Focus sur des garanties légales et contractuelles

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Le syndicat des copropriétaires a besoin des charges de copropriété pour faire face aux nombreuses dépenses. Les copropriétaires sont appelés, à échéances régulières, à régler ces provisions pour le budget, les travaux et les cotisations. Toutefois, certains restent aux abonnés absents, ce qui peut fragiliser la copropriété en raison de procédures judiciaires longues et coûteuses.

En particulier, le syndicat peut être contraint de reporter le vote de travaux essentiels. Si certains seuils sont atteints, il risque de devoir désigner un mandataire ad hoc, voire de se retrouver sous la gestion d’un administrateur provisoire.

Afin de donner au syndicat des copropriétaires une préférence par rapport aux autres créanciers, certaines garanties sont mises en place. Cependant, leur efficacité est variable.

Cet article se penche sur l’efficacité des garanties contractuelles, notamment la clause pénale et la clause d’aggravation des charges, mais aussi sur les nouveautés légales à l’occasion de ventes.

I) Quelles sont les « nouvelles garanties légales » pouvant intervenir lors d’une vente ?

Il s’agit, lors de la cession de parties communes ou d’un lot, de permettre indirectement le recouvrement des charges.
Ces garanties viennent en complément de celles que nous avons déjà étudiées : l’hypothèque légale sur le lot du débiteur, le droit d’opposition sur le prix de vente d’un lot du débiteur, et l’hypothèque légale spéciale pour le recouvrement des créances du syndicat en cas de vente de lot.

A) Comment recouvrer des charges de copropriété en cas de cession de partie commune ?

Afin d’éviter qu’un copropriétaire débiteur s’enrichisse lors de la vente d’une partie commune, il est prévu que cette cession lui permettra en priorité de régler sa dette.
L’article 16-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que :

« Les sommes représentant le prix des parties communes cédées se divisent de plein droit entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes et proportionnellement à la quotité de ces parties afférentes à chaque lot.
La part du prix revenant à chaque copropriétaire lui est remise directement par le syndic, après déduction des sommes exigibles par le syndicat des copropriétaires. »

Cette compensation a été prévue par l’ordonnance n° 2020-1101 du 30 octobre 2019.
Avec ce mécanisme, on postule que la cession d’une partie commune se fait en contrepartie du versement d’une somme d’argent et non en nature. (La fixation des modalités de paiement du prix dans la vente de droits accessoires aux parties communes, Stéphanie Berreby, Actes Pratiques et Ingénierie Immobilière n° 1, Janvier-Février-Mars 2024, dossier 7).

Le syndic devra être vigilant lors de la répartition du prix de cession afin d’intégrer cette compensation.

B) Comment empêcher un copropriétaire débiteur d’acquérir un nouveau lot pour le contraindre à payer sa dette ?

Pour rappel, le droit d’opposition institué par l’article 20 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 vise à permettre au syndicat de récupérer, lors de la vente d’un lot, les provisions et les charges exigibles dont le copropriétaire vendeur demeure débiteur au jour de la cession.

Afin de renforcer le privilège immobilier spécial en cas de vente, la loi vise désormais à empêcher le copropriétaire acquéreur déjà débiteur d’acquérir un nouveau lot dans la copropriété.

Le nouvel article 20-II de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que :
« Si le copropriétaire n’est pas à jour de ses charges au sens du 2° du présent II, le notaire notifie aux parties l’impossibilité de conclure la vente.
Dans l’hypothèse où un avant-contrat de vente a été signé préalablement à l’acte authentique de vente, l’acquéreur ou les mandataires sociaux et les associés de la société se portant acquéreur, leurs conjoints ou partenaires liés à eux par un pacte civil de solidarité, dont les noms ont été notifiés par le notaire, disposent d’un délai de trente jours à compter de cette notification pour s’acquitter de leur dette vis-à-vis du syndicat. Si aucun certificat attestant du règlement des charges n’est produit à l’issue de ce délai, l’avant-contrat est réputé nul et non avenu aux torts de l’acquéreur. »

Cette disposition vise d’une part à éviter qu’un copropriétaire débiteur ayant reçu une mise en demeure restée infructueuse puisse acquérir un nouveau lot dans l’immeuble, directement ou via le truchement de ses affidés. Le risque serait qu’il soit à nouveau mauvais payeur et continue d’aggraver la situation de dette.
L’autre objectif est d’inciter le copropriétaire à régler dans le délai de trente jours afin de ne pas être privé de la possibilité d’acquérir le lot.

II) Les garanties contractuelles favorisent-elles le recouvrement des charges ?

