Loi 9 avril 2024 dite « habitat dégradé » et ses dispositions principales concernant la copropriété

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Ce texte comporte 59 articles et trois chapitres : de l’Intervention en amont d’une dégradation définitive (chapitre I), à l’accélération des procédures de recyclage des copropriétés (Chapitre II) et pour terminer sur diverses dispositions (chapitre III).

Actuellement, la France recense près d’1,5 million de logements dégradés, mettant en évidence la nécessité de traiter ce problème en priorité.

L’augmentation du nombre d’articles lors de l’examen de la loi, passant de 17 à 59, témoigne de l’importance accordée à ce sujet.

Certains des 59 articles concernent directement la copropriété.

Nous allons pour cet article nous concentrer sur les dispositions visant à détecter et lutter contre les copropriété fragiles (I), faciliter les travaux (II) et enfin, à simplifier l’administration de la copropriété (III).

I. Détecter les copropriétés fragiles et limiter l’impayé

  • Article 18 : du mandataire ad hoc à l’administrateur provisoire en passant par la responsabilité du syndic

Les modifications de l’article 29-1A et de la 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 comprennent :

La première procédure, appelé « mandataire ad-hoc », se présente en cas de difficultés financières grâce à un audit externe et l’intervention de ce médiateur. Ce dernier propose à la copropriété le vote de mesures préventives permettant un retour à l’équilibre des comptes puis établi un rapport.

Les conditions d’ouverture pouvant justifier sa désignation sont :

  • Lorsque les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles pour les copropriétés de moins de deux cents lots ; ou
  • Lorsque les impayés atteignent 15 % pour les copropriétés de plus de deux cents lots.

Nouveautés depuis la loi dite « Habitat dégradé » :

==> Elargissement des conditions d’ouverture : un mandataire ad hoc pourra également être désigné en l’absence de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans.

==> Cette saisine par une autre personne que le syndic pourra être effectuée en l’absence de syndic ou en en l’absence de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans.

  • La deuxième procédure, « l’administrateur provisoire » s’active en cas d’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble. Cette procédure exceptionnelle vise un retour au fonctionnement normal de la copropriété par le transfert des pouvoirs du syndic et de l’assemblée générale à cet administrateur ;

Nouveautés depuis la loi dite « Habitat dégradé » :

  • si le syndic n’a pas saisi le tribunal judiciaire d’une demande de désignation d’un mandataire ad hoc, le président du tribunal judiciaire pourra imputer tout ou partie des frais de l’administration provisoire au syndic, après audition du syndic et du conseil syndical et sur le rapport de l’administrateur provisoire.

Une forme de procédure judiciaire en responsabilité civile est « organisée » devant le tribunal judiciaire lors de la désignation de l’administrateur provisoire.

Un article à paraître sur ce que certains désignent comme une « présomption de responsabilité » du syndic risque de dissuader de se saisir de copropriété fragile.

  • Article 20 : le syndic d’intérêt collectif

Article 18-3 de la loi du 10 juillet 1965 : « le syndic d’intérêt collectif est présumé compétent pour intervenir dans les copropriétés faisant l’objet d’une procédure de mandat ad hoc ou d’une administration provisoire.
Un décret à paraître sur les modalités d’application de cette mesure. »

Les organismes HLM et les Sociétés d’économie mixte (SEM) sont réputés remplir les conditions d’obtention de l’agrément de syndic d’intérêt collectif.

Il est probable que les syndics certifiés par l’association QualiSR soient retenues à cette fin.

Limiter l’impayé grâce à la saisie conservatoire

  • Article 19 : la super-saisie conservatoire

L511-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit désormais qu’« une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut (…) des provisions mentionnées au premier alinéa de l’article 19‑2 de la loi du 10 juillet 1965, exigibles ou rendues exigibles dans les conditions prévues au même article 19‑2. »

Il pourrait ainsi prendre le mal de l’impayé à la racine, étouffer la dette dans l’œuf et bloquer le compte avant qu’il ne soit trop tard.

Article sur sujet

En conséquence, nous recommandons de modifier vos courriers de mise en demeure afin d’indiquer que le copropriétaire s’expose désormais à voire ses fonds bloqués avant même de recevoir un assignation en cas de non paiement de délai indiqué par ladite mise en demeure.

II. Faciliter les travaux :

  • Article 4 : l’emprunt collectif

L’article 26-4 III

L’emprunt collectif à la même majorité que celle des travaux inscrits à l’ODJ de la même assemblée générales

Les travaux concernées : ceux nécessaires à la conservation, obligatoire, d’accessibilité handicapé, suppression vide ordure, économie d’énergie

Chaque copropriétaire est réputé avoir accepté ce mode de financement des travaux.

