La résiliation du contrat de syndic en cours de mandat (Initiative de la demande, indemnités)

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  1. Le contrat de syndic est un mandat entre le syndic et le syndicat des copropriétaires.

Le droit commun des contrats prévoit que le mandant peut révoquer sa procuration le liant à son mandataire « quand bon lui semble », conformément à l’article 2004 du Code civil. Toutefois, d’aucuns considèrent qu’il serait en train devenir un contrat de prestation de services.

D’une manière générale, la fin des fonctions du syndic peut émaner d’une cause volontaire (arrivée du terme, résiliation du contrat de syndic) ou involontaire (la disparition du syndic, la disparition du syndicat des copropriétaires).

Le contrat de syndic étant un contrat à durée déterminée, chacune des parties peut décider de ne pas poursuivre la relation contractuelle.

  1. L’article 18 VII) de la loi du 10 juillet 1965 fixe les règles du non-renouvellement du contrat de syndic en fin de mandat.

Il fixe les questions de la désignation d’un nouveau syndic ainsi que de la fixation d’une date anticipée du contrat de syndic. Ces points doivent être portés à l’ordre du jour d’un assemblée générale tenue dans les trois mois précédent le terme du contrat.

Lorsque le syndic est à l’initiative du non-renouvellement, il est tenu d’informer le conseil syndical au plus tard trois mois avant la tenue de l’assemblée générale de ne pas renouveler son contrat. Le syndic n’a le droit à aucune indemnité en cas de non-renouvellement, et ne peut en réclamer sur la période des trois derniers mois

  1. En revanche, la révocation du contrat de syndic en cours de mandat, est une exception prévue par les articles 18 VIII) et 25 c) de la loi du 10 juillet 1965, et justifie le versement d’une indemnité lorsqu’elle n’est pas fondée sur des motifs sérieux et légitimes.

Cette exception porte atteinte au principe de la révocation du contrat de syndic dite ad nutum, « sur un simple signe de tête ». Le mandat est par nature un contrat conclu intuitu personae, et permet à chaque partie de le révoquer librement. Néanmoins, concernant le mandat du syndic, le principe de révocation ad nutum a subi des évolutions jurisprudentielles et législatives.

La Cour de cassation a confirmé que le mandat du syndic « peut être révoqué à tout moment », malgré la durée prévue au contrat, les juges devant rechercher si le syndic a « commis un manquement à ses obligations de nature à justifier sa révocation sans indemnité. » (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 27 avril 1988, n°86-11.718) Il en résulte qu’une révocation abusive peut donner lieu à l’allocation d’une indemnité.

L’Ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 a modifié la rédaction de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, et le régime de la révocation du mandat du syndic.

  1. L’article 18 VIII) de la loi du 10 juillet 1965 prévoit désormais que « le contrat de syndic peut être résilié par une partie en cas d’inexécution suffisamment grave de l’autre partie. »

Cette modification n’est pas sans conséquence, puisqu’elle permet au syndic de se prévaloir d’une indemnité en cas de révocation abusive mais remet en cause le principe d’une révocation ad nutum.

Le présent article a pour objet de présenter une étude sur le régime de la révocation du contrat de syndic, et l’indemnité pouvant être réclamée par le syndic en cas de révocation abusive.

I. Qui peut être à l’initiative de la révocation du contrat de syndic en cours de mandat ?

  • Le syndic peut-il encore démissionner en cours de mandat ?

En présence d’une inexécution suffisamment grave du syndicat des copropriétaires, le syndic peut décider de résilier son contrat et solliciter une indemnité.

L ’article 18 VIII) de la loi du 10 juillet 1965 impose au syndic de notifier sa volonté au président du conseil syndical, ou à défaut de conseil syndical, à l’ensemble des copropriétaires.

Le syndic devra alors prendre soin de préciser la ou les inexécutions reprochées au syndicat des copropriétaires : défaut de paiement des honoraires, impossibilité d’exercer la mission. Toutefois, ces hypothèses n’ont pas encore été jugées. En outre, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois à compter de la notification, le syndic sera tenu de convoquer une assemblée générale et d’inscrire à l’ordre du jour la question de la désignation d’un nouveau syndic.

Le point de départ du délai de deux mois court à compter du lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, conformément à l’article 64 du décret du 17 mars 1967. Le texte de l’article 18 VIII) impose donc un formalisme accru ce qui empêcherait le syndic de pouvoir démissionner librement.

