Assure-toi et la garantie dommages-ouvrage préfinancera … (épisode 1)

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Assurance de préfinancement rapide et intégrale des dommages bien connue dans le paysage juridique, l’assurance dommages-ouvrage intervient en cas de sinistres de nature exclusivement décennale, pour peu que l’assuré y ait souscrit correctement.

A qui s’adresse-t-elle ? A quel moment doit-on la souscrire ? Quel est précisément son objet (souvent confondu avec l’assurance décennale couvrant également les désordres de nature décennale) ? Que doit-on déclarer à l’assureur dommages ouvrage ?

Dans ce premier épisode, le Cabinet BJA vous rappelle les grandes lignes de cette assurance dont le caractère automatique permet à son bénéficiaire de ne pas attendre qu’un juge statue sur les responsabilités, et évoque les précautions à prendre lors de sa souscription afin de permettre à l’assureur d’apprécier le risque garanti.

A qui s’adresse-t-elle ?

La loi impose la souscription d’une assurance de dommages, ou d’une police dommages-ouvrage au propriétaire de l’ouvrage, particulier ou société de construction, au mandataire du propriétaire, au syndic de copropriété (en sa qualité de mandataire du maître d’ouvrage), au promoteur immobilier, au « premier » vendeur de l’ouvrage.

Le temps de la souscription de l’assurance dommages-ouvrage

L’assurance dommages ouvrage est une assurance de chose qui se transmet aux acquéreurs successifs de l’ouvrage.

Le souscripteur n’est pas nécessairement l’assuré : l’obligation de souscrire pèse sur le maître de l’ouvrage, mais bénéficie au propriétaire de l’immeuble qui subit les dommages, ce dernier a donc la qualité d’assuré.

Ce contrat doit en principe être souscrit avant l’ouverture du chantier de construction et / ou travaux de gros œuvre ou de second œuvre en application de l’article L.242-1 du Code des assurances.

En pratique, le maître d’ouvrage ne souscrira un tel contrat qu’après avoir fixé le coût prévisionnel de la construction, lequel sera connu une fois les intervenants à l’acte de construire et ses assureurs désignés, et le montant des marchés arrêté.

En effet, cette assurance est calculée en fonction du coût total des travaux.

Une police dommages ouvrage peut être souscrite en cours de chantier, voire après l’achèvement des travaux. Elle ne peut néanmoins être souscrite après la réception.

La validité de la police suppose alors que les désordres n’aient pas été déjà connus du maître d’ouvrage au moment de la souscription du contrat.

L’assureur n’est pas obligé de délivrer une police d’assurance dommages-ouvrage, notamment s’il identifie un risque important d’engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la responsabilité décennale.

En outre, on rappellera que le maître d’ouvrage devra veiller à vérifier la qualité de la personne signataire de la proposition d’assurance pour une police « dommages-ouvrage », afin d’éviter un refus de garantie de la part de la Compagnie d’assurances qui prétendra ne pas connaître le signataire.

La jurisprudence a cherché à protéger le maître d’ouvrage souscripteur du contrat en jugeant qu’il est fondé, sans avoir à vérifier les pouvoirs du signataire de la proposition, à se prévaloir de la théorie du mandat apparent engageant la Compagnie d’assurance (Cass., 3ème Civ., 6 mars 2002, n°00-10.358).

Par ailleurs, le défaut de souscription d’une telle assurance est un délit pénal au sens de l’article L.243-3 du Code des assurances.

Une garantie limitée dans le temps ….

La garantie dommages-ouvrage prend fin à l’expiration d’une période de 10 ans à compter de l’expiration de la garantie de parfait achèvement (d’une durée d’un an à compter de la réception).

Mais son point de départ sera en pratique souvent avancé selon que le sinistre survienne avant cette date, et pour tenir compte de la défaillance de l’entreprise.

… et dans son objet :

C’est une assurance de préfinancement, à la différence de l’assurance décennale, qui est une assurance de responsabilité.

Aux termes de l’article L. 242-1 du Code des Assurances :

« Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture de chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du Code Civil ».

Ainsi, l’assurance dommages-ouvrage couvre uniquement les dommages de nature décennale.

Elle couvre tous types de travaux de construction et toute technique de construction (qu’elle soit courante ou nouvelle) et exclut, en principe, les ouvrages existants.

A cet égard, la jurisprudence apprécie au cas par cas si les travaux sur les existants sont soumis à l’assurance obligatoire et en conséquence si les dommages causés à l’ouvrage existant sont couverts par la garantie (Cass., 3ème Civ., 25 juin 2020, n°19-15.153). Les ouvrages existants totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles sont garantis au sens du II de l’article L.243-1-1 du Code des assurances.

