La déclaration de créance dans le cadre du bail commercial (fiche pratique)

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Créance

Au cours du bail commercial, le preneur ou, plus occasionnellement, le bailleur sont susceptibles de faire l’objet d’une procédure collective entrainant l’arrêt des poursuites individuelles et l’interdiction du paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Dans ce cadre, un certain nombre de créances sont soumises à l’obligation de déclaration dans les conditions des articles L.622-24 à L.622-27 du Code de commerce.

Nous détaillons dans cette fiche pratique les modalités de déclaration de créance ainsi que les créances concernées par cette obligation de déclaration dans le cadre du bail commercial.

Quels sont les délais à respecter pour déclarer sa créance ?

  • Les créances antérieures

Les créances antérieures doivent être déclarées dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.

Le mandataire judiciaire doit avertir, dans un délai de 15 jours à compter de jugement d’ouverture, les créanciers connus d’avoir à déclarer leurs créances.

  • Les créances postérieures

En principe, les créances postérieures au jugement d’ouverture ne sont pas soumises à l’obligation de déclaration et sont réglées à échéance.

Cependant, une distinction est opérée entre les créances postérieures dites « utiles » au sens de l’alinéa premier de l’article L.622-17 du Code de commerce et les autres créances.

Les créances utiles sont celles qui sont nées après le jugement d’ouverture « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période ».

Dans le cadre d’un bail commercial, les créances considérées comme « utiles » sont essentiellement les sommes dues au bailleur au titre de la jouissance des locaux à compter du jugement d’ouverture (loyer ou indemnité d’occupation et charges locatives).

Les créances ne relevant pas de l’alinéa premier de l’article L.622-17 du Code de commerce sont soumises à l’obligation de déclaration et doivent être déclarées dans un délai de deux mois à compter de leur date d’exigibilité.

A défaut de déclaration dans les délais, la créance sera inopposable au débiteur.

A ce titre, le créancier qui n’a pas déclaré dans les délais ne sera pas admis dans les répartitions et dividendes pendant la durée du plan de sauvegarde ou de continuation.

 

Quel est l’auteur et le destinataire de la déclaration de créance ?

La déclaration de créance doit être régularisée par le créancier, son mandataire ou tout préposé.

Lorsque la déclaration de créance est accomplie pour le compte d’une personne morale et qu’elle n’émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, le préposé doit pouvoir justifier d’une délégation de pouvoir lui permettant d’accomplir cette déclaration.

Les avocats n’ont pas à justifier d’un pouvoir spécial afin d’effectuer une déclaration de créance.

Le débiteur peut également porter une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est alors présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que ce dernier n’a pas régularisé sa propre déclaration de créance.

La déclaration de créance doit être adressée au représentant des créanciers, le mandataire judiciaire, et non à l’administrateur judiciaire qui représente le débiteur et administre la société.

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le représentant des créanciers sera le liquidateur judiciaire.

Lorsqu’une procédure de sauvegarde ou de redressement est convertie en liquidation judiciaire, le créancier n’a pas à renouveler sa déclaration de créance.

En revanche, si la procédure de liquidation judiciaire est ouverte à la suite de la résolution d’un plan, il s’agit d’une nouvelle procédure laquelle fait courir un nouveau délai de déclaration.

 

Quelle forme doit revêtir la déclaration de créance ?

Aucune forme n’est exigée pour l’envoi de la déclaration de créance. Il est cependant fortement recommandé d’adresser cette déclaration par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception afin de démontrer que les délais impartis ont été respectés.

Quelles sont les informations importantes à intégrer dans la déclaration de créance ?

L’article R. 622-23 du Code de commerce détaille les indications que doit contenir la déclaration de créance :

« 1° Les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n’a pas encore été fixé ;

2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;

3° L’indication de la juridiction saisie si la créance fait l’objet d’un litige ;

4° La date de la sûreté et les éléments de nature à prouver son existence, sa nature et son assiette, si cette sûreté n’a pas fait l’objet d’une publicité.

A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n’auraient pas été joints. »

La déclaration de créance doit :

  • permettre d’identifier la personne du créancier (éventuellement son mandataire ou préposé) et du débiteur.

Pour les personnes physiques, il est nécessaire de mentionner le prénom, le nom, l’adresse, le n° de RCS ou de RM et pour les personnes morales, il faut rappeler la dénomination, l’adresse du siège social ainsi que le n° de RCS.

