Quelle est la différence entre une clause d’indexation et une clause de révision ?
La clause d’indexation, également appelée clause d’échelle mobile, se caractérise par son automaticité. En effet, la jurisprudence qualifie la clause « d’indexation » lorsque le bail stipule que l’indexation du loyer s’applique de « façon automatique », ce qui se déduit d’une part de l’emploi du futur et non du conditionnel.
En revanche, la clause de révision ne s’appliquera pas automatiquement mais selon une procédure définie par l’article L.145-38 du Code de commerce et à la fin de chaque période triennale.
Certaines clauses d’indexation sont improprement qualifiées de clause de « révision ». Afin de déterminer la nature de la clause, il convient non pas de s’attacher à l’intitulé de la clause mais à son contenu. Il est donc important, lors de la rédaction de la clause, d’être vigilant et de bien distinguer l’indexation de la clause de révision légale en mettant en évidence le caractère automatique de la variation.
Le fait que le bailleur ne procède pas à l’indexation (oubli ou erreur de gestion), ne peut être assimilée à une renonciation de sa part. Le bailleur pourra y procéder ultérieurement, en respectant le délai de prescription quinquennale, sans que le preneur ne puisse s’y opposer.
Le second critère distinctif entre la clause d’indexation conventionnelle et la clause de révision légale réside dans l’absence de formalités spécifiques à respecter pour demander l’indexation du loyer dans le cadre de la clause d’échelle mobile.
Quelle sont les conditions de validité de la clause d’indexation ?
Les articles L.112-1 et L112-2 du Code monétaire et financier imposent des restrictions.
« Est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision ».
Le principe est que la période de variation de l’indice ne peut être supérieure à la période de variation du loyer, ce qui signifie que :
- En cas de variation annuelle, la période de variation ne peut être supérieure à un an ;
- En cas de variation triennale, la période de variation ne peut être supérieure à trois ;
Autrement dit sont réputées non écrites les clauses créant une distorsion.
Quel indice choisir, ICC, ILC ou ILAT ?
Il convient de choisir l’indice (ICC, ILC ou encore ILAT) en fonction de la nature des locaux loués et de l’activité qui y est exercée et d’être particulièrement vigilant s’agissant du choix de l’indice.
- S’il s’agit d’une activité commerciale et artisanale, les parties peuvent choisir entre l’ICC et l’ILC. L’ICC était l’indice quasi-systématiquement adopté avant l’instauration de l’ILC. Il demeure applicable quel que soit la destination du bail, la loi du 18 juin 2014 n’ayant pas modifié le code monétaire et financier.
- S’il s’agit d’une activité de type tertiaire (comprenant notamment les locaux à usage de bureaux ou se rattachant aux activités de services), il convient d’opter pour l’ILAT, mais aucun texte n’interdit de choisir l’ICC. Cet indice a par ailleurs été étendu aux professions libérales.
Le choix de l’indice doit impérativement respecter les dispositions d’ordre public de direction de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier : toute clause contraire est, en principe, réputée non écrite, sans incidence sur le reste du contrat.
Quelles sont les dernières évolutions des Indices ?
Au cours des dernières années, les indices ont particulièrement augmenté. Les derniers indices sont ceux du 3ème trimestre 2022.
- S’agissant de l’ICC : au 3e trimestre 2022, on observe une augmentation significative de 8,01% sur un an ;
- S’agissant de l’ILC : au 3e trimestre 2022, on observe une hausse de 5,37 % sur un an ;
- S’agissant de l’ILAT : au 3ème trimestre 2022, on observe une augmentation de de 5,88 % sur un an.
Les indices du 4ème trimestre 2022 seront publiés en mars 2023 et il est à craindre de nouvelles augmentations.
Depuis la loi du 16 août 2022, certains locataires bénéficient du plafonnement de l’indice ILC à 3,5 %. Pour les autres, il conviendra de surveiller que l’augmentation ne dépasse pas 25 % depuis la dernière fixation du loyer, ce qui leur permettra de demander l’adaptation du loyer à la valeur locative en application de l’article L. 145-39 du code de commerce.
La clause d’indexation est-elle exclusivement annuelle ?