Tout copropriétaire peut refuser de participer à l’emprunt sous réserve de respecter les deux conditions cumulatives suivantes :

-notifier son refus dans les 2 mois de la notification du PV.

-verser la totalité de sa quote-part des travaux dans les 6 mois de la notification du PV.

Qui ne dit mot consent au crédit !

Refuse qui pourra !

Recommandation de procéder à la notification pour tous.

En attente de décret d’application et de banques proposant ce dispositif

Contrairement au précédent régime, qui proposait à chaque copropriétaire de souscrire à l’emprunt collectif, ce nouveau dispositif inverse le principe. Ici, chaque copropriétaire qui ne manifeste pas son refus est supposé y adhérer : « le silence vaut emprunt ».

Quelles seront les offres bancaires disponibles et quels enjeux ce dispositif soulève-t-il ?

➡ Article en cours d’actualisation : https://www.bjavocat.com/2023/12/20/la-reforme-de-lemprunt-collectif-en-copropriete

  • Article 40 : la passerelle « renforcée » pour les travaux de rénovation énergétique

Si les travaux de rénovation énergétique n’ont pas été adoptés en dépit de l’application de la passerelle de l’article 25-1, il est désormais possible de reconvoquer une nouvelle assemblée qui sera amenée à se prononcer à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 25-1 est désormais rédigé ainsi :

« Lorsque le projet de résolution a pour objet la réalisation de travaux prévus au f de l’article 25 et qu’il n’a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, une nouvelle assemblée générale, si elle est convoquée dans un délai de trois mois sur un projet identique, peut statuer à la majorité prévue à l’article 24. » ;

Cette passerelle vise à faciliter le processus décisionnel…

  • Article 40 : les travaux d’isolation à la demande et à la charge d’un copropriétaire

« Art. 25-2-1.-Un ou plusieurs copropriétaires peuvent effectuer, à leurs frais, des travaux d’isolation thermique de la toiture ou du plancher qui affectent les parties communes de l’immeuble, sous réserve que ceux-ci ne portent pas atteinte à la structure de l’immeuble, à ses éléments d’équipements essentiels, à sa sécurité, à sa salubrité, aux modalités de jouissance des parties privatives d’autres copropriétaires ou ne fassent pas l’objet d’une programmation dans le cadre du plan pluriannuel de travaux adopté par le syndicat des copropriétaires. »

 « A cette fin, le ou les copropriétaires demandeurs notifient au syndic une demande ayant pour objet l’inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale d’un projet de résolution, accompagné d’un descriptif détaillé des travaux envisagés. » « L’assemblée générale peut autoriser la réalisation des travaux à la majorité des voix des copropriétaires prévues aux articles 25 et 25-1. La convocation d’une éventuelle nouvelle assemblée générale est aux frais des seuls copropriétaires demandeurs. »

 « Jusqu’à la réception des travaux, le ou les copropriétaires mentionnés au premier alinéa du présent article exercent les pouvoirs et assument la responsabilité dévolue au maître d’ouvrage. »

  • Article 27 : Diagnostic structure de l’immeuble

La loi soumet à une obligation de diagnostic structurel décennal les immeubles d’habitat collectif de plus de 10 ans situés dans des secteurs d’habitat dégradé définis par la commune. Les périmètres des secteurs concernés sont indiqués sur un ou plusieurs documents graphiques annexés au plan local d’urbanisme, au document d’urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale.

Pour les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation soumis au statut de la copropriété, l’obligation de réaliser un diagnostic structurel de l’immeuble est satisfaite par l’élaboration du projet de Plan pluriannuel de travaux ou un DTG (PPT ; cf. loi du 10.7.65 : art. 14-2). Dans ce cas, la personne ayant élaboré le projet de PPT justifie des compétences et garanties définies par le décret en Conseil d’État.

III.  Faciliter l’administration de la copropriété

  • Article 38 : la digitalisation par principe

Le nouvel article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que « Les notifications et les mises en demeure sont valablement faites par voie électronique. Les copropriétaires peuvent, à tout moment et par tout moyen, demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale.

