Nous allons revenir sur les rumeurs suivantes :
- Certains logements seraient frappés d’une interdiction de louer.
- Des exceptions issues du décret du 18 août 2023 concerneraient les immeubles classés type haussmannien ou maison à colombage.
- Aucune sanction ne serait encourue si le syndicat des copropriétés a voté le DPE collectif ou le PPPT
- Le calendrier sera bientôt assoupli
Ces informations sont en partie fausse et il convient de revenir sur ces fakes news.
Existe-t-il « une interdiction de louer » pour les logements énergivores, mal notés ?
Au sens juridique, un propriétaire est libre de disposer de son bien, d’en user ou d’en jouir. A ce titre il peut percevoir des loyers en contrepartie d’une location d’un logement.
L’article 6 de la loi du 6 juillet prévoit que « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ».
Les caractéristiques correspondant au logement décent correspondent à un niveau de performance.
Ce niveau de performance d’un logement décent évolue en application de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
Les logements G+ puis G, F,E seront tous indécents d’ici 2034.
Le bailleur peut cependant mettre le logement en location ou le laisser en location si le bail est en cours.
En cela il ne s’agit pas formellement d’une « interdiction de louer ».
Ce qui s’apparente le plus à une interdiction de louer serait le défaut de permis de louer.
Quelles sont les sanctions pour un logement indécent énergétiquement ?
Le locataire pourra saisir le juge en application de l’article 20-1 alinéa de la loi du 6 juillet 1989 et solliciter la réduction du loyer et la condamnation à réaliser les travaux nécessaires pour obtenir le niveau de performance requis :
« Le juge saisi par l’une ou l’autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux. Le juge transmet au représentant de l’Etat dans le département l’ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6. »
La loi Climat résilience du 22 août 2021 a ajouté une exception que le bailleur pourra soulever devant le juge à compter du 1 janvier 2025.
Quelles sont les exceptions que le bailleur peut soulever pour s’opposer à la réalisation des travaux nécessaires (et ainsi rester dans l’indécence) ?
Le copropriétaire bailleur peut justifier :
- avoir réalisé les diligences nécessaires auprès du syndicat des copropriétaires et dans son lot ; ou que
- le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales l’empêchant d’atteindre la performance énergétique requise.
« 1° Le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à ce niveau de performance minimal ;
2° Le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte de ce niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles avec ces contraintes. Les critères relatifs à ces contraintes sont précisés par décret en Conseil d’Etat. »
Quelles sont les exceptions (contraintes) qui ont été précisées par le décret du 18 août 2023 (haussmannien ou colombages) ?
A ce titre, le nouvel article 3 ter.-I du décret du 30 janvier 2002 explicite des cas de dérogations par exemple :
- si les travaux nécessaires de rénovation énergétique font courir un risque de pathologie du bâti attesté par un homme de l’art ;
- en cas de refus de réaliser ces travaux nécessaires car les modifications ont fait l’objet pour ce motif d’une refus d’autorisation par une autorité administrative (ex : ABF refusant des travaux d’isolation par l’extérieur pour des immeubles haussmannien ou maisons à colombages).
« I. (…) les cas dans lesquels il est impossible pour le juge d’ordonner la réalisation de travaux visant à atteindre un niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles avec ces contraintes sont les suivants :
- a) Les travaux nécessaires feraient courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos et couvert des bâtiments, attesté par une note argumentée rédigée, sous sa responsabilité, par un homme de l’art ;
- b) Les travaux nécessaires, entraînant des modifications de l’état des parties extérieures, y compris du second œuvre, ou de l’état des éléments d’architecture et de décoration de la construction, ont fait l’objet, pour ce motif, d’un refus d’autorisation par l’autorité administrative compétente sur le fondement des dispositions législatives et réglementaires du livre VI du code du patrimoine, du titre IV du livre III du code de l’environnement ou du livre Ier du code de l’urbanisme.
II.-Le propriétaire produit aux débats les pièces justifiant de l’impossibilité de réaliser les travaux visant à atteindre un niveau de performance minimal.
Le juge peut, notamment, surseoir à statuer dans l’attente de l’intervention de la décision de l’autorité administrative compétente pour autoriser la réalisation de ces travaux. »
A la lecture de ce texte, on comprend que les exceptions sont particulièrement floues et qu’il convient de se garder d’une approche systématique pour certains types d’immeubles.
En effet, pour bénéficier de ces exceptions, il conviendra au titre de la pathologie du bâtiment d’obtenir une attestation d’un homme de l’art (Architecte ? Bureau d’étude structure ? Diagnostiqueur ? Un décret à paraît pour connaître les qualifications suffisantes ?)
Pour le refus de l’autorité administrative, il conviendra d’attendre le refus de l’autorité administrative.
Des notions floues susceptibles d’interprétations variables : un nid à contentieux.
Aucune sanction ne serait encourue si le syndicat des copropriétés a voté le DPE collectif ou le PPPT
Nous avons vu que le copropriétaire bailleur pourrait obtenir une dérogation s’il justifie des diligences nécessaires auprès de la copropriété :
« malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à ce niveau de performance minimal »
Est-ce qu’il suffira qu’il est voté pour l’adoption du le projet de plan pluriannuel de travaux et du DPE Collectif sachant que ces derniers ne seront obligatoires en fonction du nombre de lots entre 2023 et 2026.
Ou devra-t-il avoir voté également pour le plan ou un Contrat de performance énergétique le cas échéant.
Ou devra-t-il avoir voté également pour les travaux prévus dans ce plan.
Le calendrier sera-t-il bientôt assoupli ?
« Sortir du marché de la location les appartements classés G, c’est réduire l’offre pour les plus modestes. Ceux qui vont en payer le prix, ce sont ceux qui ont besoin de logements peu chers. C’est une impasse pour les plus modestes » a plaidé Edouard Philippe, l’ancien premier ministre.
Également, le Ministre Bruno Lemaire avait annoncé, avant de rétropédaler :
» à titre personnel, je suis très favorable au fait de reporter l’interdiction de louer les passoires thermiques, disait-il alors. Je considère que tout ce qui a été décidé avant la hausse des taux (d’intérêt) mérite d’être regardé à nouveau à l’aune de cette crise ».
Cependant ce dernier n’écoutant que son courage est revenu sur cette parole en indiquant :
» Je ne veux pas qu’on doute de l’engagement total du ministère de l’économie et des finances sur la transition écologique », a-t-il martelé dans la matinée à Bercy, lors de la présentation à la presse du projet de loi de Finances pour 2024. De ce fait, » il n’est pas question de modifier le calendrier tel qu’il a été déterminé ».
Régulièrement, il est rappelé d’un côté qu’on ne peut négocier avec ces exigences car on ne peut négocier avec le climat et de l’autre, que la crise sociale consécutive à la crise du logement est pour demain.