La démission du syndic fait désormais l’objet de nombreux débats :

D’une part, il serait possible de soutenir qu’aucune disposition de la loi du 10 juillet 1965 n’interdit formellement la démission du syndic. Le contrat type de syndic prévoit dans son préambule que les articles 1984 et suivants du Code civil, relatifs au mandat, s’appliquent de façon supplétive. L’application de l’article 2007 du Code civil permettrait alors au syndic de renoncer à son mandat.

D’autre part, le législateur encadre précisément la cessation du mandat du syndic et la démission du syndic n’est pas prévue par les clauses du contrat type de syndic.

Notre analyse tend à conclure que la démission du syndic, bien que théoriquement envisageable selon le droit commun des contrats, est en pratique incompatible avec les dispositions spéciales de la loi du 10 juillet 1965 et le formalisme qu’elle impose.

Le risque serait qu’après la démission, l’état de la copropriété se dégrade et qu’une action en responsabilité civile soit engagée à l’encontre du syndic qui aurait « déserté ».

  • Le conseil syndical peut-il révoquer le syndic en cours de mandat ?

L’article 18 VIII) de la loi du 10 juillet 1965 confère la possibilité au conseil syndical d’être à l’initiative de la révocation du contrat de syndic, en cas d’inexécution suffisamment grave, toutefois, seule l’assemblée générale pourra se prononcer sur ces motifs.

L’initiative du Conseil syndical.

Cette faculté accordée au conseil syndical peut sembler étonnante, puisqu’il n’est pas le représentant légal du syndicat des copropriétaires et ne dispose pas de la personnalité morale. Cette situation pourrait s’avérer problématique en cas de désaccord existant entre les copropriétaires et le conseil syndical. Néanmoins, nous verrons que la faculté de révoquer le mandat du syndic appartient à l’assemblée générale des copropriétaires. Le conseil syndical devra notifier au syndic une demande motivée d’inscription de cette question à l’ordre du jour de la prochaine assemblée, en précisant la ou les inexécutions qui lui sont reprochées.

En pratique, le conseil syndical devra adresser un courrier recommandé au syndic listant les inexécutions suffisamment graves justifiant la révocation de son contrat, et demandera la convocation d’une assemblée générale et l’inscription de la question de la révocation à l’ordre du jour.

La loi n°024-322 dite « Habitat dégradé » du 9 avril 2024, a modifié l’article 18 VIII), imposant au syndic un délai pour convoquer l’assemblée générale, lorsque le conseil syndical est à l’initiative de la demande de révocation du contrat de syndic. Dans un délai, qui ne peut être inférieur à deux mois à compter de la notification de la demande du conseil syndical, le syndic doit convoquer l’assemblée générale en vue de la révocation de son mandat, à défaut, le président du conseil syndical est habilité à la convoquer.

Enfin, il apparaît que les résolutions immédiatement votées par l’assemblée portant sur la révocation du syndic, sans respecter le formalisme de l’article 18 VIII) de la loi du 10 juillet 1965, seront susceptibles d’entraîner le versement d’une indemnité pour le syndic.

Par ailleurs, alors même que cela n’est prévu par les textes, on pourrait envisager la résiliation d’un commun accord, en raison de la liberté contractuelle.

L’examen par l’assemblée générale

L’article 25 c) de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que la désignation ou la révocation du syndic est faite par l’assemblée générale des copropriétaires, par un vote à la majorité de tous les copropriétaires.

Cet article instaure un parallélisme des formes puisque le syndic, désigné en tant que représentant du syndicat des copropriétaires, ne peut être révoqué que par un vote de l’assemblée, à la même majorité. En présence d’une inexécution suffisamment grave, l’article 18 VIII) prévoit que « l’assemblée se prononce sur la question de la résiliation du contrat et, le cas échéant, fixe sa date de prise d’effet au plus tôt un jour franc après la tenue de cette assemblée. »

Le contrat de syndic prend fin au plus tôt un jour franc après la tenue de l’assemblée générale, ce qui laisse la possibilité aux copropriétaires de décider d’une date plus tardive. L’assemblée devra désigner un nouveau syndic et fixer la date de prise d’effet de celui-ci. Dès lors, le syndic sortant sera tenu d’exercer ses fonctions jusqu’à la date définie par l’assemblée. Il aura l’obligation de procéder à la remise de la comptabilité et des archives, à défaut sa responsabilité pourrait être engagée.

Par ailleurs, l’application de l’article 18 VIII) de la loi du 10 juillet 1965 est soumise à un débat concernant les copropriétés ne disposant pas d’un conseil syndical. En effet, il existe une interrogation quant à la compétence de l’assemblée générale de pouvoir décider d’une révocation dont la question a été portée à l’ordre du jour par un copropriétaire, en l’absence de conseil syndical.