  • rappeler la décision à l’origine de la procédure collective en précisant la juridiction saisie et sa date.
  • mentionner le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances.

Pour davantage de clarté, il est conseillé de faire une déclaration de créance distincte pour les créances postérieures soumises à l’obligation de déclaration.

Sauf si la créance est constatée par un titre exécutoire, elle doit être certifiée sincère par le créancier.

Il est important de joindre tous les justificatifs afférents à la créance afin que celle-ci ne soit pas contestée (titre exécutoire, pièces contractuelles, quittances, décompte locatif, avis de taxe ou d’impôts etc).

Le créancier doit correctement qualifier sa créance : les loyers doivent donc être distingués des indemnités d’occupation.

Le bailleur doit faire mention de son privilège au sein de la déclaration de créance en citant l’article L.622-16 du Code de commerce.

Le bailleur bénéficie d’un privilège, c’est-à-dire d’une priorité de paiement, pour les deux années de loyers précèdent le jugement d’ouverture. A défaut de mention de ce privilège, le bailleur sera considéré comme un créancier chirographaire.

La déclaration de créance doit prévoir l’exercice du droit d’option du bailleur prévue à l’article L145-57 du Code de commerce.

Quelles sont les principales créances à déclarer dans le cadre d’un bail commercial ?

  • Les loyers, charges et accessoires antérieurs

Le bailleur doit déclarer le montant des loyers, charges et accessoires échus au jour du jugement.

Exemple : Si un jugement ordonnant l’ouverture d’une procédure collective est rendu le 10 octobre, que le loyer soit payable à terme échu ou à échoir, il conviendra de procéder à une déclaration pour la période d’occupation antérieure, c’est-à-dire jusqu’au 9 octobre 2022 en effectuant un prorata sur le mois d’octobre.

  • Les droits d’entrée
  • Les impôts

Le fait générateur de la taxe foncière est la propriété du local au 1er janvier. L’année de l’ouverture de la procédure collective, il s’agit donc d’une créance antérieure qui doit être déclarée dans son intégralité pour l’année en cours.

  • Les éventuels dommages et intérêts résultant d’une décision antérieure (condamnation pour inexécution contractuelle etc.)
  • Les créances postérieures exclues de la priorité de paiement de l’alinéa premier de l’article L622-17 du Code de commerce

Les créances nées après le jugement d’ouverture qui ne seraient pas considérées comme utiles au sens d de l’article L622-17 du Code de commerce doivent être déclarées.

A ce titre, et par sécurité, il est nécessaire pour le bailleur de déclarer toutes les sommes distinctes des loyers ou de l’indemnité d’occupation dans les deux mois de leur exigibilité.

  • L’indemnité d’éviction

Le preneur doit déclarer sa créance d’indemnité d’éviction au passif de la procédure. Le fait générateur de cette créance est la délivrance du congé avec refus de renouvellement et non la fixation de son montant par le juge.

Lorsque le congé a été délivré avant l’ouverture de la procédure collective du bailleur, le preneur doit en évaluer le montant et le déclarer.

  • La remise en état des locaux

La caractère antérieur ou postérieur de la créance de remise en état des locaux peut être difficile à déterminer dans la mesure où le bailleur ne pourra pas justifier de la date à laquelle les dégradations ont été commises.

Lorsque le bail s’est poursuivi après le jugement d’ouverture, il existe une présomption selon laquelle les détériorations sont postérieures au jugement notamment lorsque la créance résulte de l’obligation faite par le bail de rendre les lieux en bon état d’entretien.

A défaut d’éléments permettant de considérer que cette créance postérieure serait utile à la procédure, il y a lieu de procéder à une déclaration de créance auprès du mandataire.

Le cas spécifique du dépôt de garantie 

Le bailleur doit déclarer sa créance sans tenir compte du dépôt de garantie.

En effet, si la compensation est directement opérée dans la déclaration, le créancier risque de se voir opposer l’inopposabilité des créances antérieures non déclarées.

L’absence de mention du dépôt de garantie dans la déclaration de créance ne prive pas le bailleur du bénéficie de la compensation entre cette somme et l’arriéré de loyer.

Lorsque le bailleur est en procédure collective, le preneur doit déclarer sa créance de restitution de dépôt de garantie. Le fait générateur de cette créance est la conclusion du bail.

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