L’usucapion en copropriété

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L’usucapion des parties communes en copropriété est un concept juridique complexe qui concerne la possession et l’acquisition de droits sur des parties communes d’un immeuble en copropriété par l’effet du temps. L’usucapion, également connue sous le nom de prescription acquisitive, permet à une personne d’acquérir la propriété d’un bien par le biais d’une possession continue et ininterrompue pendant une durée déterminée.

Comment peut-on définir l’usucapion en droit ?

L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme :

« Un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».

Cette usucapion concerne à la fois les biens meubles et les biens immeubles. La prescription peut s’appliquer à la propriété d’un lot (partie privative et quote-part des parties communes) mais le plus souvent, elle s’applique à une partie commune, par exemple une courette[1].

Elle ne concerne que les droits principaux comme la propriété immobilière et les servitudes.

Un droit de jouissance privative peut également s’acquérir par usucapion[2].

Quelles sont les conditions de l’usucapion ?

La prescription acquisitive est soumise à des conditions strictes prévues par le Code civil.

En effet, l’article 2261 du Code civil dispose que :

« Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

Il appartient à celui qui entend revendiquer la propriété par usucapion de démontrer que les conditions posées par cet article sont réunies.

Pour ce faire, avant d’évoquer tout délai de prescription, il convient de prouver la possession.

  • La possession paisible implique que le copropriétaire ait exercé ses droits sur les parties communes sans opposition ou contestation de la part des autres copropriétaires.
  • La possession continue suppose une occupation permanente et sans interruption des parties communes.
  • La possession publique signifie que la possession doit être visible et connue des autres copropriétaires et du public.
  • Enfin, la possession non équivoque exige que le copropriétaire revendique clairement ses droits sur les parties communes, de manière à ne pas laisser de doute quant à son intention d’en acquérir la propriété.

La Cour de cassation admet qu’un copropriétaire puisse ainsi revendiquer la propriété d’une partie commune, par le jeu de l’usucapion, dans une copropriété. Toute partie commune est susceptible d’être concernée : escalier, couloir, combles, jardin, terrasse, cour commune etc.

Un copropriétaire peut même se prévaloir de la prescription abrégée s’il a un juste titre[3], précision faite qu’un droit d’usage et de jouissance ne constitue pas ce titre[4] ni le procès-verbal d’une assemblée qui ne constate aucune décision[5].

Rappelons que le « juste titre » est l’acte juridique qui, considéré en soi, serait de nature à transférer la propriété à celui qui invoque la prescription s’il était émané du véritable propriétaire.

Quant au délai de prescription pour les biens, il est généralement de 30 ans, mais peut être réduit à 10 ans si le possesseur est de bonne foi (C. civ. Article 2272).

Attention, si un copropriétaire entend se prévaloir de la possession de son vendeur, il faut que cette possession soit mentionnée dans l’acte de vente, à défaut cela ne sera pas possible[6].

La bonne foi, condition souvent essentielle pour la prescription acquisitive, est présumée sauf preuve contraire apportée par le propriétaire initial.

La bonne foi consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire.

Quelles sont les limites et incidents affectant la prescription acquisitive ?

Dans certaines circonstances, l’usucapion des parties communes peut être contestée et remise en question. Des motifs d’exception peuvent être invoqués pour contester la validité de l’usucapion revendiquée par un copropriétaire.

La prescription acquisitive comporte également des limites :

  1. Certains biens sont exclus de la prescription acquisitive. Nous visons par exemples les biens publics tel que les jardins et parcs publics, les routes etc.
  2. Le délai de prescription pourra être affecté par l’interruption de la possession ou la suspension de celle-ci.

L’interruption a pour effet d’effacer le délai de prescription déjà parcouru. Un exemple des causes à cette interruption, l’action en revendication du propriétaire initial.

La suspension ne fait que suspendre cette possession qui pourra se poursuivre pour le délai restant.

  • Quelques exemples pratiques :

Il a été admis que le syndicat de copropriétaires pouvait acquérir par prescription acquisitive des immeubles ou des parcelles de terrain appartenant à un tiers, qui devenaient ainsi parties communes[7].

La Cour de cassation avait admis que le droit de jouissance privative, droit réel perpétuel, puisse faire l’objet d’une usucapion. Cependant, à notre avis, la nouvelle règle contenue à l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 en vertu duquel l’existence même du droit de jouissance privative est « subordonnée » à sa mention expresse dans le règlement de copropriété, semble faire échec au jeu de la prescription acquisitive sur les droits de jouissance.

En effet, le formalisme imposé par la loi ELAN s’oppose à ce qu’un copropriétaire puisse dans ce cas faire produire des effets de droit à une situation de fait.

Dans une affaire récente du 15 février 2023, n° 21-21.446, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a constaté la nécessité de faire figurer la partie commune cédée aux terme de l’acte de vente pour se prévaloir de la possession de son auteur.

[1] Civ. 3e, 25 janv. 2005, n° 03-29.926
[2] Civ. 3e, 24 oct. 2007, n°06-19.260
[3] Paris, 25 juin 1996, Loyers et copr. nov. 1996. 440 – Civ. 3e, 30 avr. 2003, no 01-15.078, P III, no 91.
[4] Civ. 3e, 5 oct. 1994, n°92-15.926 : « Ayant retenu qu’un lot de copropriété ne conférait qu’un droit d’usage et de jouissance sur une partie délimité d’un mur séparatif une cour d’appel en déduit exactement que ce droit ne constituait pas pour son titulaire un juste titre permettant une usucapion abrégée. »
[5] Civ. 3e, 9 juill 1997, n° 95-18.854 « Les mentions du procès-verbal de l’assemblée générale du 12 septembre 1962 ne pouvaient constituer un juste titre pouvant servir au syndicat à invoquer l’existence d’une usucapion ».
[6] Civ. 3e, 15 fév. 2023, n° 21-21.446
[7] Civ. 3e, 30 avr. 2003, n°01-15.078, Bull civ. III, n°91, Loyer et copr. 2003, comm. 186, obs. G. Vigneron.

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L’usucapion des parties communes en copropriété est un sujet juridique complexe qui nécessite une compréhension approfondie des conditions requises, des limites et des exceptions. Les principes juridiques régissant l’usucapion, tels que la possession paisible, continue, publique et non équivoque, ainsi que la durée de possession requise, sont essentiels pour déterminer si un copropriétaire peut revendiquer la propriété des parties communes par usucapion. Il est également important de tenir compte des dispositions légales spécifiques et de la jurisprudence pertinente pour une application correcte de ce concept juridique en copropriété.

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