Dans cette hypothèse, l’application stricto sensu de l’article conduirait les copropriétés ne disposant pas d’un conseil syndical à résilier judiciairement le contrat du syndic en cours d’exercice, par application des articles 1224 à 1230 du Code civil.

A l’inverse, il pourrait être possible dans cette situation de permettre à un copropriétaire de porter l’examen de la révocation du contrat du syndic à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires.

II. Quelle indemnité pour le syndic en cas de révocation abusive ?

Tel qu’il a été indiqué, il résulte de l’article 18 VIII), de la loi du 10 juillet 1965, que le contrat de syndic peut être révoqué par une partie en cas d’inexécution suffisamment grave de l’autre partie. L’article vise donc expressément l’inexécution contractuelle, d’une gravité suffisante.

La révocation du contrat de syndic est considérée comme abusive lorsqu’elle n’est pas justifiée par des motifs sérieux et légitimes. En effet, cette résiliation « aux risques et périls » du créancier ne peut se fonder sur une simple faute de gestion. Lorsque le conseil syndical est à l’initiative de la demande de révocation, il lui appartient de démontrer que sa décision de révocation anticipée est justifiée par une inexécution suffisamment grave.

D’une manière générale, la révocation du contrat de syndic par l’initiative du conseil syndical, sera justifiée en cas de faute grave de gestion du syndic, commise au détriment du syndicat des copropriétaires.

La révocation intempestive et sans cause légitime de son mandat est considérée comme abusive, ouvrant ainsi droit à des dommages et intérêts en faveur du syndic. (Paris, 4 juin 1971 : Gaz. Pal. 1971. 2. 648, note Morand). Même en cas de mise en concurrence du syndic, le syndicat est obligé de justifier d’un manquement du syndic à ses obligations afin de mettre un terme anticipé à son mandat. (Cour de cassation, 3e chambre civile, 08/03/2018).

Afin de respecter les droits de la défense, le syndic révoqué, sans avoir eu la possibilité d’exposer sa situation aux copropriétaires subit un préjudice moral lui ouvrant droit à dommages et intérêts (Paris, 12 janvier 1990 : Administrer 1/1991. 65, obs. Guillot).

S’agissant de l’indemnité que peut réclamer le syndic, il a été jugé dans un arrêt du 23 septembre 2020 que le non-respect de la durée du contrat ouvre droit à une indemnisation dont le montant est établi au prorata du délai de préavis non exécuté et sur la base de la moyenne de la totalité des honoraires réalisés par le praticien au sein de la clinique au cours des trois dernières années. (Cour de cassation, Première chambre civile, 23 septembre 2020, 19-18.657) Ainsi, le syndic pourrait réclamer le montant de ses honoraires qui restaient jusqu’à la fin de son contrat et éventuellement des dommages et intérêts.

A l’inverse, le caractère suffisamment grave de l’inexécution justifiant la révocation du syndic et le versement d’une indemnité pour le syndicat des copropriétaires a été confirmé, dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Versailles. Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires faisait valoir un ensemble de fautes, d’erreurs et de manquements du syndic dans sa gestion de la copropriété, affectant notamment la tenue de la comptabilité (erreurs d’imputations de comptes). La révocation n’a pas été jugée abusive et la Cour d’appel a condamné le syndic au versement de la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires (Cour d’appel de Versailles, ch. civ. 1 4 copropriété, 16 oct. 2024, n° 22/01202).

Enfin, il convient de souligner que le syndic n’a pas la possibilité de contester directement la délibération de l’assemblée générale ayant décidé de sa révocation, puisque les articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 18 du décret du 17 mars 1967 s’appliquent uniquement en faveur des copropriétaires.

En conclusion, le régime juridique de la révocation du contrat de syndic repose sur un équilibre délicat entre les droits des copropriétaires et les obligations contractuelles du syndic.

Si la révocation ad nutum constitue un principe général, les évolutions législatives et jurisprudentielles ont imposé un formalisme accru (notification / information, délais, inexécution suffisamment grave, indemnité) nécessitant une attention particulière.

Le cabinet BJA avocats vous accompagne afin de faire valoir vos droits concernant ces sujets.

Sources :

  • Guy Vigneron, Christelle Coutant-Lapalus, Le syndic de copropriété, LexisNexis, 2021
  • Dalloz Action, 2021-2022
  • Guide de la copropriété 2025/2026
  • Code de la copropriété, Dalloz, 2024

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