La périodicité de l’indexation est librement définie par les parties. Elle est bien souvent annuelle mais rien n’impose aux parties d’opter pour une autre périodicité qui peut être biennale ou encore triennale.
Quelles sont les problématiques liées à la clause d’indexation ?
- Difficultés liées à l’usage d’un indice de base constant :
De nombreux baux prévoient la prise un compte d’un « indice de base », c’est ce que l’on appelle également « l’indice de base constant » qui se réfère au loyer d’origine. La validité des clauses d’échelle mobile comportant un indice de base immuable a finalement été admise par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 16 oct. 2013 : Loyers et copr. 2013, comm. 39 ; Cass. 3e civ., 11 déc. 2013 : Loyers et copr. 2014, repère 1, et comm. 48 ; Cass. 3e civ., 3 déc. 2014 : Loyers et copr. 2015, comm. 13 ; Cass. 3e civ., 27 janv. 2015 : Administrer mars 2015, p. 30).
En présence d’un tel indice, pour chaque indexation il convient de prendre chaque année comme indice de base l’indice stipulé au bail.
Exemple de calcul : le bail à effet du 1er juillet 2019 stipule que le l’indexation interviendra le 1er juillet de chaque année avec comme indice de base contant le 2ème trimestre 2018 :
Loyer au 1er juillet 2019 : 50.000 €
Indice de base : 2T2018
Loyer au 1er juillet 2020 : 50.000 € x 2 T 2019 / 2 T 2018 = loyer 2020
Loyer au 1er juillet 2021 : loyer 2020 x 2T2020 / 2T2018= loyer 2021.
Etc.
On peut ainsi observer que le loyer au 1er juillet 2021 a subi une variation sur une période de deux ans.
Toutefois, si on reprend la lettre de l’article L.112-1 du Code Monétaire et Financier, on s’aperçoit sur le calcul effectué sur une variation strictement annuelle abouti au même résultat :
Loyer au 1er juillet 2020 : 50.000 € x 2 T 2019 / 2 T 2018 = loyer 2020
Loyer au 1er juillet 2021 : 50.000 € x 2T2020 / 2T2019 = loyer 2021.
La jurisprudence a retenu comme éléments de distorsions :
- En cas de modification du prix du loyer par avenant lorsque l’avenant stipule que le nouveau loyer sera indexé à partir de l’indice initial et que la date d’effet de l’avenant ne correspond pas à la date d’effet initial (Cass. 3e civ., 7 mai 2014 : Loyers et copr. 2014, comm. 212 ; Cass. 3e civ., 25 févr. 2016 : Administrer mai 2016, p. 25) ;
- Lorsqu’il est stipulé que l’indexation interviendra au 1er janvier de chaque année alors que la prise d’effet du bail intervient en cours d’année (Cass 3e, 19 déc. 2019 : n°18-23.196 : Loyers et copr ; 2020, comm. 23) ;
Il est donc fortement recommandé de prévoir que l’indice de base est le dernier indice publié à la date d’effet du bail, puis à la date des indexations suivantes.
Lorsque la validité de la clause d’indexation est contestée, il appartient aux juges du fond de vérifier in concreto si le mode de calcul entraine une distorsion entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre deux révisions (Cass. 3° civ., 26 mars 2020, n° 19-10.223).
Exceptions :
Toutefois, la Cour de cassation a considéré que la révision de loyer en application de l’article L. 145-39 du Code de commerce à une date autre que celle prévue par la clause d’indexation ne constitue pas un élément de distorsion prohibée par la loi, le juge devant alors adapter le jeu de la clause d’échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande (Cass. 3e civ., 17 mai 2018 : Loyers et copr. 2018, comm. 177). Il en est de même lorsque la fixation du loyer résultant du renouvellement du bail intervient à une autre date que celle prévue initialement (Cass. 3e civ., 13 sept. 2018 : Loyers et copr. 2018, comm. 226).
- Difficultés liées à l’absence de réciprocité du jeu de l’indexation et clause d’indexation jouant uniquement à la hausse.
