Congrès de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété – C.N.E.C. le 12 et 13 octobre avec comme thématique : « Les parties communes dix questions pratiques ».
Syndics, Notaires, Géomètres Experts, Avocats, Professeurs se sont retrouvés à l’Université de Poitiers, où le Professeur Emérite Hugues Perinet-Marquet s’initia au droit en tant qu’étudiant puis de Professeur.
Première commission : la détermination des parties communes
Matthieu Poumarède a donné la définition en miroir aux articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965 :
– Une déconstruction conventionnelle est possible. A défaut, recours au critère de l’usage et de l’utilité qui laissa rêveur Jean Foyer.
– La jouissance privative sur partie commune : élément perturbateur et d’ordre public (6-2 à 6-4).
Agnes Lebatteux a ensuite animé une table ronde en présence de Denis Brachet, Patrick Baudouin et Patrice lebatteux sur « la liberté de détermination des parties commune est-elle absolue ? ».
Plusieurs questions dans cette question :
– Pouvoir de requalification du juge ou d’interprétation du RCP ? Quid si le notaire manque d’imagination en reprenant une trame ou ne fait pas appel à ses yeux via le Géomètre Expert ? Existe-t-il des parties communes par nature ?
– Lors de la mise en copropriété le géomètre expert s’interroge sur : pour qui je découpe ? Pour quelle utilisation ?
– A l’instar d’un ascenseur ou d’un bow window : quid de la nature de l’élément construit en cours de vie, de son incorporation ?
– Faut-il prévoir dans le RCP une clause de transfert des éléments incorporés ? L’AG peut-elle influer sur la nature du droit lors d’une mise en conformité ?
Par ailleurs, le Professeur Julien Laurent a porté des interrogations sur la partie commune à jouissance privative.
En comparant au jeu du rubik’s cube l’arrivée de ces parties communes particulières pour trouver l’harmonie :
À chaque fois qu’on pense avoir terminé le jeu on va trop loin et on risque de tout recommencer !
– Une définition avec un critère matériel (usage ou l’utilité pour un copropriétaire mais accessoire à son lot), un critère formel : la mention dans le RCP.
– Les qualifications alternatives du lot mal constitué : droit d’usage personnel, droit réel de jouissance spécial.
Il conclut sur ce sujet avec le poème de l’écrevisse – Guillaume d’Apollinaire : « Incertitude, ô mes délices ».
L’originalité du lot à usage collectif a ensuite été décrit par véronique BACOT REAUME et Florence JAMMES : cas d’une résidence de tourisme ou d’un porche.
La plupart des arrêts cités ont été commentés par le Professeur Christelle COUTANT-LAPALUS.
2ème commission : PRESERVATION ET MODIFICATION DES PARTIES COMMUNES
Initiée par Alexis DE COSTER sur les travaux d’intérêt collectif sur parties privatives : autorisation, accès, indemnisation.
Auparavant, l’accès à son lot prévalait pour certains travaux d’intérêts collectifs listés. Depuis, cette liste a été supprimée afin de faciliter leurs réalisations.
En l’absence de critère, Monsieur DE COSTER a dressé un inventaire à la Prévert des cas issus de la pratique.
Le sujet des indemnités de la privation du lot temporaire, par exemple en cas d’impossibilité ou de perte de chance de louer son emplacement de parking, ainsi que la perte de valeur due à des facteurs tels que la perte d’ensoleillement, une place de parking réduite ou les conséquences d’une isolation thermique par l’extérieur.
Des recommandations pratiques : constat d’huissier avant travaux, prise en compte des indemnités dès le vote des travaux avec évaluation d’un maître d’œuvre ou encore, prévoir une date de début et fin de travaux avec des pénalités de retard.
Et des justes critiques sur un dispositif Kafkaïen : imposer des indemnités pour ces travaux lorsque le préjudice est également collectif… un jeu de paiement d’indemnités supportés par presque tous les copropriétaires puis remboursés à presque tous ?
Un jeu à somme nul, sauf pour le comptable ?
