L’EXPULSION DES SQUATTEURS

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En réponse à des situations d’occupation illégale de logement, plusieurs propositions de loi ont été formulées visant à modifier la législation en vigueur sur l’expulsion des squatteurs.

Pourtant, cette dernière permet déjà l’expulsion des occupants sans titre. La procédure d’expulsion diverge selon que la durée d’occupation illégale est de plus ou moins 48 heures.

Quelle est la définition du squatteur ?

Il n’existe pas de définition légale du squat.

Cependant, le critère de l’occupant sans titre est insuffisant pour définir les squatteurs puisqu’un ancien locataire qui ne souhaiterait pas quitter les lieux après expiration de ce bail pourrait entrer dans le cadre de cette définition.

En conséquence, la jurisprudence a pour habitude d’identifier comme squatteurs les occupants sans droit ni titre ayant pénétré dans le domicile d’autrui par voie de fait, c’est-à-dire par un acte illégal.

Dès lors, est considérée comme squatteur toute personne pénétrant dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes et s’y maintenant illégalement.

 

Est-il autorisé de procéder personnellement à l’expulsion des squatteurs ?

Nul n’est en droit de se faire justice soi-même. Suivant ce principe, le propriétaire n’est pas en droit de procéder personnellement à l’expulsion des squatteurs.

 

Comment expulser des squatteurs durant les 48 premières heures de l’occupation et sans décision de justice ?

La loi du 24 juin 2015 permet l’expulsion durant les 48 premières heures de l’occupation par une procédure de flagrant délit. Ce dernier est défini par l’article 53 du Code de procédure pénale comme une infraction « qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre ».

En principe, le flagrant délit peut durer jusqu’à 8 jours après la commission de l’infraction. Mais en matière d’occupation illégale, elle est limitée à 48 heures.

Par conséquent, le propriétaire du bien doit se rendre dans les 48 heures qui suivent le début de l’occupation au commissariat en possession de documents attestant de son titre de propriété (taxe foncière, acte de propriété, par exemple) et si possible des attestations témoignant de la date d’arrivée des squatteurs.

Il est à noter que le délai de 48 heures doit être calculé à compter de l’intrusion dans les lieux.

 

Comment justifier d’un flagrant délit en matière de squat ?

La procédure de flagrant délit peut être déclenché par les officiers de police judiciaire si le délit de violation de domicile est avéré. Ce délit est défini par l’article 226-4 du Code pénal comme l’introduction dans le domicile d’autrui « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet ». Cet article prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 15.000,00 euros.

Si ces conditions sont réunies, il faudra encore faire constater son titre de propriétaire afin d’obtenir une intervention policière.

 

La police peut-elle procéder à l’expulsion immédiatement le flagrant délit reconnu ?

Si ces formalités sont accomplies dans le délai, les officiers de police pourront procéder à l’expulsion sur-le-champ des occupants sans droit ni titre et libérer les lieux sans que leur action ne soit corroborée par une décision de justice.

Toutefois, l’expulsion en 48 heures peut se révélée périlleuse en pratique. En effet, les squatteurs peuvent disposer de documents antidatés démontrant qu’ils ont investi les lieux plus de 48 heures avant l’intervention de la police. Ces pratiques sont susceptibles de court-circuiter l’expulsion.

 

En l’absence de titre exécutoire, existe-t-il d’autres procédures pouvant conduire à l’expulsion des occupants ?

La loi sur le droit au logement opposable du 5 mars 2007 a créé une autre procédure, pour le moment peu utilisée, permettant de solliciter directement le préfet et d’éviter des poursuites judiciaires.

En effet, l’article 38 de la loi sur le droit au logement opposable du 5 mars 2007 permet au propriétaire de « demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire ».

L’intervention du préfet nécessite au préalable de faire constater l’infraction par la police.

En revanche, elle permet d’obtenir une mise en demeure de quitter les lieux émanant du préfet notifiée aux occupants et prévoit l’obligation de libérer les locaux dans un délai ne pouvant être inférieur à un minimum de 24 heures.