Pour mettre fin aux controverses et doctrinales et jurisprudentielles, la Cour de cassation a énoncé dans un arrêt du 14 janvier 2016 que « le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse » et qu’une clause « écartant toute réciprocité de variation, faussait le jeu normal de l’indexation ». Ainsi, la Cour a approuvé l’arrêt de la Cour d’appel qui avait déclaré non écrite une clause d’échelle mobile stipulant « qu’elle ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision » (Cass. 3° civ., 14 janv. 2016, n° 14-24.681 ; JurisData n° 2016-000240 : Loyers et copr. 2016, comm.66)).
Cet arrêt condamne les clauses d’indexation que l’on peut qualifier d’« asymétriques » ne prévoyant une variation qu’à la hausse (Cass. 3° civ., 12 janv. 2022, n° 21-11.169, FS-B : JurisData n° 2022-000424 ; Loyer et copr. 2022, comm. 41 ;).
- Difficultés liées à l’existence de clauses dite « clauses tunnel »
Les clauses dites « clauses tunnel » plafonnent la hausse du loyer indexé comme la baisse.
Cette pratique avait été abandonnée par les bailleurs compte tenu des risques de voir ces clauses réputées non écrites. En effet, il pourrait être considéré que les clauses tunnel ont pour effet de détacher le jeu de la clause d’indexation de la variation en elle-même, ce qui créerait une distorsion sanctionnée par la Cour de cassation.
Toutefois, les preneurs qui ne bénéficient pas du plafonnement institué par la loi du 16 août 2022, demandent que ce plafonnement soit contractualisé par des clauses tunnel.
En l’état, il n’existe pas à ce jour de décision s’étant prononcée sur la validité de ces clauses. Des auteurs considèrent que ces clauses devraient être licites, y compris au regard de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation.
Quelle est la sanction en cas d’irrégularité de la clause d’indexation ?
La sanction de l’irrégularité de la clause n’est pas la nullité mais le « réputé non écrit ». En conséquence, l’action tendant à faire réputer non écrite la clause d’indexation au visa de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier échappe tout délai de prescription (Cass. 3e civ., 19 nov. 2020, n° 19-20.405 : JurisData n° 2020-019128 ; Loyers et copr. 2021, comm. 10 – Cass. 3° civ., 18 déc. 2020, n° 19/05910).
Il convient toutefois de rappeler que l’action en répétition de l’indu en résultant reste soumis à la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil.
Quelle est l’étendue de la sanction de cette irrégularité ?
La question régulièrement posée est celle de savoir si seules les stipulations de la clause d’indexation qui créent la distorsion litigieuse seront réputées non écrites ou si la sanction sera étendue à l’ensemble de la clause d’indexation.
En principe, seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, la Cour de cassation ayant jugé à plusieurs reprises que les juges du fond ne peuvent déclarer une clause d’indexation non écrite en son entier que si la clause est indivisible (Cass. 3e civ., 30 juin 2021, n° 19-23.038) et que le fait que le bail stipule que, pour le bailleur, la clause constituait une condition essentielle et déterminante de son consentement ne suffit pas à caractériser l’indivisibilité (Cas. 3e civ., 12 janv. 2022 n°21-11.169 : Loyers et copr. 2022, comm. 41).
Dans un arrêt du 28 septembre 2022 (Cass. 3e civ., 28 septembre 2022, n°21-25.507), la Cour de cassation a rappelé, qu’aux termes de l’article 1217 dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016, l’obligation est divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle soit intellectuelle.
Toutefois, dans un arrêt très récent du 4 janvier 2023, il a été jugé que la clause devait être réputée non écrite dans son entier. En l’espèce, la Cour de cassation a considéré que la reproduction dans un renouvellement de bail de la clause d’indexation initiale appliquant un indice de référence engendre une distorsion qui s’est poursuivie après la date d’effet du renouvellement, de sorte que la stipulation prohibée ne pouvait être retranchée de la clause d’indexation sans porter atteinte à la cohérence de celle-ci et était indivisible.(Cass. 3e civ., 4 janvier 2023, n°21-23.412, F – D, Sté Les Roches c/ Sté Cèdre).
En l’état de ces précisions, il convient donc d’être particulièrement vigilant dans la rédaction des clauses d’indexation.