Les cas justifiant le référé en copropriété

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Dans la vie de la copropriété, le syndicat des copropriétaires est régulièrement amené à solliciter les Tribunaux de l’ordre judiciaire. Les délais engendrés par de telles procédures peuvent être très variables.

L’aléa est considérable selon les juridictions, la procédure pouvant alors être très longue et s’étendre sur plusieurs années.

Or, incontestablement certaines situations exigent une action rapide et efficace.

C’est la procédure de référé qui trouve toute son utilité dans ces cas de figure, cette dernière permettant d’obtenir une décision dans un délai plus raisonnable de la part du Tribunal.

C’est ainsi que parmi les actions les plus fréquentes en matière de droit de la copropriété, après celle du recouvrement de charges et d’annulation des décisions adoptées par l’assemblée générale, l’on retrouve celle du référé, qui représente un contentieux considérable en la matière.

Une action utile, efficace et polyvalente

La procédure de référé se décline sous différentes formes.

Sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure civile, le syndicat des copropriétaires pourra demander, avant l’engagement d’un procès, des mesures d’instruction afin de conserver ou d’établir la preuve de faits de laquelle pourrait dépendre la solution du litige.

Quant aux référés prévus par les articles 834 et 835 du Code de Procédure civile (anciens articles 808 et 809 du Code de Procédure civile), ils concernent les hypothèses suivantes : l’urgence et l’évidence.

Selon les dispositions de l’article 834 du Code de procédure civile, le Président du Tribunal est tout d’abord compétent pour ordonner en référé en cas d’urgence, toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Quant à l’article 835 du même Code, il indique que le Président du Tribunal peut toutefois, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Ainsi, plusieurs types de référés existent et c’est un large éventail d’actions qui s’offre au syndicat des copropriétaires.

S’agissant de cette action en référé, il doit être précisé que l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires n’est pas nécessaire conformément à l’article 55 du décret du 17 mars 1967 (Cour d’appel, Montpellier, 2e chambre civile, 1er avril 2021, RG n° 20/04127).

En effet, cet article consacre la règle selon laquelle « le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale », prévoit entre autres exceptions « les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés ».

Ainsi, dans le cours de la vie de la copropriété, certaines situations fâcheuses peuvent émerger, et les hypothèses dans lesquelles la procédure de référé trouve son utilité sont très nombreuses.

En matière de dommages aux biens, par exemple, elle sera utile en cas de refus de prise en charge par l’assurance dommages-ouvrage, ou encore pour faire mesurer les parties privatives d’un lot dont le métrage au moment de la vente paraît erroné.

En outre, constituent entre autres des troubles manifestement illicites : l’entrave à l’occupation de l’immeuble par son propriétaire (CA Chambéry, 3 sept. 2000 : JurisData ° 2000-195787), la transformation de la façade d’un local commercial qui modifie l’aspect extérieur de l’immeuble (CA Paris, 12 mars 2008 : JurisData ° 2008-368631).

Il est également de jurisprudence constante que constitue un trouble manifestement illicite le changement d’usage d’un lot sans autorisation de l’Assemblée Générale.

Ainsi, les Tribunaux sont régulièrement confrontés à des situations diverses dans le cadre de l’action en référé, confirmant la pertinence de cette action.

Le non-respect du Règlement de copropriété constitue en soi un trouble illicite (Cass. 3ème civ. 18 janvier 2023, n° 21-23.119), ce qui recouvre un grand nombre de situations en pratique et une hypothèse se dégage particulièrement : celle des travaux non autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires.

Un cas majeur de trouble illicite : l’hypothèse des travaux non autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires

Un copropriétaire ne peut réaliser des travaux sans l’autorisation de l’Assemblée Générale des copropriétaires.

En effet, l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 prévoit l’obligation de solliciter l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires pour « des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ».

Au regard de la jurisprudence, les travaux qui doivent être autorisés peuvent être ceux réalisés dans une partie privative ou sur une partie commune grevée d’une jouissance exclusive, dès lors que ces travaux affectent une partie commune ou sont visibles de l’extérieur.

