à un élément structurel de l’immeuble et en même temps un espace superficiel dont seul le copropriétaire va jouir.

En conséquence, le règlement de copropriété peut librement désigner le balcon de partie commune ou privative. Cela aura un impact sur la répartition des charges et notamment, en cas de travaux. En effet, la nature du balcon détermine à qui incombe le règlement de ces charges d’entretien (ex : lors d’un ravalement ou d’une ITE) et réparation en cas de sinistre (ex : défaut du système d’étanchéité, effondrement…)

Selon l’article 2 de la loi du 10 juillet 1965 :

 » Sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé.

Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire « .

L’analyse portée par le Code de la copropriété édition 2014, chez LexisNexis serait que « dans le silence du règlement ou en cas de clauses contradictoires, on peut à priori les classer dans les parties privatives au motif que les copropriétaires en ont un usage exclusif  » [1]

A l’inverse, dans le Code de la copropriété, édition 2014, chez Dalloz, il est indiqué que « les balcons relèvent du gros œuvre et des parties communes, même s’ils ne sont pas expressément visés au règlement de copropriété »[2]

Afin de résoudre cette contradiction apparente, il convient de distinguer entre les parties du balcon pour mieux discerner les clauses du règlement de copropriété et l’interprétation des juges.

Quelle est la structure du balcon ?

Le balcon est composé de deux parties : la substructure et la partie superficielle.

Une première qui correspond à l’ossature du balcon qui fait corps avec le gros œuvre, c’est-à-dire la dalle qui le relie au bâtiment. Ainsi qu’une seconde superficielle qui clôt le balcon par des garde-corps, barres d’appuis, balustres ou balustrades.

Dans le silence du règlement, il a été jugé récemment que des terrassons sont des parties privatives, alors même que les copropriétaires ne peuvent poser un pied dessus, que ces parties ne peuvent être utilisées de façon privative car elles jouent le rôle de chéneaux permettant l’évacuation des eaux de pluie.[3]

Les règlements de copropriété ont tendance à ériger l’ossature du balcon en partie commune et la clôture du balcon ainsi que le revêtement du sol en parties privatives.

Dans l’hypothèse où le règlement de copropriété ne mentionnerait pas la nature des balcons ou qu’il ferait état d’une contradiction, le gros œuvre du bâtiment, et donc le balcon, est en principe une partie commune[4].

En effet, selon l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965,

 » Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes :

le gros œuvre des bâtiments, les éléments d’équipement commun, y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent des locaux privatifs ; (…)                            

– tout élément incorporé dans les parties communes. (…) « 

Toutefois, ce même arrêt de la Cour de Chambéry distingue : « si l’espace occupé par un copropriétaire à l’intérieur du balcon est privatif et si son aménagement et ses garde-corps et balustrades sont des parties privatives, il ne peut en être de même concernant la structure du balcon en béton armé, qui fait partie intégrante de celle de l’immeuble tout entier. »

Néanmoins, il peut arriver que le règlement de copropriété érige entièrement le balcon en partie privative, incluant la dalle formant le clos et couvert de l’immeuble[5].

En tout état de cause, le règlement de copropriété peut valablement mentionner les balcons dans les parties privatives comme dans les parties communes[6].

 

Le balcon est-il une partie commune à jouissance privative ?

Le balcon est souvent érigé par l’état description de division ou par le règlement de copropriété en qualité de partie commune à jouissance privative. Cette qualification semble heureuse, puisqu’elle correspond à la distinction entre sa substructure et sa partie superficielle.

Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, modifiée par la loi 3DS du 21 février 2022, il convient de mentionner ces droits de jouissance privative au sein du règlement de copropriété s’ils sont présents uniquement dans l’état descriptif de division et non dans le règlement de copropriété [7]

La préconisation du GRECCO n°14 indique également : « Dans cette hypothèse, la mise en conformité doit conduire à identifier les parties communes à jouissance privative dans le règlement de copropriété par une mention expresse. Cette mention peut prendre la forme d’un paragraphe « parties communes à jouissance privative » s’ajoutant aux paragraphes « parties communes » et « parties privatives ». »

Ainsi, lorsque le gros œuvre du balcon constitue une partie commune, le titulaire de ce balcon bénéficie d’un droit de jouissance sur celui-ci. Cela signifie que le balcon ne lui appartient pas en pleine propriété mais qu’il dispose d’un droit d’usage de ce balcon.

Cela impliquera de solliciter l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires en cas de travaux sur le balcon faisant objet d’un droit de jouissance privative[8].

 

Quel impact la nature du balcon peut avoir sur la répartition des charges ?

Par principe, les travaux qui ont trait à l’ossature du balcon, notamment à son étanchéité, sont de nature commune. A ce titre, les charges d’entretien ou de travaux seront dues par l’ensemble des copropriétaires.

A titre illustratif, dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 31 mai 2023, des travaux portant sur la couche d’étanchéité incorporée à la dalle des balcons ont été qualifiés de communs puisque relevaient du gros œuvre du bâtiment[9].

Néanmoins, une exception est faite lorsque les travaux ou l’entretien sont occasionnés par suite d’un usage anormal par un copropriétaire. Dans ce cas, le copropriétaire défaillant pourra être débiteur de l’obligation de rénovation de son balcon.

S’agissant des garde-corps, balustres et balustrades, ceux-ci étant en principe privatifs, leur entretien et rénovation seront à la charge du propriétaire du balcon.

Toutefois, dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 mars 2004, en dépit d’une contradiction dans le règlement de copropriété, les balustrades ont été qualifiées de parties communes dès lors qu’il était prévu que leur entretien et leur remplacement incombaient au syndicat sous forme de charges communes[10].

Ainsi, bien que la nature du balcon soit en principe définie selon les différentes structures qui le composent, cette question nécessite une analyse préalable du règlement de copropriété.

 

 

[1] CA Aix-en Provence, 9 octobre 2018 : Bull. 4/1978, N°173
[2] CA Chambéry, 6 sept. 2016, n° 14/02808, n°14/02808 : AJDI 2016. 845 ; ADJI février 2024 colloque de la CNEC les parties communes en six questions pratiques
[3]Cass. 3e civ., 7 janv. 2021, n° 19-19.459 : JurisData n° 2021-000229; Christelle COUTANT-LAPALUS Loyers et Copropriété n° 3, Mars 2021, comm. 47
[4] Chambéry, 6 sept 2016, n°14/02808 : AJDI 2016. 845
[5] Civ 3e, 24 octobre 1990
[6] Riom, 3 mars 2011 : AJDI 2011.631
[7] Agnès Lebatteux ; Administrer n°582, page 8 ; Julien Laurent, ADJI février 2024, le droit de jouissance privative : une consécration mais toujours des interrogations
[8] Civ. 3e, 23 janv. 2020, n°18-24.676
[9] Paris, 31 mai 2023, n°19/01106 : AJDI 2023.608
[10] Paris, 18 mars 2004 : AJDI 2004.463

 

 

Recommandations du cabinet BJA :

Avant de procéder à des travaux ou réparation, vérifier les mentions figurant dans l’état description de division et du règlement de copropriété au titre du classement et de la répartition des charges. Afin d’éviter toute ambiguïté, procéder à la mise en conformité du règlement de copropriété afin d’ajouter le cas échéant un paragraphe concernant ces « parties communes à jouissance privative ».

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