Le terme de dommage à l’ouvrage renvoie à l’idée d’anomalie, de défectuosité de l’immeuble, même non structurelle, mais l’atteinte n’est pas nécessairement matérielle. Il peut s’agir d’un vice fonctionnel affectant l’ouvrage et le rendant impropre à sa destination. Un garage impraticable ? Une absence d’isolation thermique ? Ou encore un défaut d’isolation thermique ?

Elle ne couvre en revanche pas les dommages corporels, ceux relevant de la garantie de bon fonctionnement, les dommages aux tiers, les défauts de conformité n’entraînant aucun désordre, les sinistres survenus en cours de construction.

Qui mieux qu’un assuré connaît ses besoins ?

Toute omission de déclaration est de nature à changer le risque garanti et peut entraîner la nullité du contrat d’assurance, si celle-ci est intentionnelle.

Le maître d’ouvrage doit, à cet égard, veiller à informer son assureur de tout changement de constructeur, des modifications substantielles apportées au projet, modifications intervenues postérieurement à la réception de l’ouvrage et donc l’objet du risque garanti.

Le montant de la garantie est nécessairement égal au coût des travaux de remise en état des ouvrages, dans la limite du coût prévisionnel de la construction (Cass., 3ème Civ., 14 déc. 2011, n°10-27.153).

Etant une assurance de choses, l’assurance dommages-ouvrage n’a pas vocation à couvrir les dommages immatériels (surconsommation électrique, pertes d’exploitation, pertes de mobilier, frais de relogement, pertes locatives, préjudice de jouissance), les pénalités de retard, la réalisation d’ouvrages provisoires ou réalisation d’éléments d’équipements inachevés par l’entrepreneur défaillant.

Le maître d’ouvrage a cependant le choix de souscrire une garantie facultative pour les dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels eux-mêmes garantis.

Son office : la réparation de l’ouvrage assuré, et rien que l’ouvrage assuré

La garantie ne sera délivrée que pour les ouvrages déclarés lors de la souscription de la police.

Ces ouvrages déclarés auprès de l’assureur dommages ouvrage constitue donc « l’assiette » de la police.

Si le maître d’ouvrage omet de déclarer certains ouvrages dans la déclaration, l’assureur pourra opposer un refus de garantie.

Certains éléments ne peuvent être inclus dans l’assiette. Il s’agit notamment des éléments d’équipement à vocation exclusivement professionnelle (article 1792-7 du Code civil).

L’assurance dommages-ouvrage est une assurance de choses et non une assurance de responsabilité (Cass., 3ème Civ., 17 déc. 2003, n°01-17.608).

Cette garantie a pour objet de préfinancer rapidement la réparation intégrale des dommages d’une certaine gravité, qui doivent avoir pour effet de compromettre « la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination », en d’autres termes ceux qui relèvent de la garantie décennale, ainsi que les travaux de démolition, déblaiement ou démontage nécessaires à ladite réparation, et même l’assurance desdits travaux.

Elle a donc vocation à couvrir les dommages de nature décennale affectant la construction assurée et est en toute hypothèse circonscrite au paiement du coût des travaux de réparation des désordres déclarés.

Elle n’a pas vocation à garantir les désordres inexistants, non déclarés, l’absence d’ouvrage dont l’assuré aurait fait sciemment l’économie, ni les responsables qui doivent supporter la charge des dommages auxquels ils ont concouru.

En souscrivant cette assurance, les constructeurs ayant concouru à la réalisation des dommages ne sont donc pas exonérés de leur responsabilité en application de l’article 1792 du Code civil (Cass. 2ème Civ., 11 oct. 2001, n°99-17.322).

Elle permet une réparation rapide des désordres subis, sur la base des dépenses effectivement nécessaires pour y remédier, lesquelles pourront être arrêtées aux termes d’une expertise d’assurance amiable ou judiciaire.

Une Cour d’appel a récemment rappelé que l’assureur ne peut être contraint de procéder à l’exécution des travaux de réparation lui-même, elle ne s’exécute que par l’allocation d’une indemnité (Cour d’appel de Grenoble, 22 oct. 2020, n°19/04775).

Le maître d’ouvrage doit garder à l’esprit qu’il ne pourra pas conserver, par exemple, l’indemnité d’assurance perçue sans l’affecter à la réparation des dommages en cause. L’assureur est en effet autorisé à constater l’exécution effective des travaux de réfection.

Recommandations du cabinet BJA :

Le souscripteur de l’assurance dommages ouvrage doit avoir à l’esprit que cette garantie est limitée dans son objet et dans le temps. Les déclarations auprès de l’assureur doivent être complètes et actualisées et refléter la vie du chantier. BJA conseille en outre au souscripteur de veiller à la rédaction des clauses figurant dans son contrat, afin de s’assurer de la couverture des travaux à engager. Des erreurs (courantes) lors de la souscription de cette garantie, susceptibles de conduire à des refus de garantie, peuvent être évitées en suivant les recommandations énoncées dans le présent article.

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