Ainsi sont notamment concernés les travaux qui portent sur : les murs porteurs, les canalisations qui traversent l’appartement, les têtes de cheminées.

Également s’agissant des transformations de la façade extérieure doivent être autorisés : la transformation d’un balcon en véranda ou loggia, la réalisation d’une construction dans un jardin privatif ou une cour, la création d’une ouverture sur l’extérieur (velux, lucarne…).

Dans l’hypothèse où cette obligation de recueillir l’autorisation de l’assemblée générale n’aurait pas été obtenue par un copropriétaire, l’action en référé est alors particulièrement adaptée pour le syndicat des copropriétaires.

Il ne sera pas nécessaire de caractériser l’urgence, devra uniquement être démontrée l’existence d’un trouble manifestement illicite.

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer à de nombreuses reprises pour préciser les contours d’une action en référé dans ce cas précis.

La notion de trouble illicite est ainsi ici particulièrement intéressante : la seule réalisation de travaux, sans l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires constitue un tel trouble, nonobstant le caractère préjudiciable ou non des travaux (Civ. 3e, 6 mars 1991, n° 89-20.763).

Le syndic peut agir de sa propre initiative pour le compte du syndicat et en accord avec le Conseil syndical pour faire cesser ce type de troubles illicites par la voie du référé.

Il a même l’obligation d’agir à l’encontre de tout copropriétaire qui ne respecte pas le règlement de copropriété et qui porte atteinte à l’harmonie de l’immeuble conformément à la mission qui lui est confiée par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

Le Juge des référés appréciera les faits au regard des pièces qui lui seront présentées et notamment d’un procès-verbal de constat d’huissier, et vérifiera qu’il y a bien une atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble et aux parties communes.

L’urgence par excellence : le cas de la fuite d’eau

S’il existe une situation dans laquelle l’action en référé parait particulièrement adaptée, il s’agit bien entendu de la fuite d’eau.

Il convient doublement d’agir au plus vite, il faut d’une part impérativement stopper la fuite et arrêter la propagation des dégâts.

De plus, parfois un blocage de toute action doit être surmonté car l’accès même à l’origine de la fuite n’est pas possible.

Différents cas de figure peuvent se présenter : si la cause de la fuite est identifiée, il convient d’initier une action en référé visant à obtenir la condamnation à exécuter les travaux, si rien n’est fait par le propriétaire de l’appartement dont provient la fuite.

Si la cause n’est pas identifiée, il convient de faire réaliser avant tout une expertise. La procédure de référé aura pour but de faire désigner un expert judiciaire, lequel aura pour mission de déterminer les causes et responsabilités, nature et coût des travaux, étendue des préjudices.

En cas d’extrême urgence, soit si la fuite provient d’un logement inoccupé ou dont le propriétaire est injoignable, ou même dont l’occupant refuse d’ouvrir sa porte, une procédure sera particulièrement pertinente : le référé d’heure à heure.

Celle-ci permet d’obtenir une décision de justice plus rapide que la procédure de référé classique.

Pour cela, doit être déposée une requête auprès du Président du Tribunal Judiciaire par le ministère d’un avocat, laquelle est accompagnée de l’assignation en référé d’heure à heure.

Le Président du Tribunal est alors à même d’autoriser cette procédure d’extrême urgence si les pièces transmises le justifie, ce qui réduit drastiquement le délai de fixation de l’audience devant le Juge des référés.

Une fois saisi, le juge des référés dispose d’une vaste panoplie de mesures pour remédier à la situation. Il appartiendra alors au syndicat des copropriétaires de préciser ses demandes pour que l’obligation du défendeur soit précisément déterminée.

Les travaux d’intérêt collectif : obligation de laisser l’accès au lot

L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que :

« Les travaux supposant un accès aux parties privatives doivent être notifiés aux copropriétaires concernés au moins huit jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens.

