La cession du bail commercial dans le cadre de la procédure collective

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Dans le cadre d’une procédure collective, et plus spécifiquement en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, les organes de la procédure peuvent décider de céder les actifs de la société en difficulté à des repreneurs selon deux modes de reprise : la cession d’entreprise ou la cession d’actif isolé.

Le but d’une « cession d’entreprise » ou d’un plan de cession est « d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif » (L.642-1 et suivants du Code de commerce) tandis que la cession d’actif isolé répond à une vision liquidative et de réduction du passif (L.642-18 et suivants du Code de commerce).

En redressement judiciaire, l’activité de l’entreprise est poursuivie et, en principe, en liquidation judiciaire l’activité est arrêtée ou va l’être.

Ainsi, en redressement judiciaire, le processus de cession d’entreprise sera systématiquement appliqué tandis que lors d’une liquidation judiciaire, la cession des actifs sera réalisée de manière isolée.

Afin de favoriser les plans de cession, le code de commerce a organisé un système attractif pour les repreneurs en sécurisant les contrats essentiels à la poursuite de l’activité (en ce compris le bail commercial) afin de s’assurer que les parties co-contractantes ne puissent pas s’opposer à la reprise des contrats.

Cela suppose parfois qu’il soit dérogé à la volonté contractuelle initiale des parties et que certaines clauses ne s’appliquent pas au repreneur.

En cas de cession du bail commercial, en fonction du mode de cession choisi, le bailleur sera donc contraint d’accepter davantage de conditions dérogatoires au contrat initial même si le principe reste celui d’une exécution du contrat selon les conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure.

Dès lors qu’il s’agira d’une cession du droit au bail uniquement et non du fonds de commerce, le régime de la cession isolée des actifs s’appliquera.

Quel est le sort des clauses restreignant la possibilité de céder le bail ?

Il est usuel d’insérer dans le contrat de bail commercial des clauses restrictives de cession du bail commercial :

–          Clause d’agrément préalable du bailleur sur la personne du cessionnaire,

–          Clauses de préférence (priorité de rachat du bailleur sur la cession du fonds ou du droit au bail)

–          Clauses de forme (respect d’un certain formalisme : acte de cession sous la forme authentique).

 

  • Dans le cadre d’un plan de cession

La cession du bail commercial dans le cadre d’un plan de cession relève d’une cession judiciaire forcée.

A ce titre, les clauses restrictives à la cession ne sont pas opposables au cessionnaire et la cession pourra être réalisée sans l’accord du bailleur.

Le repreneur a nécessairement besoin de cet actif afin de poursuivre l’activité de l’entreprise et le Tribunal va donc faciliter cette reprise.

L’article L. 642-13 du Code de commerce prévoit expressément qu’un contrat de location gérance peut être conclu avec le repreneur désigné par le tribunal afin de faciliter la reprise, y compris en présence de toute clause contraire dans le contrat de bail.

  • Dans le cadre de la cession d’un actif isolé

Dans le cadre de la liquidation judiciaire, le liquidateur doit céder le bail dans les conditions prévues au contrat avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y attachent (article L.641-12 alinéa 5 du Code de commerce).

Ainsi, les clauses restrictives de cession, telles qu’évoquées précédemment, sont efficaces.

Dans l’hypothèse où le liquidateur céderait le bail sans tenir compte de ces clauses, la cession serait inopposable au bailleur.

La cession, même en cas de cession de fonds de commerce doit être autorisée par le juge commissaire et suit le régime de l’article L.642-19 du Code de commerce sauf si le Tribunal décide d’appliquer le régime de la liquidation judiciaire simplifiée.

 

Quel est le sort des clauses de solidarité entre cédant et cessionnaire ?

Le bail commercial peut prévoir des clauses de garantie solidaire entre cédants et cessionnaires sur le paiement des sommes dues au titre du bail.

 

Les clauses imposant une solidarité du cédant avec le cessionnaire sont réputées non écrites en toute hypothèse de cession de bail, c’est-à-dire dans le cadre d’un plan de cession ou dans le cadre de la cession d’un actif isolé (article L. 622-1, L. 631-14 et L. 641-12 alinéa 2 du Code de commerce).

La société en difficulté ne peut donc jamais être garante des dettes locatives du cessionnaire.

Les clauses imposant une solidarité inversée, c’est-à-dire du cessionnaire à l’égard du cédant (société en difficulté) sont réputées non écrites en cas de plan de cession (C. com., art. L. 642-7, al. 3) et demeurent opposables en cession d’actifs isolés.

Le repreneur pourra donc éventuellement être garant de l’intégralité des arriérés de loyers dus par le preneur à la date de cession du bail.

Quel est le sort des clauses de destination du bail commercial ?

  • Dans le cadre d’un plan de cession

L’article L. 642-7, alinéa 4 du Code de commerce prévoit que la cession du bail commercial puisse être assortie d’une déspécialisation partielle.

Il sera tout de même nécessaire que le bailleur ait été entendu ou dûment appelé à se prononcer sur cette déspécialisation par le tribunal mais il ne pourra pas s’y opposer sauf à contester la nature connexe ou complémentaire des activités.

L’autorisation du tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession sera également requise.

Grâce à cette procédure, le preneur pourra adjoindre au bail des activités connexes ou complémentaires sans avoir à respecter la procédure de déspécialisation partielle prévue à l’article L. 145-47 du Code de commerce.

Le Tribunal peut être informé par le bailleur de la contradiction de l’activité projetée avec le règlement de copropriété ou d’une exclusivité accordée par le bailleur à des colocataires : le Tribunal pourra cependant autoriser l’adjonction d’une activité sans tenir compte de ces obligations.

  • Dans le cadre de la cession d’un actif isolé

En suivant le principe de cession aux clauses et conditions du bail existant, la destination du bail dans le cadre de la liquidation judiciaire, ne pourra donc pas être modifiée (sauf à ce que le bailleur accepte cette modification).

Tableau récapitulatif

 

Type de cession Clauses restrictives à la cession (agrément, préférence, formalisme) Clauses de solidarité (cédant/cessionnaire)

Clauses de destination

Cession d’entreprise

(articles L.642-1 à) L642-17 C.com)

Inefficaces  

A la charge du cédant : réputées non écrites

A la charge du cessionnaire : réputées non écrites

 

Possibilité d’adjoindre des activités (cession-déspécialisation)
Cession d’actif isolé (article L.642-18 et suivants C.com) Efficaces  

A la charge du cédant : réputées non écrites

A la charge du cessionnaire : efficaces

 

Cession aux clauses et conditions du bail en cours

 

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