Marie-Hélène MARTIAL a envisagé à l’aune de son rôle de médiatrice le cas du conflit avec le copropriétaire s’opposant aux travaux, à l’entrepreneur, alors qu’il a installé un coffrage bloquant l’accès.
Elle a regretté que cette mise en œuvre du préjudice soit systématique, il eut été préférable que l’indemnisation soit limitée aux travaux d’intérêt collectifs causant à un préjudice anormal.
Me Colette CHAZELLE a envisagé l’emprise sur les partie commune.
En cas d’appropriation, empiètement, annexion quelle réaction pour le syndicat des copropriétaires :
Constat d’huissier ou photographie ? démolition sous astreinte ou mise en œuvre du principe de proportionnalité ?
Dans quelles conditions le copropriétaire peut-t-il contester, obtenir la ratification ou conclure un protocole d’accord ?
Le Professeur Christelle COUTANT-LAPALUS a éclairé la notion de droit de « construire » accessoire aux parties communes.
Laurence Guégan – Gélinet a illustré cette notion avec un cas pratique d’avocat concernant les mezzanines construites dans une partie privative.
Enfin Philippe SECHET a donné les outils de la publicité foncière, rappelé le rôle du Géomètre-Expert grâce à des dessins, détails sur ses outils, plans et méthodes de calcul.
Troisième commission : la disparition des parties communes
Me Aurelie AUBOIN, avocat est intervenue afin d’indiquer si la création d’un lot est obligatoire en cas de cession de parties communes.
A ce titre, elle a envisagé le critère du caractère déterminable de l’objet mais aussi les enjeux de l’acquéreur relatifs aux droits de votes, aux tantièmes de charges et en cas de sinistre.
Quid des risques de sanctions liés à la pratique de la cession à l’euro symbolique ou pour un prix dérisoire.
Cette intervention a été complétée par le point de vue du notaire via Delphine BARDAJI-PROST avec une approche fiscale.
Ensuite, Louis-Antoine POLETTI, consultant au #CRIDON, a distingué l’approche du juriste généraliste de celles des autres praticiens.
Il a notamment indiqué le modus operandi en cas de cession de parties communes spéciales : de la cession des droits indivis à la modification subséquente du règlement de copropriété à l’aune de la dernière jurisprudence. (3ème civ. 6 avril2023, n° 22-10.722).
Le Président de la CNEC, Stéphane Lelievre et notaire, a précisé les conditions d’application de l’usucapion sur une partie commune ou privative ou même sur une partie commune à jouissance privative.
Il a rappelé que l’auteur peut être tant un copropriétaire que le syndicat des copropriétaires.
La mission du syndic a été éclairée par Olivier Safar, rappelant le devoir de conseil allant jusqu’à l’interprétation du règlement de copropriété parfois ambigu avec des cas d’école qui sont ceux qu’il a pourtant rencontrés.
Le Professeur Hugues Perinet-Marquet a rappelé dans son propos conclusif qu’initialement dans le système de copropriété à la française :
« il fallait que le copropriétaire soit le plus proche possible d’un propriétaire » selon Pierre Capoulade.
Puis, il a noté certaines évolutions :
– la création de sept catégories de parties communes « nous rapprochant de la béatitude » ;
– le caractère impératif pour les PCS à PCJP, alors qu’avant le classement était supplétif ;
– la montée en puissance des parties communes accessoires : les pouvoirs publics ont tout fait pour permettre de densifier la ville : d’un côté on dévalorise en donnant une valeur brune de l’autre ils accordent des autorisations ponctuelles de surélever.
Où va-t-on ?
– Un risque de dictature des minorités ?
– Les communs dépassent la notion de partie commune jusqu’à s’en
passer ? Le retour du modèle sociétaire pour la gestion des ensembles ?
– Les parties communes et les volumes, quid de l’usage d’un bail réel d’efficacité énergétique ?
Son dernier mot est que « la copropriété serait plus simple sans parties communes, comme un sandwich sans jambon, mais cela n’aurait plus de goût « .
Merci à Stéphane Lelievre, Président de la CNEC pour l’organisation de ces journées.
L’ensemble de ces interventions se trouveront dans l’actualité juridique droit immobilier de Dalloz en février 2024.