II.-Un copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d’intérêt collectif régulièrement décidés par l’assemblée générale des copropriétaires, dès lors que l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives n’en sont pas altérées de manière durable. La réalisation de tels travaux sur une partie privative, lorsqu’il existe une autre solution n’affectant pas cette partie, ne peut être imposée au copropriétaire concerné que si les circonstances le justifient.

Pour la réalisation de travaux d’intérêt collectif sur des parties privatives, le syndicat exerce les pouvoirs du maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.

III.-Les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l’exécution des travaux, en raison soit d’une diminution définitive de la valeur de leur lot, soit d’un trouble de jouissance grave, même s’il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité. En cas de privation totale temporaire de jouissance du lot, l’assemblée générale accorde au copropriétaire qui en fait la demande une indemnité provisionnelle à valoir sur le montant de l’indemnité définitive.

L’indemnité provisionnelle ou définitive due à la suite de la réalisation de travaux d’intérêt collectif est à la charge du syndicat des copropriétaires. Elle est répartie en proportion de la participation de chacun des copropriétaires au coût des travaux. »

En conséquence, à défaut d’accès une autorisation en justice doit être demandée via une ordonnance sur requête ou en référé pour laisser l’accès tant par le propriétaire que l’occupant, locataire (Cour de Cassation, 3ème civ. 7 avril 2017, n°14-24.518). A défaut, il peut être condamné à laisser accéder à peine d’astreinte et supporter les conséquences liées à l’aggravation du dommage et l’augmentation du coût des travaux du fait du retard occasionné, et au déplacement infructueux de l’entreprise causé par son refus abusif (Cass. 3ème Civ. 27 avril 2017, n°14-24.518, Cass. 2ème, 21 janvier 2010, n°08-15.884).

Attention, toutefois, le copropriétaire qui justifie  » un préjudice par suite de l’exécution des travaux » pourrait réclamer une indemnité.

Lors du colloque Congrès de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété – C.N.E.C. le 12 et 13 octobre, Monsieur DE COSTER a dressé un inventaire à la Prévert des cas issus de la pratique.

Cela concerne le sujet des indemnités découlant de la privation du lot temporaire, par exemple en cas d’impossibilité ou de perte de chance de louer son emplacement de parking, ainsi que la perte de valeur due à des facteurs tels que la perte d’ensoleillement, une place de parking réduite ou les conséquences d’une isolation thermique par l’extérieur.

Des recommandations pratiques ont été développées : constat d’huissier avant travaux, prise en compte des indemnités dès le vote des travaux avec évaluation d’un maître d’œuvre ou encore, prévoir une date de début et fin de travaux avec des pénalités de retard.

Et des justes critiques ont émergées sur un dispositif Kafkaïen : imposer des indemnités pour ces travaux lorsque le préjudice est également collectif… en résulte un jeu de paiement d’indemnités supportées par presque tous les copropriétaires puis remboursées à presque tous ?

Quelles sont les solutions apportées par le juge des référés ?

Le juge des référés dans sa décision pourra prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, et ce au moyen d’une astreinte.

Dans l’hypothèse de travaux portant sur les parties communes réalisés sans l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, le juge des référés peut ordonner la cessation des travaux et la remise en état des lieux dès lors qu’il s’agit de la seule mesure nécessaire et proportionnée à la cessation du trouble (Civ. 3e, 15 févr. 2018, F-P+B, n° 16-17.759).

Il pourra dans l’hypothèse d’une fuite d’eau prescrire toutes les mesures qui s’imposent : ordonner une expertise, fixer une indemnité provisoire, décider de l’exécution des travaux, autoriser l’accès à l’appartement au syndicat des copropriétaires pour réaliser les travaux lui-même, avec l’assistance d’un serrurier…

Ainsi, les avantages de l’action en référé sont multiples.

La célérité des décisions rendues, la faveur des conditions d’administration de la preuve, que la batterie de mesures qu’elle permet en font un atout considérable pour le syndicat des copropriétaires, qu’il ne saurait ignorer.

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