La gestion d’un immeuble en copropriété peut s’avérer être complexe et même si certaines associations ont une méfiance systématique à l’encontre du syndic professionnel, il convient de se prémunir également contre d’éventuels abus du conseil syndical lors de la « super-délégation » : le chèque donné au conseil syndical est-il un chèque en blanc ?
Le conseil syndical a pour mission de lier les copropriétaires et le syndic. Au départ, il devait uniquement « contrôler et assister » le syndic dans le cadre de sa mission.
Certains souhaiteraient aller plus loin en lui confiant une personnalité morale, une patrimoine et une responsabilité. Cette dynamique n’a pas encore état retenue au terme de la dernière réforme.
Toutefois, l’un des objectifs de la loi Elan, adoptée le 23 novembre 2018, a été d’accroître les prérogatives du Conseil Syndical afin de lui donner davantage de moyens pour effectuer sa mission.
A ce titre, l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis a modifié le régime des copropriétés au sens large, et a formalisé la « super » délégation et accrus certaines prérogatives de l’Assemblée générale au bénéfice du Conseil Syndical.
Il ressort qu’un véritable cadre juridique a été instauré pour réglementer cette délégation. Les modalités pratiques ont été précisées par le décret du 2 juillet 2020.
En effet, certaines limites sur les modalités de cette délégation ont été instaurées afin d’assurer une gestion pérenne de la copropriété.
Quelles règles pour opérer une délégation de pouvoir ?
C’est uniquement lorsque le conseil syndical est formé d’au moins 3 membres, que l’assemblée générale peut lui déléguer le pouvoir de prendre certaines décisions seul.
Quelles sont les modalités de la décision de délégation ?
Aux termes de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, modifié par l’ordonnance de 2019, la délégation de pouvoir au conseil syndical est adoptée à la majorité de tous les copropriétaires.
Il s’agit de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou encore votant par correspondance.
Quelles décisions sont concernées ?
Les décisions concernées sont celles qui relèvent de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire les décisions prises à la majorité simple.
En cas de partage des voix, le président du conseil syndical a une voix prépondérante, lui permettant ainsi d’éviter les éventuels blocages dans la prise de décisions.
En pratique, les décisions concernées relèvent de la gestion courante de la copropriété (gestion des travaux des parties communes, maintien de l’immeuble en bon état, réparation des escaliers, etc.).
Dans le cas d’une délégation de pouvoir, le conseil syndical peut notamment choisir seul quel prestataire de service effectuera ces réparations et travaux, dans la limite des sommes allouées au Conseil Syndical pour mettre en œuvre la délégation de pouvoirs.
Cependant, l’ordonnance précise que la délégation de pouvoirs ne peut raisonnablement porter sur :
- L’approbation des comptes ;
- La détermination du budget prévisionnel ;
- Les adaptations du règlement de copropriété.
Pour quel montant ?
L’Assemblée générale fixe le montant maximum des sommes allouées au conseil syndical pour mettre en œuvre la délégation de pouvoirs.
Ainsi, lorsque la délégation de pouvoirs porte sur des dépenses pour travaux non comprises dans le budget prévisionnel, il revient à l’Assemblée générale de fixer le montant maximum alloué pour chacune de ces dépenses.
Les sommes afférentes à ces dépenses sont appelées selon les modalités prévues à l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965.
Pour quelle durée ?
La durée de la délégation de pouvoirs ne peut excéder deux années.
Une fois ce délai écoulé, elle est cependant renouvelable par une décision expresse de l’assemblée générale.
Quelles contreparties à cette délégation ?
Le conseil syndical représente les copropriétaires et leur intérêt.
Dans cette optique, ils ont une mission de conseil et de contrôle vis-à-vis du syndic.
Du fait de la délégation de pouvoir, ils obtiennent certaines prérogatives directes du syndic.
En conséquence, cette décision de délégation fait peser une obligation d’information sur les représentants du conseil syndical vis-à-vis des copropriétaires.
En effet, le conseil syndical doit rendre compte de l’exercice de sa délégation de pouvoirs devant l’assemblée générale votant l’approbation des comptes, ayant lieu chaque année.
Cette obligation d’information se concrétisant par la transmission d’un rapport de délégation aux copropriétaires lors de ladite assemblée.
Par ailleurs, chaque membre du conseil syndical doit dorénavant souscrire une assurance responsabilité civile.
Quel impact véritable a cet élargissement des prérogatives du conseil syndical ?
Le renforcement du rôle et des pouvoirs du conseil syndical opéré par l’ordonnance du 30 octobre 2019 peut être vu comme un levier d’amélioration de la gestion des immeubles en copropriété.
Pour la majorité des acteurs et professionnels de la copropriété, les délégations de pouvoirs au conseil syndical ne remettent pas en cause l’esprit de la loi de 1965 et le conseil syndical reste dans son rôle.
Cependant, une bonne gestion de la copropriété repose généralement sur un équilibre entre les prérogatives des différents organes représentatifs.
Cette délégation de pouvoirs au bénéfice du conseil syndical pourrait remettre en cause cet équilibre et mettre en péril cette bonne gestion de la copropriété.
Il convient ainsi de choisir judicieusement les décisions à déléguer ainsi que les sommes allouées au titre de cette délégation afin de conserver un équilibre certain entre le trio sur lequel repose le fonctionnement de la copropriété.