La liquidation d’astreinte en copropriété

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L’astreinte est l’obligation de payer une certaine somme pour chaque jour de retard dans l’exécution d’une obligation.

Elle a un caractère contraignant sur le principe. En effet, on imagine bien que si une personne est condamnée à réaliser des travaux mais qu’aucune sanction n’est prévue, elle pourrait mettre un certain temps à s’exécuter alors que les travaux sont potentiellement urgents.

Elle est beaucoup utilisée en copropriété, notamment dans les hypothèses suivantes :

  • Remise en état d’un appartement dans lequel un mur porteur, partie commune, a été détruit sans l’autorisation de l’assemblée générale
  • Restitution d’une partie commune annexée illégalement
  • Cessation des troubles anormaux de voisinage
  • Réalisation de travaux de mise en conformité (à la suite d’un dégât des eaux par exemple)

Naturellement en fonction de la nature de l’obligation qui incombe au créancier et de la procédure engagée (fond ou référé), le Syndicat des copropriétaires aura pris le soin de voter une résolution pour engager la procédure judiciaire, plus particulièrement si la procédure concerne un copropriétaire[1].

1.La fixation de l’astreinte par le juge saisi du litige :

Ainsi, dans le cadre d’une procédure judiciaire initiée par un Syndicat des copropriétaires, celui-ci demandera au Tribunal de condamner le copropriétaire (ou toute autre personne) indélicat à réaliser l’obligation, sous astreinte financière. Le Juge peut également la prononcer d’office. En pratique, c’est assez rare.

Le Tribunal pourra faire droit à la demande d’astreinte, il aura également le pouvoir de réduire le montant demandé. Cela relève de son pouvoir d’appréciation.

Dans le dispositif de la décision il condamnera le débiteur à réaliser l’obligation dans un délai imparti, « sous astreinte de X euros par jour de retard commençant à courir 15 jours[2] après la signification de la présente décision ».

Le créancier de l’obligation devra alors procéder à la signification de la décision obtenue et vérifier que le débiteur s’est exécuté dans le délai imparti.

Afin d’éviter toute difficulté d’exécution, il est parfois utile de préciser dans le dispositif de ses conclusions que le débiteur, en plus de devoir s’exécuter, devra justifier d’avoir exécuter l’obligation par la production de tout justificatif (devis, facture, PV de constat…).

La production des justificatif de la réalisation de l’obligation a un intérêt particulier quand cette obligation doit être exécutée en partie privative, dans le lot d’un copropriétaire par exemple. Dans cette hypothèse, le Syndicat des copropriétaires ne pourra pas constater lui-même que les travaux sont exécutés (sauf à demander au Tribunal de pénétrer dans le lot).

La production de ces documents aura également pour objet de permettre au créancier de l’obligation de vérifier que les travaux objet de la condamnation ont été réalisés dans leur ensemble et conformément à la décision du Juge, dans le respect des règles de l’art.

Si l’exécution n’a pas été exécutée, alors le créancier pourra saisir le Juge pour demander la liquidation de l’astreinte.

2. La liquidation de l’astreinte :

Souvent, la condamnation sous astreinte est considérée comme la condamnation au paiement d’une somme certaine, liquide et exigible.

Il n’en est rien, d’abord parce que l’astreinte est par principe provisoire[3] et ensuite parce qu’elle doit être liquidée par le Juge de l’exécution (ou celui qui se serait réservé la possibilité de liquider l’astreinte[4]) et que cette liquidation est faite en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

Le Juge pourra donc en tenant compte des dispositions précitées, minoré le montant fixé par le juge du fond. Il n’aura en revanche aucun pouvoir pour rejuger les faits : il ne pourra que constater l’exécution ou non de l’obligation et les circonstances de fait liées à l’exécution.

Dans la mesure où le Juge de l’exécution n’a pas a juger une nouvelle fois l’affaire, il convient que la décision de première instance soit précise quant aux obligations à réaliser.

Le Juge de l’exécution liquidera l’astreinte est c’est à ce moment que la créance du Syndicat des copropriétaires deviendra certaine, liquide et exigible et pourra fait l’objet de toutes les voies d’exécution.

Par ailleurs, le Juge de l’exécution qui aura constaté que l’obligation n’a pas été exécutée pour fixer une nouvelle astreinte qui sera soit toujours provisoire, soit définitive.

Dans le cas d’une astreinte définitive, celle-ci ne pourra pas être modifiée lors de la liquidation[5] par le Juge saisi.

Enfin, pour la Haute juridiction, l’action en liquidation d’astreinte ne s’apparente pas en l’exécution d’une décision de justice et n’est donc pas soumise au délai prévu à l’article L111-4 du Code des procédures civiles d’exécution, mais au délai de prescription des actions personnelles et mobilières prévu à l’article 2224 du Code civil, soit 5 ans[6].

3.La durée de l’astreinte :

Nous pouvons nous retrouver face à deux types de décisions : celles qui fixent une durée à l’astreinte et celles qui n’en fixent pas.