Dans le cas où la mise en demeure demeurerait infructueuse au terme de délai d’exécution fixé, le préfet fait procéder à l’évacuation forcée du logement.

Cette procédure a l’avantage de ne pas être soumis au délai de 48 heures observé dans la procédure de flagrant délit.

Elle permet également de contourner l’impératif d’obtenir une décision de justice.

En tout état de cause, elle reste limitée par la trêve hivernale. Contrairement au juge, le préfet ne dispose pas du pouvoir de retirer le bénéfice de cette protection aux squatteurs.

 

Comment se déroule la procédure d’expulsion de droit commun ?

Si une enquête de flagrance n’a pu être ouverte à temps, l’article L.411-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux. »

Une fois passé le délai de 48 heures ou en cas de refus d’intervention du préfet, il apparaît impossible de procéder à l’expulsion des occupants sans droit ni titre autrement que par la voie judiciaire.

Pour ce faire, l’article L.412-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que l’expulsion « ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement. »

Le commandement visé est le commandement d’avoir à libérer les lieux. Ce commandement doit être signifié aux occupants sans titre par un huissier de justice.

 

Des délais d’expulsion peuvent-ils être octroyés aux squatteurs par le juge ?

L’article L613-2 du code de la construction et de l’habitation précise que, pour fixer le délai d’expulsion, le juge tient compte de « la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ».

L’article L.412-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que dans le cas des squatteurs, le juge peut réduire ou supprimer ce délai s’il l’estime nécessaire pour protéger le propriétaire du préjudice qu’il subit.

Cependant, une fois tous les délais écoulés, les occupants sans titre doivent quitter les lieux. S’ils refusent, le propriétaire qui aura obtenu gain de cause en justice pourra procéder à l’exécution forcée de la décision en faisant appel au concours de la force publique.

 

Quelles limites à l’expulsion des squatteurs ?

La loi ALUR du 24 mars 2014 est venue modifier la durée de la trêve hivernale qui fait obstacle à l’exécution des décisions d’expulsions.

L’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose désormais qu’il est « est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante ».

La loi ALUR est surtout venue supprimer le second alinéa de cet article qui excluait du bénéfice de la trêve hivernale les occupants entrés dans le logement par voie de fait, c’est-à-dire les squatteurs.

Désormais, le bénéfice du sursis de la trêve hivernale s’applique en principe aux squatteurs.

Toutefois, le juge peut refuser d’appliquer ce sursis aux occupants sans titre qui « sont entrées dans les lieux par voie de fait », c’est-à-dire les squatteurs.

Le juge dispose d’une complète liberté d’appréciation et prend une décision discrétionnaire. Aucune disposition légale ne peut le contraindre à rendre inapplicable aux squatteurs le bénéfice de la trêve hivernale.

 

Le syndicat des copropriétaires peut-il voir sa responsabilité engagée ?

Un syndicat de copropriétaires peut être déclaré responsable du fait du gardien si celui-ci avait pour tâche de contrôler les allées et venues et qu’il n’a pas signalé la présence inhabituelle dans l’immeuble de personnes n’ayant pas qualité de propriétaires ou de locataires.

Le gardien n’ayant pas permis l’intervention en temps utile des services de police pour assurer à tous les occupants de l’immeuble la jouissance paisible des parties communes, il engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires (Cass. 3ème Civ., 27 avril 1994).

Par conséquent, les copropriétés pourvues d’un service de gardiennage doivent se montrer particulièrement attentives et alerter les services de police si un squat venait à se former dans l’immeuble.

Recommandations du Cabinet BJA

En définitive, trois voies s’offrent au propriétaire victime de squatteurs : il peut agir sous 48 heures en cas de flagrant délit, solliciter l’expulsion par le préfet ou entamer une procédure judiciaire afin d’obtenir un commandement de quitter les lieux avant de pouvoir recourir à l’expulsion avec le concours de la force publique.

Le propriétaire doit se montrer diligent afin d’obtenir l’expulsion le plus rapidement possible mais en tout état de cause, les squatteurs sont protégés par la trêve hivernale si le juge ne décide pas de leur en retirer le bénéfice.

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