Il pourrait adresser un courrier avec un délai raisonnable (à la discrétion du syndic) indiquant aux copropriétaires:

  1. que désormais, les notifications des convocations d’assemblées générales, PV d’AG et mises en demeure se feront par voie électronique ;
  2. ce courrier pourrait indiquer que si le copropriétaire veut changer d’adresse e-mail pour ces notifications ou les recevoir par voie papier, il doit communiquer dans le délai raisonnable cette information par « tout moyen ».  Autrement dit, le copropriétaire et le syndic devront se ménager une preuve. Cela pourrait se faire lors de l’AG, par courrier recommandé voire par courriel.

Il existe des risques de contestations concernant la conformité de l’adresse e-mail et la preuve de la réception du courrier.

Afin de procéder à ces notifications, il ne serait pas suffisant d’adresser un mail simple mais il conviendra de respecter le formalisme prévu à l’article 64-2 du décret qui prévoit que : « Pour l’application de l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965, toutes les notifications et mises en demeure peuvent également être faites soit par lettre recommandée électronique dans les conditions prévues par les articles R. 53 à R. 53-4 du code des postes et des communications électroniques, soit au moyen d’un procédé électronique mis en œuvre par l’intermédiaire d’un prestataire de services de confiance qualifié et garantissant l’intégrité des données, la sécurité, ainsi que la traçabilité des communications, dans les conditions prévues aux articles 64-5 à 64-9.

Le délai que les notifications et mises en demeure par voie électronique font courir a pour point de départ le lendemain de la transmission, par le prestataire de service de confiance qualifié, de l’avis électronique informant le destinataire d’un envoi électronique. »

Il convient par ailleurs de noter que l’article 64-3 du décret du 17 mars 1967 n’a pas encore été modifié alors que ce dernier prévoit que :

« I.-L’accord exprès du copropriétaire mentionné à l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965 précise s’il porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux. Cet accord exprès peut ne porter que sur les modalités particulières de notification mentionnées à l’article 64-1.

Lorsqu’il est formulé lors de l’assemblée générale, cet accord est mentionné sur le procès-verbal d’assemblée générale. Il peut également être adressé à tout moment au syndic par tout moyen permettant d’établir avec certitude la date de sa réception.

II.-Lorsque les notifications et mises en demeure mentionnées au I sont faites au moyen du procédé électronique mis en œuvre par l’intermédiaire d’un prestataire de services de confiance qualifié mentionné à l’article 64-2, chaque copropriétaire concerné en est informé au moins quinze jours avant le premier envoi effectué par ce moyen, sans que cette formalité soit prescrite à peine d’irrégularité de l’acte. »

La loi primant sur le décret, cette contradiction peut être réglée sans attendre, toutefois, par précaution certains attendront la parution du décret d’application…

Les débats autour de ce texte tournent autour des arguments suivants : moins de contentieux sur les changements d’adresse, sécurisation de la communication par mail via un bon dispositif, de l’écologie à l’économie, la réduction de ces nombreuses impressions ou à l’inverse, le risque lié à l’illectronisme de certains copropriétaires, la preuve de la notification électronique, le spam, le changement d’adresse mail.

Il conviendra de se ménager la preuve de l’obtention du mail dans la mise en œuvre.

  • Article 38 : Résiliation du contrat de syndic par le conseil syndical

Pour mémoire, le conseil syndical peut être à l’initiative de la résiliation du contrat de syndic en cas de motif suffisamment grave.

Dans ce cas, il notifie au syndic une demande motivée d’inscription de cette question à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, en précisant la ou les inexécutions qui lui sont reprochées.

è Nouveauté avec la loi dite « Habitat Dégradé » :  le syndic doit convoquer l’assemblée générale dans un délai de deux mois à compter de la première présentation de la lettre recommandée, lorsque le président du conseil syndical en fait la demande. À défaut, le président du conseil syndical est habilité à la convoquer.

A noter que le syndicat des copropriétaires qui ne justifie pas de motifs suffisamment graves s’expose à payer, le cas échéant, les indemnités dues jusqu’à la fin du mandat prévues au contrat du syndic.

***

Nous n’évoquons pas ici les sujets concernant la nouvelle procédure d’expropriation des immeubles indignes à titre remédiable, l’insaisissabilité des comptes des copropriétés en redressement, le régime de concession pour le traitement des copropriétés dégradées, scission judiciaire des copropriétés en redressement et les sanctions contre les marchands de sommeil.

A ce titre, vous pouvez retrouver, le décryptage juridique de l’ANIL

Recommandations du cabinet BJA :

Le cabinet BJA se tient à votre disposition pour mettre en place au sein de votre cabinet l’ensemble des nouveautés liées à ce nouveau texte et ses conséquences pratiques pour les professionnels de la copropriété.

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