Dans l’hypothèse d’une astreinte ou la durée est limitée, il est parfois préférable d’attendre l’expiration du délai pour saisir le Juge pour demander la liquidation de l’astreinte prononcée, notamment parce que la date de fin étant certaine, cela évitera de saisir une nouvelle fois le juge pour la période postérieure, dès lors que les astreintes sont en général fixées à quelques mois.

En revanche s’agissant de la liquidation d’une astreinte dont la durée n’a pas été limitée dans le temps : l’astreinte a pour but de forcer le débiteur de l’obligation à s’exécuter. Le créancier à tout intérêt à ce que l’obligation soit exécutée et peut donc avoir intérêt à solliciter la liquidation de l’astreinte rapidement, pour contraindre plus fortement le débiteur de l’obligation (qui sera désormais condamné à payer une somme d’argent et donc sujet à des mesures d’exécution qui pourraient le mettre en difficulté).

Dans ce cas, et si nécessaire, il pourra saisir le Juge de l’exécution pour une première période.

Dans l’hypothèse où le débiteur de l’obligation ne s’exécute pas malgré la liquidation de la première astreinte, le créancier pourra de nouveau saisir le Juge sans se voir opposer l’autorité de la chose jugée, à condition qu’il sollicite la liquidation pour la période postérieure[7] et non pour la période déjà titrée.

La procédure de liquidation d’astreinte engagée par un Syndicat des copropriétaires est soumise à l’autorisation de l’assemblée générale, conformément à l’article 55 du Décret du 17 mars 1967.

En effet, l’action en liquidation d’astreinte ne constitue pas une mise en œuvre des voies d’exécution permettant au Syndic d’agir sans autorisation[8].

La question qui se pose est de savoir comment doit être rédigée l’autorisation : de façon large ou précise ?

Classiquement, il est prévu que la décision d’engager une procédure judiciaire doit être précise quant à son objet, les parties contre qui l’action est engagée et la juridiction concernée[9].

En principe, les praticiens font voter une première résolution visant à obtenir la condamnation du copropriétaire indélicat à réaliser les travaux ou l’obligation en cause (sauf procédure de référé). Ce n’est que dans un second temps, et une fois la décision au fond rendue et devenue définitive, que le Syndicat fait voter en assemblée une autre résolution visant à obtenir l’autorisation d’agir en liquidation d’astreinte.

Dans un arrêt du 12 janvier 2022[10], la Cour de cassation est venue assouplir son principe en indiquant que l’autorisation particulièrement large d’agir en justice délivrée au syndic peut être comprise comme s’étendant aux instances liées aux difficultés d’exécution de ce jugement, lesquelles en constituent la suite directe, notamment aux instances en liquidation de l’astreinte.

Ainsi il ne serait pas nécessaire de voter une autorisation spéciale en vue d’une liquidation d’astreinte.

Cette jurisprudence permet d’éviter à l’assemblée générale de voter les différentes procédures liées à l’exécution d’un jugement.

[1] Article 55 du Décret n° 67-223 du 17 mars 1967

[2] La durée variera en fonction de l’obligation à réaliser, du créancier et de la situation de l’espèce

[3] Article L131-2 du Code des procédure civiles d’exécution

[4] Article L131-3 du Code des procédures civiles d’exécution

[5] Article L131-4 du Code des procédures civiles d’exécution

[6] Cass. 2ème civ. 21 mars 2019, n° 17-22.241 ; Jurisdata n° 2019-004159

[7] Cass. 2ème civ. 8 déc. 2011, n° 10-25.719 ; Jurisdata n° 2011-027701 ; Cass. 2ème civ. 9 avril 2015, n° 14-15.789 ; Jurisdata n° 2015-007562

[8] Cass. 3ème civ. 20 déc. 2000, n° 99-15.236

[9] Cass. 3ème civ. 3 déc. 2002, AJDI 2003. 513, obs. Giverdon

[10] Cass. 3ème civ. 12 janv. 2022, n° 20/17772

Recommandations du cabinet BJA :

Exemple de projet de résolution unique tenant compte de l’arrêt de la Cour de cassation : L’assemblée générale, après avoir pris connaissance des éléments joints à la convocation, autorise le Syndic à engager une procédure judiciaire à l’encontre de […] afin de le contraindre à réaliser les travaux [à préciser] et lui donne d’ores et déjà l’autorisation de poursuivre la liquidation de l’astreinte qui serait prononcée par le Tribunal et plus généralement pour engager toutes procédures liées aux difficultés d’exécution de la décision ordonnant la réalisation des travaux. Cependant, compte tenu de l’obligation d’information qui pèse sur le Syndic en cas de procédure, il parait plus prudent de conseiller de porter une nouvelle résolution à l’ordre du jour de l’assemblée, une fois la décision intervenue. Cela permettra d’éviter également tout incident de procédure que pourrait soulever la partie adverse notamment une irrecevabilité.

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