Parmi les garanties contractuelles stipulées dans le règlement de copropriété, on trouve la clause d’aggravation des charges et la clause pénale. Cependant, leur efficacité est à relativiser.

A) Pourquoi la clause d’aggravation des charges est-elle inutile depuis l’évolution légale et jurisprudentielle ?

L’objectif d’une telle clause serait de mettre à la charge d’un copropriétaire des charges “supplémentaires” dont il est à l’origine sans attendre le résultat de la procédure de recouvrement.
Toutefois, cette clause est désormais dépourvue de portée en ce qui concerne le recouvrement des provisions relevant du budget prévisionnel ainsi que des frais précontentieux « nécessaires », puisque la loi elle-même rend le copropriétaire défaillant débiteur des sommes correspondantes en vertu des nouveaux articles 10-1 et 19-2 de la loi du 10 juillet 1965.
En tout état de cause, l’application de cette clause nécessite une décision judiciaire préalable reconnaissant la responsabilité du fautif (Cass. 3e civ. 27 mars 2013, n° 12-13.012 ; Cass. 3e civ. 28 mai 2020, n° 19-13.406 : Administrer juill. 2020, p.49, obs. J.R Bouyeure).

B) Peut-on prévoir une clause pénale afin d’inciter le copropriétaire débiteur à payer ses charges ?

Le règlement de copropriété peut stipuler une indemnité forfaitaire pour retard de paiement (article 1231-5 du Code civil). Cependant, le juge peut d’office la réduire si elle est excessive.

En raison de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, les juges limitent souvent l’application de cette clause et condamnent simplement le copropriétaire aux charges impayées, aux dommages et intérêts, aux dépens et à l’article 700 du CPC.

Toute disposition du règlement de copropriété imposant la suspension de services essentiels (chauffage, eau chaude) en cas de non-paiement est illégale et réputée non écrite (CA Versailles, 16 mai 1991 : JurisData n° 1991-041585).

Quelle que soit l’appréciation qui peut être faite de la clause pénale, il est évident qu’elle doit se cantonner au paiement d’une somme d’argent, sans pouvoir porter atteinte aux droits fondamentaux des copropriétaires.
Si l’article 1231-5 du Code civil énonce que la clause pénale permet d’assurer l’exécution d’une convention en prévoyant une sanction en cas d’inexécution, l’article 1229 du même code précise qu’elle compense les dommages-intérêts lorsque le créancier subit l’inexécution de l’obligation principale.

Il s’ensuit que la clause du règlement de copropriété prévoyant, à titre préventif, qu’en cas de défaillance d’un copropriétaire dans son obligation au paiement des charges, le syndic devra suspendre le service du chauffage et de l’eau chaude similaire dans le lot de ce dernier, ne saurait s’analyser en une clause pénale.

La disposition du règlement de copropriété faisant obligation au syndic de suspendre à tout copropriétaire défaillant de deux trimestres consécutifs le service de chauffage et de l’eau chaude sanitaire portent atteinte aux modalités de jouissance par les copropriétaires concernés des parties privatives de leurs lots ; en application des articles 26, alinéa 2 et 43 de la loi, cette disposition doit être réputée non écrite et annulée (CA Versailles, 16 mai 1991 : JurisData n° 1991-041585).

Par ailleurs, cette clause peut fonctionner dans certains cas autres que pour le recouvrement.

Cela est rappelé dans l’étude : Le règlement de copropriété, un rempart pour les droits des copropriétaires par Stéphane Lelievre notaire, président de la CNEC et Patrick Baudouin avocat et Christelle Coutant-Lapalus professeure à l’université de Bourgogne

Il peut être stipulé des clauses prévoyant des pénalités en cas de :
– stationnement abusif (Cass. 3e civ., 30 oct. 1973, n° 72-12.890 : JCP G 1973, IV, 402.) ;

– en cas d’encombrement de passages communs, en l’espèce également pour un stationnement interdit (Cass. 3e civ., 17 janv. 1990, n° 88-16.016 : Administrer août-sept. 1990, p. 52.)

Cette clause risque d’être réputée non écrite « lorsqu’elles ont pour effet de sanctionner l’exercice par les copropriétaires de droits estimés, en définitive, légitimes » :

– clause du règlement ne peut obliger le copropriétaire qui emménage à verser au syndicat une indemnité de déménagement pour compenser forfaitairement les dégâts qu’il pourrait causer aux parties communes lors du transfert de ses meubles (CA Paris, 23e ch., 18 sept. 2003 : JDI 2004 p. 39.)

En conclusion, bien que les garanties contractuelles offrent un cadre incitatif, elles restent limitées par la législation et la jurisprudence actuelle.

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